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Les chuchotis du lundi : au Galanga, Thomas Danigo change de braquet, Terumitsu Saito débute dans l’ancien Astrance, Pierre Bellon, mort d’un géant, les années Slavik, le « Chef » prometteur de Gautier Battistella, à Bruxelles, Christophe Hardiquest tourne la page

Article du 7 février 2022

Au Galanga, Thomas Danigo change de braquet

Thomas Danigo © GP

Thomas Danigo ?  Il est l’homme fort du Galanga, dynamique, talentueux, qui a pris son élan, cet été, avec le même groupe hôtelier – les Saltiel d’Adresses Hôtels -,  à Saint-Tropez, côté la Ponche. Ce wonderboy qu’on a connu là à ses débuts, formé au Grand Monarque à Chartres, puis, huit ans durant, au Laurent, avec Alain Pégouret, qu’il suivra au Sergent Recruteur, a décidé, dans son nid parisien de « Monsieur George », de chercher l’étoile. Voilà qu’à 30 ans tout ronds, il « change de braquet », « met la gomme », comme on dirait d’un champion cycliste. Proposant désormais une cuisine créative, sur la base de deux menus uniques, en sur-mesure, en cinq ou sept services, le soir seulement, le tout dans un écrin de manière vert signé de la designeuse mythique Anoushka Hempel. Son travail (brillantissime!) sur le poireau, l’oignon de Roscoff ou la truffe noire font notamment merveille.

Terumitsu Saito débute dans l’ancien Astrance

Terumitsu Saito © GP

C’était l’Astrance, rue Beethoven. C’est devenu l’Ortensia, sous la houlette de Terumitsu Saito qu’on a connu à Tain l’Hermitage et à l’étoilé Pilgrim dans le 15e parisien : une pointure japonaise, passée en France dans de belles maisons, notamment chez Guy Martin au Véfour et Thierry Marx au Mandarin-Oriental, et qui pratique ici, selon une formule mise à la mode par son fameux prédécesseur, le menu surprise du jour (58 € au déjeuner, 128 € le soir et le samedi midi) avec de brillants exercices de style comme celui sur le thème de la saint-jacques contisée aux truffes en tempura aux épinards. Le décor a été entièrement rénové avec une salle claire abritant 24 couverts au maximum. On sait que Pascal Barbot et Christophe Rohat ont dû reporter sine die l’ouverture de leur nouvel Astrance sise rue de Longchamp dans l’ancienne table historique de Joël Robuchon, à cause d’un vice de travaux, d’extraction et de voisinage, tenant, en attendant, les rennes de Cena, rue Treilhard, dans le 8e.

Pierre Bellon, mort d’un géant

Pïerre Bellon prêchant pour son entreprise © DR

Il est mort l’autre lundi à 92 ans. Né à Marseille, en 1930, fondateur de Sodexho en 1966 (Société d’Exploitation Hôtelière, devenue Sodexo en 2008), Pierre Bellon était devenu un des géants du CAC 40, pesant 12 milliards d’euros de capitalisation boursière, employant 412.000 collaborateurs dans 56 pays, ayant développé l’idée de restauration collective dont il était devenu le numéro deux mondial. Cet ancien d’HEC gourmand comme un chat assurait le frichti des entreprises, des administrations, comme des hôpitaux, des écoles et des prisons, tout en développant d’autres services (nettoyage, gestion de matériel médical…). Le génie de ce bâtisseur d »exception ? Celui de la diversification. Avec Sodexo Live !, Pierre Bellon était également propriétaire de Lenôtre, des Yachts de Paris, gérant la restauration de la tour Eiffel, de nombreux stades sportifs et des lounges d’aéroports…  A la fois, un personnage coloré et rieur, brut de décoffrage, qui piquait de saines colères et avait son franc-parler, tout en s’affirmant comme un bon vivant, vif, rond, humain, formidablement humain. On avait pu casser la croûte avec lui chez son copain Marc Veyrat qu’il avait soutenu lors de la création de son école de cuisine à Veyrier-du-Lac, au Jules Verne côté Tour Eiffel, mais aussi lors d’une étape du tour de France, entre Belfort et Troyes, sans oublier dans sa bonne ville de Marseille, autour d’une bouillabaisse au Miramar chez Christian Buffa. Pierre Bellon était un grand patron sans cesse en action, qui ne mâchait pas ses mots quand il s’agissait de défendre son entreprise et l’essence de son métier qui était de nourrir le plus grand nombre. Depuis janvier 2016, sa fille aînée Sophie préside aux destinées du groupe en quête d’un nouveau directeur général depuis le départ de Denis Machuel.

Les années Slavik

Il fut le grand designer de restaurants des années 1960 – 1980, le concepteur des drugstores Publicis, mais aussi de tables émérites comme le Duc, le Carré des Feuillants,  Marius et Janette, le Dôme, le Café Paris, le Jules Verne ou le Bistrot 121, de brasseries, comme l’Européen ou le Zeyer  de pubs comme la London Tavern et le Winston Churchill, jonglant avec les styles, l’art nouveau ou l’esthétique industrielle, portant le pastiche à la hauteur d’un bel art, démocratisant à tout va, sans perdre son élégance de prince russe, né à Tallin, exilé à Paris, où il sera diplômé des Arts déco, peintre surréaliste dans la lignée de Chirico, décorateur de ballets pour Serge Lifar, designer pour Marcel Bleustein-Blanchet et, surtout, dandy libre d’allure. Pour lui rendre hommage, ses amis s’y sont mis à plusieurs : Pascal Bonafoux, Peter Knapp, Margo Rouard Snowman, Géraldine Cerf de Dudzeele, mais aussi Cyril Vassiliev, Barbara Vassiliev-Maynial, Nicolas Vassiliev et Philippe Maynial, historien d’art, amis, famille, disciples. Tous racontent « leur » Slavik. Le titre (« les années Drugstore ») est sans nul doute réducteur. Mais il marque l’influence pratique et déterminante de cet homme de l’art en marche sur son époque agile.

Le « Chef » prometteur de Gautier Battistella

On lui doit déjà deux romans – « Un jeune homme prometteur » et « Ce que l’homme a cru voir ». Gautier Battistella, qui est, dans le civil, rewriter de luxe au Michelin, convoque, pour le lancement de son troisième roman (« Chef« ) des chefs stars et lettrés qu’il connaît bien (Pierre Gagnaire, Bernard Pacaud, Kei Kobayashi, Yoann Conte, Bruno Verjus, Rafaël Rego, Massimo Mori) au cours d’un dîner très particulier chez Andreas Mavrommatis dans le 5e. Le sujet de ce roman, à paraître chez Grasset début mars? Il semble directement inspiré du suicide de Benoît Violier juste après son  sacre par la Liste mais, pas seulement. Ce qu’en dit son éditeur:  « Paul Renoir, 62 ans, trois étoiles au restaurant « Promesses » tout juste élu « meilleur chef du monde » par ses pairs, est découvert chez lui, avec, à ses côtés, le fusil de chasse avec lequel il a mis fin à ses jours. Stupeur. Le monde de la gastronomie est en deuil. Pourquoi ce cuisinier exceptionnel a-t-il choisi d’en finir ? Juste avant sa mort, une équipe de Netflix était venue tourner un portrait de Renoir. Souvenirs de famille, origine de sa vocation, étapes de son ascension : son récit cache peut-être le secret de son suicide. A moins qu’il ne faille le chercher dans la bataille qui fait rage autour de son héritage. Entre sa veuve, Natalia, le sous-chef Christophe, son fils Mathias et Albinoni, le concurrent sans scrupule, les tensions s’exacerbent. Confrontés au décès soudain de l’ogre, prétendants au trône, conspirations et joute des egos vont se révéler. Chef, c’est aussi l’histoire de la cuisine française depuis la Seconde Guerre mondiale. Paul a tout appris de sa grand-mère, une amie d’Eugénie Brazier, l’emblématique « mère lyonnaise ». Les femmes ont inventé la gastronomie, avant que les hommes ne se l’approprient et ne la rendent célèbre. Aux côtés des Bocuse, Loiseau ou Ducasse, Paul Renoir accompagne la naissance de la Nouvelle Cuisine dans les années 1970, prémisses à la starisation actuelle des chefs. »

A Bruxelles, Christophe Hardiquest tourne la page

Christophe Hardiquest © GP

Les grands chefs belges en ont-ils marre des guides ? Les deux « trois étoiles » de Bruges, Geert Van Hecke et Gert De Mangeleer ont fermé leurs tables (le premier le Karmeliet en 2016, le second son Hertog Jan en 2018), pour ouvrir d’autres restaurants selon d’autres formules moins onéreuses (Refter et Zet Joe, pour le premier, des concepts tendance, Babu et Iconic, plus un nouveau Hertog Jan, plus contemporain, avec son sommelier Joachim Boudens à Anvers, pour le second). c’est au tour de Christophe Hardiquest, l’artiste deux étoiles de « Bonbon » à Bruxelles, de tourner la page après vingt ans de présence sur la scène étoilée. Chef nomade, cuisinier à domicile, nouvelles formes de restauration pour tous : le grand Christophe, en qui l’on vit l’un des meilleurs outsiders francophones à la 3e étoile, cherche une nouvelle voie gourmande. Il ferme en tout cas sa grande table bruxelloise le 29 juin prochain.

A propos de cet article

Publié le 7 février 2022 par

Les chuchotis du lundi : au Galanga, Thomas Danigo change de braquet, Terumitsu Saito débute dans l’ancien Astrance, Pierre Bellon, mort d’un géant, les années Slavik, le « Chef » prometteur de Gautier Battistella, à Bruxelles, Christophe Hardiquest tourne la page” : 1 avis

  • jluc

    hommage à christophe hardiquest, et souvenir ému d’un cabillaud béarnaise aux huitres avec un riesling de chez zusselin, comme un alignement de planètes, un soir d’été, peut-être en 2018…

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