Ou peut-être une nuit
On ne va pas se voiler la face: cette auteure qui porte mon nom est ma nièce, la fille de mon frère, l’un des éléments les plus bouillonnants de la tribu Pudlo, qui surfe, pour son premier livre, à la fois essai et enquête, mêlant témoignages et réflexion, sans omettre l’expérience, sur la vague et le vogue de l’inceste. Surfer ne se veut pas ici péjoratif. Aujourd’hui, tout se révèle et rien ne se cache plus. Ce qui se masquait jadis sous le manteau, dans le secret des familles ou les cabinets de psy se révèle désormais au grand jour. Et c’est, évidemment, un « plus » pour notre connaissance humaine. On a dit ici tout le bien que l’on pense du dernier roman de Christine Angot (le Voyage dans l’Est). On va poursuivre en soulignant les qualités du livre de Charlotte P. qui emprunte son titre à un vers scandé par Barbara, dans l’Aigle Noir, et traduit en mots joliment pesés, chapitres articulés avec minutie, glissant moult exemples inspirés de ses lectures, de ses recherches de ses rencontres, l’histoire des multiples victimes d’inceste qui racontent, s’exprimant souvent avec difficulté et douleur. Ce qui fut d’abord un podcast à succès sous le même titre et le sceau de Louie Media, devient, sous sa plume alerte et habile, un vrai livre, riche, dense, incisif. Faire la guerre à l’inceste, c’est faire la guerre au silence. Lorsqu’elle apprend que sa mère a subi les agressions répétées de son père dans sa jeunesse, le choc est évidemment grand pour Charlotte qui tente d’abord de comprendre le pourquoi de la chose et de briser la chape du silence. « Le tabou de l’inceste n’est pas de le commettre, mais de le dire« , souligne-t-elle avec force. Ce que ce livre, ordonné avec science, démontre avec un brio consommé et un constante richesse d’écriture. Bravo Charlotte !
Ou peut-être une nuit, de Charlotte Pudlowski (Grasset, 20 €, 268 pages).