L’Opportun
« Le Bistrot du Mois – Paris 14e : Morgane, reine du bouchon parisien »
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Morgane Alzérat est une enfant de la balle. Cette reine du bouchon parisien, est quasiment née dans l’affaire créée par son père il y a un quart de siècle à l’ombre de la tour Montparnasse et non loin de la gare, après son déménagement de la place de Catalogne. Les écrivains, les journaleux, les intellos rive gauche venaient s’encanailler à l’Opportun, boulevard Quinet. Serge Alzérat, natif de Paris, mais originaire de Roanne, s’était inventé un personnage de patron de bouchon à lyonnaise, râleur et gueulard au grand coeur, spécialiste du « dépistage de la pépie » et de la « prophylaxie de la soif », « beaujolothérapeute« , soignant ses clients atteint de coup de blues à coups de beaujolais-villages, de morgon, de fleurie, de régnié, de juliénas, de brouilly, de moulin à vent et de chiroubles.
Morgane, sa digne fille, qui a hérité une bonne part de ses talents, de sa générosité et de sa faconde, mais conférant aux mets qu’elle sert un doigté féminin en sus, a repris le flambeau avec brio. Il arrive à Serge d’être encore présent quand les vieux de la vieille sont là et de retour dans ce bouchon sans façon, comme s’ils reprenaient place dans un territoire d’enfance. En se racontant les mêmes histoires, en se partageant le beaujolais de l’amitié, en goûtant l’exquis régnié du domaine des Braves si bien nommé, titrant tout de même 14,5° pour le 2020. Mais, comme dit Serge, « quand on aime, on ne compte pas... »
Morgane, plus discrète que papa Serge, est davantage en cuisine qu’en salle, s’affaire à réactualiser le répertoire maison sans le dénaturer. Aux salades lyonnaises habituelles, avec lentilles et lardons, cervelas et moutarde, s’ajoutent une « version partage » du tablier de sapeur (la panse de veau panée ou si, l’on préfère, le gras-double), format allumette, avec gribiche et moutarde violette pour tremper, ou encore ce « duo du marché » où le gâteau de foies de volaille à la lyonnaise jouxte le « houmous » de haricots tarbais avec magret fumé. Tonique et rafraîchissant !
Un repas dans cette ambassade joyeuse du pays des gones qui se présente, sur la carte, comme « un peu de Lyon à Paris« , débute toujours par le joli saucisson de Bobosse à Saint-Jean-d’Ardières, avant d’embrayer avec des plats de résistance comme on les aime façon tête de veau sauce gribiche, tendre onglet de boeuf aux échalotes, ou, mieux encore, de veau, plus ris de veau croustillants persillés, salsifis et topinambours ou encore rognon de veau (pour lequel elle révèle son bon « truc de mijotage » en cocotte : le parer du gras qui entoure les rognons et s’en servir comme élément de cuisson, ce qui leur confère moelleux et goût), servi avec son beurre aux échalotes, sa pomme purée.
A noter que le rognon de veau servi en belle portion, bien rosé (qu’elle sert aussi en cocotte avec pommes grenailles et lard) est sagement tarifé 18 €, ce qui en fait l’un des sommets du genre à Paris au registre du rapport qualité/prix. On ajoute que Morgane bichonne aussi ses douceurs, comme la crème brûlée, la tarte aux pralines rituelles, l’oeuf en neige … aux pralines roses comme à Lyon et la coupe glacée au muscat (pêche de vigne, fraise, basilic, poivre de Sichuan).
Et qu’on achève ici volontiers avec un coup d’armagnac de Laubade de huit ans d’âge, avec son nez de vieux pruneau, histoire de sceller là le sceau de l’amitié et d’accorder à la demeure la médaille du bien-vivre à la « Mère Morgane ». Santé à tous, bel appétit et large soif!
Un régal des papilles dans un endroit chaleureux. Très très bonne soirée
Le site du restaurant est : http://www.opportunparis.com
Celui cité ci-dessus renvoie vers un improbable restaurant thaï…