Vivre avec nos morts
Dans le même titre, placer « vivre » et « morts« , c’est manier l’oxymore avec une habileté narquoise. Mais Delphine Horvilleur, dont on connaît le brio, rappelle qu’en hébreu, le cimetière se dit « Beit haH’ayim », « la maison des vivants ». Elle nous offre ici un indispensable manuel de consolation à l’usage de ceux qui restent. Lors d’un enterrement, d’une veillée des morts (la « shiva »), en tête à tête avec un mourant, en discussion avec une dame âgée obsédée par sa mort lonitaine, notre rabbine libérale si médiatique glisse à chaque fois une leçon de vie. Elle emprunte ici la voix du récit plus que de l’essai, nous parle autant des obscurs que des personnalités fortes, nous fait voyager à New York ou à Jérusalem, croise et unit Simone Veil et Marceline Loridan-Ivens, évoque l’assissinat d’Itzhak Rabin à Tel-Aviv et achève son livre dans l’Alsace de ses grands-parents paternels, à Westhoffen, cette « capitale mondiale de la cerise alsacienne« , où l’on cueille de si jolies griottes livrant des eaux de vie, permettant de trinquer (« lehaïm« ) à la vie. Voilà un beau livre-compagnon, dense, drôle, complice grave, sans nul doute, mais jamais désespéré. Faut-il croire à la vie éternelle? Les exégèses sont nombreuses. Les esquisses de vérité varient? « Qui a une question? J’ai une réponse…« , assurait un rabbin en arpentant son village en Pologne.
Vivre avec nos morts, de Delphine Horvilleur (Grasset, 223 pages, 19,50 €).