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Les chuchotis du lundi : Davy Tissot gagne le Bocuse d’Or, l’affaire Ravin entache le repas des grands chefs, Jean-Luc Naret chez Set Collection, Stamm et Schaal à Strasbourg, la nouvelle jeunesse de l’Auberge Bressane, Alan Geaam au Café de la Jatte, Michel Roth à Roissy, Dina Nikolaou en Crète, les Toques Blanches sauvent la planète

Article du 4 octobre 2021

Davy Tissot gagne le Bocuse d’Or

Davy Tissot © DR

Il a mis fin à huit ans de disette pour la France au Bocuse d’Or, a crânement joué le jeu, avec une variation sur le paleron de boeuf hyper-sophistiquée, belle comme un tableau, et – nouveauté, cette année, du concours – sa version malicieuse d’une « box » à emporter. Lyonnais, MOF, qui s’était imposé au Bocuse d’Or France en 2019, avant de n’obtenir que la sixième place du Bocuse Europe, à Tallin en Estonie, ce qui augurait plutôt mal de son combat futur, Davy Tissot a su défier le sort et faire face à tous les obstacles, ramenant le trophée « à la maison« , devant le Danemark – vainqueur il y a deux ans, la Norvège, l’Islande et la Suède. Celui-ci devrait figurer dans la vitrine d’honneur de « Monsieur Paul » à Collonges. Passé chez Régis Marcon, Jacques Maximin et … Paul Bocuse, vainqueur du MOF 2004 à 30 ans, Davy Tissot dirigea la table étoilée de la Villa Florentine, le Relais & Châteaux du Vieux Lyon, avant de prendre en mains le restaurant d’application de l’institut Bocuse d’Ecully, Saisons, où il obtient l’étoile en 2020. Bravo à lui et à toute son équipe!

L’affaire Ravin entache le repas des grands chefs

Marcel Ravin © DR

Il a été évincé du repas des grands chefs, qui, à la préfecture du Rhône, le 26 septembre dernier, rassemblait la grande communauté des cuisiniers présent au Sirah, Marcel Ravin, étoilé à Monaco et chef signataire de la table du Réfectoire à Lyon, avait son carton à son nom, signé du président Macron, en bonne et due forme. Mais ne figurait pas sur la liste des invités. Explication officielle : Marcel Ravin aurait oublié de confirmer sa présence. Il a patienté 1h30, refoulé par un vigile, attendant, en vain, le coup de fil d’un membre de l’organisation, voyant, en revanche, de nombreux chefs, sans carton, passer devant lui… Et a terminé la soirée tout seul devant une andouillette frites. L’affaire a fait grand bruit sur les réseaux sociaux, après que le chef « martiniquais, noir et français » ait exprimé sa différence et  sa déception pour un milieu moins fraternel qu’il n’y paraît. « Je suis martiniquais français, noir, je suis chef étoilé et je ne suis l’élève d’aucun grand chef ou système. J’ai donc eu à me battre pour ma passion et je continuerai. Et j’ai le droit. J’ai le droit d’assimiler une énième épreuve à mon parcours, j’ai le droit de l’ajouter à celles déjà surmontées. Ça dérange certains, met mal à l’aise d’autres mais pourquoi devrais-je me taire de peur qu’on fasse le lien avec ma couleur de peau? Je ne crie pas au crime, je dénonce des faits concrets. Je n’incrimine quiconque personnellement, je déplore un manque de fraternité. » Il a reçu en revanche de nombreux messages de solidarité et, in fine, les excuses de GL Events organisateur de l’événement. « Mauvais buzz« , souligne Guillaume Gomez, ambassadeur gastronomique du Président, qui assure « la République n »est pas raciste« , précisant que Marcel Ravin aurait dû être prévoyant. Certains cuisiniers issus de la « diversité », comme Mory Sacko, Pierre-Sang Boyer, d’origine coréenne, et Mohammed Cheikh étaient, eux, présents à ce dîner qui rassemblait la grande communauté des cuisiniers apparemment unie…

Jean-Luc Naret chez Set Collection

Jean-Luc Naret © DR

Du neuf pour Jean-Luc Naret qui prend en mains ces jours-ci « Set Collection », la petite chaîne de luxe d’Alfred et Giorgi Akirov, qui comprend notamment le Lutetia à Paris, le Conservatorium à Amsterdam, le Café Royal à Londres, le Mamilla et le David Citadel à Jérusalem, auquel il doit donner une nouvelle résonance, à la fois médiatique, glamour et gourmande. De fait, l’ex-patron du Michelin (il y est resté huit ans), formé dans l’hôtellerie de palace, n’a jamais abandonné l’hôtellerie et attendait le bon moment pour revenir au premier plan. Passé au Bristol, au Trianon Palace à Versailles, au Résidence Maurice, au groupe Héritage, chez One & Only Reethi Rah aux Maldives, Jumeirah à Dubaï, Sandy Lane aux Barbades, sans oublier le Serena pour l’Aga Khan et enfin la Réserve à Paris pour le groupe de Michel Reybier, il avait lancé  » JLN & Co » , une entreprise sur mesure (la sienne), destinée à accompagner des entreprises hôtelières à mieux se positionner et s’affirmer, permettant à ce voyageur infatigable qui ne tient jamais en place de poursuivre sur bon tempo sa volonté de contribuer à une certaine idée du luxe à la française. Bonne chance pour ce nouveau challenge !

Nicolas Stamm et Serge Schaal à Strasbourg

Nicolas Stamm et Serge Schaal © DR

Ils sont les ducs de la fourchette à Obernai (où ils tiennent la Fourchette des Ducs, doublement étoilée). Nicolas Stamm, le cuisinier, et Serge Schaal, l’homme de l’accueil et du service, vont signer la carte du nouvel hôtel Léonor, qui ouvre en fin d’année à Strasbourg, rue de la Nuée Bleue, sous l’égide du groupe Scharf (le Régent Petite France, le Régent Contades, la Cour du Corbeau, l’hôtel des Haras). Dans ce neuf quatre étoiles, qui prend la place d’un bâtiment aristocratique du XVIIIe, au coeur de la capitale de l’Europe, revu moderne par le décorateur Jean-Philippe Nuel, ils auront la charge d’une table ouverte non stop offrant une gastronomie décomplexée aux consonances régionales sous la houlette d’Axelle Gillig et Mathias Stalter, deux jeunes anciens d’Haeberlin, Nasti et Ducasse, qu’on a déjà vu officier avec bonheur  à l’Hôtel des Cinq Terres à Barr. Ouverture prévue : fin décembre 2021.

La nouvelle jeunesse de l’Auberge Bressane

L’équipe de l’Auberge Bressane © GP

Comment faire du neuf avec du vieux? C’est le secret des frères Dumant, qui possèdent le Paris 16, les Marches, les Crus de Bourgogne, Aux Bons Crus, la Pizzeria d’Auteuil, mais dont l’adresse phare, l’Auberge Bressane, avenue de La Motte-Picquet à Paris 7e a le vent en poupe. Le lieu se peaufine et se patine dans le sérieux et la bonne humeur sous la houlette de la vive Adeline Fernandez, présente là depuis 15 ans qui anime un service vif, drôle, jeune, haut en couleur(s). La maison, dans son cadre néo-médiéval, gothico-années 1950, possède un chic fou. Jérôme et Stéphane grands collectionneurs de vieilles plaques et de menus anciens, multiplient ici les clins d’oeil kitsch et nostalgiques. C’est beau, bon et ça marche. Car la cuisine qui joue la tradition revisitée et respectée (gratin d’écrevisses à la Lucien Tendret, volaille au vin jaune, rognon béarnaise) est délicieusement rétro. Et c’est ouvert tous les jours. A revisiter impérativement!

Alan Geaam au Café de la Jatte

Alan Geaam et Mathieu Bucher © DR

Alan Geaam n’est jamais où l’on attend. Il bouge, change, avait jadis créé AG le Bistrot, aux Halles et à Saint-Germain-des-Près, a modernisé sa première affaire, la taverne Nicolas Flamel au cœur du Marais, dont il a confié les clés à Grégory Garimbay, ancien second de Sylvestre Wahid, et juste à côté, joue la « street food » libanaise à sa manière agile avec Saj. Il met en relief sa table étoilée portant son nom rue Lauriston, tout en développant Qasti (« mon histoire« , en libanais dans le texte), son bistrot doublé d’une épicerie. Mais c’est à Neuilly, au Café de la Jatte, qu’on pourra désormais goûter quelques unes de ses idées neuves, car il signe la carte de cette grande brasserie avec son dinosaure suspendu, son jardin, sur une île de la Seine, repris par Mathieu Bucher en 2015 et qui s’essaya un temps à une cuisine italienne gentiment passe partout. C’est toute la Méditerranée qui est aujourd’hui convoquée sous sa patte, avec un brin d’Italie, du Liban, de la Grèce ou du Maroc, en des mets réalisés par le chef Diego Solano, natif du Costa-Rica, qui était jusqu’ici le chef exécutif de l’hôtel Generator place du colonel Fabien dans le 19e. Mezzé d’aubergine y voisine avec burrata des Pouilles, poêlée de poulpe jouxte couscous de bar, rouget et langoustine, et kefta de poulet menthe et coriandre alterne avec linguine alle vongole pour une joyeuse melting-popote voyageuse.

Michel Roth à Roissy

Michel Roth à Roissy © GP

Il est partout : à Genève au Bayview, à Metz au Terroirs de Lorraine, à Paris au BHV, à Ferrières-en-Brie, au Baron du château de Ferrière. Jamais, Michel Roth n’a été si actif depuis son départ du Ritz  – qui d’ailleurs n’a toujours pas de chef après le départ de Nicolas Sale… La nouvelle table signée Michel Roth? Elle se trouvera à Roissy CDG, fin décembre, sous le sceau de la société SSP (qui gère Terroirs de Lorraine, mais aussi le Train Bleu avec Michel Rostang). La carte? Une « cuisine parisienne » qui offrira un avant-goût de la capitale aux voyageurs en partance pour ailleurs…

Dina Nikolaou en Crète

Dina Nikolaou avec Dimitris Nikolidakis © GP

Elle était la semaine passée en Crète, animant une « master class » sur le port d’Heraklion, expliquant, les rudiments de l’omelette crétoise aux touristes, comme aux locaux, payant de sa personne, défendant avec ferveur les meilleurs produits de son pays et de son île fétiche. Avec son copain Dimitris Nikolidakis, de Kritikos Fournos, le boulanger des merveilles, qui dans sa boutique multi-cartes, abondante aussi bien pour le sucré que pour le salé, se présente comme un « Lenôtre crétois ». Dina Nikolaou est, depuis deux décennies, la reine de la cuisine grecque à Paris à l’enseigne d’Evi Evane, avec sa soeur Maria. Elle défend le produit grec sous toutes ses formes : belle huile d’olive, vins divins, féta ou fromages variés de montagne, agneau ou poulpe, mais aussi courgettes et aubergines, poissons et coquillages. On n’en finit jamais avec cette belle Hellène.

Les Toques Blanches sauvent la planète

Fadi et les Toques Blanches © DR

On connaît et on soutient Fadi Abou, fondateur de « Less Saves the Planet », mouvement environnemental à but non lucratif dont l’objectif est de mobiliser les acteurs clés de l’hôtellerie et de la restauration autour de la gastronomie. Il est aussi un spécialiste émérite de celle-ci et de la production biologique. Il vient d’être intronisé récemment par L’International Club des Toques Blanches, une association créée en 1980, qui regroupe depuis plus de 30 ans les chefs en France et à l’étranger. Cette confrérie culinaire, présidée depuis 2021 par Pierre Lambert, qui rayonne à l’international, est renommée pour l’importance qu’elle accorde à la tradition, à l’entraide ainsi qu’au partage des savoirs. De ce fait, Fadi Abou va contribuer à faire perpétuer les valeurs fortes de l’association qui sont la transmission et particulièrement la nécessité de réapprendre à mieux manger afin de préserver la planète comme notre santé. Sa grande fierté, c’est de voir que « Less Saves the Planet » soit portée par L’International Club des Toques Blanches, qui ont décidé de former et d’informer leurs adhérents selon les recommandations du mouvement.

A propos de cet article

Publié le 4 octobre 2021 par

Les chuchotis du lundi : Davy Tissot gagne le Bocuse d’Or, l’affaire Ravin entache le repas des grands chefs, Jean-Luc Naret chez Set Collection, Stamm et Schaal à Strasbourg, la nouvelle jeunesse de l’Auberge Bressane, Alan Geaam au Café de la Jatte, Michel Roth à Roissy, Dina Nikolaou en Crète, les Toques Blanches sauvent la planète” : 4 avis

  • Damien Sancez

    Marcel Ravin est un chef talentueux, étoilé, pas si inconnu donc et il avait sa place sur la photo comme beaucoup d’autres absents… Une Invitation en poche, une confirmation oubliée de sa part certes mais surtout hors système Marcel ! … Cela suffit pour que aucun chef du gratin ne réagisse sur place, et principalement ambassadeur loin de son statut et de la posture fraternelle à avoir en tant que médaillé …. Sur le coup Marcel Ravin s’est emporté exprimant sa différence, … propos déplacés en effet.
    Il aura tous les honneurs dans le futur, …

  • Mamadou Diallo

    Suis d’accord avec Pollux – Je suis quelqu’un de couleur mais il faut pas abuser non plus. Ca devient de l’enfantillage. Vraiment decu de Marcel Ravin. Et bravo a Davy Tissot qui lui n’a pas besoin de drame pour reussir!

  • Pollux

    Honte à ce Marcel Ravin, illustre inconnu sauf de quelques critiques, qui joue sur le racisme pour accuser les autres (comprendre les blancs) de ses propres erreurs (ne pas avoir confirmé sa participation).

  • Maurice ALTHAUS

    Moi, en ma qualité de petit cuisinier suisse, je suis vraiment heureux de voir que chef Davy Tissot a gagné le Bocuse d’Or 2021.
    C’est vraiment génial de voir qu’il y a un petit chef de cuisine français qui a réussi a récupérer le Bocuse d’Or avec l’aide de sa brigade.
    Chef Davy Tissot, je vous salue bien bas et je vous félicite pour votre superbe prix que vous avez largement mérité. Bravo à vous jeune homme et je vous souhaite une très longue et belle carrière professionnelle.
    De la part d’un ancien chef de cuisine.
    Maurice A.

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