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Klipfel

« Quetsche (et autres schnaps) »

Article du 22 juillet 2011

Quetsch de Klipfel © GP

Voici venir le soir et l’envie d’une quetsche pour chasser ou simplement oublier les difficultés de la journée. Rien n’est plus apaisant que ce bel alcool au nez si prenant, issu de la distillation de fruits bleutés presque noirs. On dit, indifféremment, « quetsch » ou quetsche », avec ou sans « e ». La quetsche, dont le nom provient de l’idiome allemand « Zwetsche », désigne la grosse prune noire, cousinant avec celle d’Ente ou d’Agen, qu’on mange là-bas, toutes ridées, après l’avoir fait longuement sécher au soleil.

On la nomme aussi prune de Damas, précisant qu’elle mûrit bien en octobre, soit un mois après sa cousine lorraine, la mirabelle, jaune d’or et plus précoce. Elle est douce, rustique et fraîche, tranquillement acide, doucereusement digeste. La quetsche désigne autant le fruit avec lequel on confectionne des tartes exquises ou clafoutis délectables, mais aussi des confitures, des compotes, des glaces ou sorbets à se pâmer, que la belle eau de vie qui en est issue.

Eau de vie se dit en alsacien « schnaps », mot qui, en francique rhénan, désigne l’alcool distillé à partir de tous les fruits : cerise, kirsch ou griotte, qui est le fruit roi de la voisine Forêt Noire, framboise, poire, mirabelle, reine-claude, abricot, mais aussi sureau, sorbier, alisier, églantier, marc de raisin, de muscat comme de gewurztraminer – qui s’apparente à une « grappa » alsacienne – font des alcools de choix.

Certes, j’aime le kirsch si digeste, la framboise au parfum si flatteur, la poire charmeuse, dont une eau de vie réussie reproduit avec aise le grain du fruit, ou encore, en Lorrain bien né, la mirabelle au goût si persistant qu’il se prolonge longtemps encore une fois le verre vide. Mais on me pardonnera si, en Alsace, je place la quetsche à un étage supérieur. J’aime son côté fin et rustique à la fois, vif et frais, savant et fruité, sapide et fringant. Sa simplicité apparente m’émeut, sa facilité à être bu, comme ça, pour rien, juste le plaisir de trinquer entre amis, me ravit.

André Lorentz et son flacon © GP

Me voici le soir dans ma maison de Saint-Jean. J’aligne mes bouteilles de quetsche comme on met en rang de bataille des soldats de plomb. Il y a ceux de Massenez, Miclo, Metté, Gisselbrecht, Preiss, de Miscault, Nussbaumer, Hagmeyer, Windholtz, Hoeffler, Bertrand. Et, puis, pour les départager, celui de mon copain vigneron André Lorentz, autrement dit Klipfel à Barr, joli flacon bien transparent, capsule noire, étiquette vieillie sur laquelle on relève simplement : « eau de vie de Quetsch d’Alsace ». Ce qui dit tout. Comme l’alcool dans le verre, net, frais, jamais pesant, sans nulle agressivité, avec ce nez harmonieux et enveloppant, sa bouche prenante, un brin sucrée, ce fruit qui remonte et qui revient. Santé !

Klipfel

1, rue du Rotland
67140 Barr
Tél. 03 88 58 59 00
Site: www.klipfel.com

Ps: le texte ci dessus est extrait de mon "Dictionnaire amoureux de l’Alsace" (Plon). Avis aux amateurs de petites choses alsaciennes et exquises...

A propos de cet article

Publié le 22 juillet 2011 par

Klipfel” : 4 avis

  • JeanDo

    quetsche que tu dis ?

  • Gilles, je vous avais bien lu et je trouvais très sympathique de votre part que vous citiez ce distillateur méconnu, moins médiatique que les autres. Je voulais juste lui rendre un petit hommage supplémentaire.
    Quand à la petite anecdote, j’ai peut-être fait trop confiance à JC Hoeffler. Mille excuses si je vous ai froissé. A propos des dégustations d’alcools, ou de vins, on a beau recracher, ça laisse des traces après, et même avant la virgule, sur le cadran du « Dräger 7410 plus », un appareil très utile qu’Henry Marionnet m’a fait découvrir en 2004 et qui ne me quitte plus depuis; au moins je sais si je peux reprendre la route en toute sécurité ou si je dois patienter. Vous, vous avez plus de chance que moi, vous ne conduisez pas … si ce qu’on m’a rapporté est exact.

  • D’une part, J-C Hoeffler est cité, avec d’autres distillateurs de qualité, à la fin de mon texte. Je ne sais si vous m’avez bien lu. D’autre part, je ne vois guère à quelles difficultés il pourrait bien faire allusion. Je n’ai pas l’habitude d’avaler en dégustation, mais bien de recracher ce que l’on me fait goûter. Je me souviens très clairement avoir acheté chez lui, in fine, une bouteille de merise. Mais c’est peut être l’excès de vapeur d’alcool qui trouble sa vision des choses. Ou la vôtre… Bien à vous amicalement.

  • Les alcools d’Hoeffler à Losbann méritent eux aussi d’être découverts. Ce distillateur peu connu des médias et du grand public, propose notamment une excellente Fleur de Molène (du même niveau que celle de Colette Faller). Idem pour sa Gentiane, sa Prunelle sauvage et sa Baie de houx.
    Je crois savoir de Jean-Claude, qu’à l’issue de votre dégustation dans sa distillerie (celle d’avant mars 2003) vous seriez reparti avec quelques difficultés … Mais comment faire autrement quand on goûte toute la gamme (et que les produits sont dignes d’intérêts), qui sans atteindre la pléthorique de Philippe Traber à Ribeauvillé, en comporte tout de même plus d’une dizaine.

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