Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

La Crème de la Crème – Christophe Pelé : « le gibier est un révélateur »

Article du 14 octobre 2021

Christophe Pelé, chef du Clarence © Maurice Rougemont

Il cuisine le gibier avec un talent inné, en fait ressortir tous ses sucs. Qu’il s’agisse de composer avec toutes les fibres, les chairs, le sang, les abats d’un lièvre à la royale ou de faire flamber un grouse en salle, Christophe Pelé, le génial maestro du Clarence, ne fait pas appel à n’importe qui. Sa confiance pour le lièvre de Beauce, la grouse d’Ecosse, le chevreuil de Sologne, comme le perdreau gris (le sauvage, contrairement au rouge qui est élevé pour être chassé par des gâchettes faciles), Christophe la place chez les Bissonnet, qui livrent toute la grande restauration en viande de qualité, le boeuf Simmenthal ou de Normandie, le lapin Rex du Poitou, comme la poulette des Landes d’Arnaud Tauzin ou l’agneau de Pré-Alpes, en direct de leurs Boucheries Nivernaises ou encore de leur enseigne, dédiée aux belles volailles, le Coq Saint-Honoré qui a déserté la rue Gomboust, entre l’avenue de l’Opéra et la place du Marché Saint-Honoré pour rejoindre le marché de Rungis.

Julien Bissonnet et Christophe Pelé © MR

C’est de là, en tout cas, que vient le rare coq de bruyère cuisiné à l’ancienne au Clarence. Flambée au whisky, cette viande giboyeuse retrouve sa magie d’origine. Elle révèle la vraie nature de Christophe Pelé, cuisinier moderne aux solides bases traditionnelles. Ce natif de Chatenay-Malabry, dont les parents sont originaires de Touraine et qui retournèrent vivre dans leur région d’origine, quitte l’école à quinze ans pour apprendre classiquement son métier sur le tas à l’Auberge des Tisons à Château Renault, puis à la Flambée à Tours, avant la Brasserie Butet. A partir de 21 ans, Christophe voyage. Il fait des saisons l’été en Corse, l’hiver dans les Alpes. Il aura la révélation de la grande cuisine à Paris, chez Ledoyen, au temps de Ghislaine Arabian (« un fort caractère »), puis chez Lasserre, époque Bernard Joinville, où il prépare les pommes soufflées et le canard à l’orange.

Collier de thon au caviar © MR

La créativité, mais sans se départir des bases classiques? Il l’apprendra au Royal Monceau, avec Bruno Cirino, durant trois ans, puis chez Pierre Gagnaire durant six mois (« mais qui comptent double vu l’épaisseur du personnage« ). Ensuite? Ce sera le Bristol avec le regretté Michel Del Burgo, puis à nouveau le Royal Monceau où il épaule Hervé Galidie, avant de prendre la place de chef. Il se lancera ensuite à son compte, vite récompensé par le Michelin, d’une puis deux étoiles, à la Bigarrade, rue Nollet, de 2007 à 2013, avant de partir tenter l’aventure à Hong-Kong, dans une table française et étoilé « Serge et le Phoque ». Ce sera enfin le retour à Paris en fanfare, en novembre 2015, où Christophe recevra rapidement l’onction des deux étoiles au Michelin et le titre de « chef de l’année » et les trois assiettes au Pudlo Paris.

La découpe au guéridon de la grouse © MR

Classé au sommet de la qualité dans la capitale par un jury de critiques, dont votre serviteur, dans le Figaro, Christophe Pelé épate par son côté discret et virtuose, cette façon qui n’est qu’à lui de faire se rejoindre Escoffier et Gagnaire, d’utiliser aussi bien les produits nobles que les abats les moins usités, travaillant le collier de thon, la fraise de veau, la grouse et les bulots comme le caviar, la langoustine et le foie gras, revisitant l’idée de luxe en cuisine dans un lieu – un hôtel particulier XIXe, appartenant à la famille Dillon, proprétaire du château Haut-Brion, qui est le luxe même. Ou plutôt l’idée qu’on se fait d’un palais aristocratique. Si jadis, au temps de la Bigarrade, il partait deux fois par semaine faire son marché à Rungis, y rapportant le meilleur de la marée du moment, Christophe fait confiance aujourd’hui à une maison comme la Sablaise  rue Cler, dans le 7e, qui se fournit, elle, à Rungis et en direct chez les mareyeurs.

Saint-Pierre à la chlorophylle © MR

Pour les légumes, il fait confiance à Terroirs d’Avenir, mais aussi aux Halles Trottemant. Pour son exceptionnel beurre fermier au lait cru, son fournisseur reste la Ferme du Ponclet de David Akpamagbo, en Bretagne, du côté des Monts d’Arée, qu’il contribua à lancer il y a plus de dix ans. Et pour les viandes, comme le gibier, que nous évoquions au début, on en revient aux Bissonnet du Coq Saint-Honoré, qui outre la grouse, le lièvre ou le perdreau, le fournit en rare volaille de la Cour d’Armoise, produite du côté du Mans, issu d’une race ancienne sélectionnée par le producteur Pascal Cosnet. Pour Christophe Pelé, qui est très exigeant sur les calibres et la qualité de la chair, Julien Bissonnet assure qu’il ne sélectionne que le meilleur. « Christophe ne veut que des lièvres entre deux et trois kilos. Et seul une chair fine donnera une viande d’exception« .

Présentation de la grouse avant la découpe © MR

Ce que Christophe Pelé reprend lui-même en avouant : « c’est à travers le gibier qu’on reconnaît un bon cuisinier, c’est une étape obligatoire. Cuisiner ses fibres, sa chair tendre et fine sans la massacrer, cela demande de la délicatesse. C’est un travail de ciseleur. De ce point de vue le gibier agit comme un révélateur. » Son gibier rêvé? L’ortolan, désormais interdit, pour sa finesse, sa rareté, mais aussi son cérémonial, « la magie qu’il exprime et tout ce que recèle ce que fut une grande tradition gourmande« . La cuisine, on le sait c’est de la magie. Et le gibier un produit magique entre tous…

Charles et Julien Bissonnet © MR

Le Clarence

31 avenue Franklin Roosevelt
Paris 8e
Tél. 01 82 82 10 10
Menus : 90 (déj.), 130, 190, 320 €
Carte : 300 €
Fermeture hebdo. : Lundi, mardi midi, dimanche
Métro(s) proche(s) : Franklin D. Roosevelt
Site: www.le-clarence.paris

 

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Publié le 14 octobre 2021 par

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