La porte du voyage sans retour
De lui, on avait lu et aimé « Frère d’âme », qui évoquait les tribulations tragiques d’un tirailleur sénégalais perdu dans la grande guerre de 14/18, guetté par la folie. David Diop nous ouvre aujourd’hui les portes de l’Afrique au XVIIIe siècle. Celle-ci subit alors une colonisation drastique. Au Sénégal, si le gouverneur mandaté par le royaume de France a les pleins pouvoirs, les chefs de tribu et rois locaux ont également leur mot à dire. Nous suivons ainsi les traces de Michel Adanson, naturaliste français (1727-1806), qui, venu étudier, jeune homme, la flore sénégalaise, tombe follement amoureux d’une jeune Africaine luttant pour sa liberté, fuyant à la fois un oncle incestueux et tentant de résister à l’esclavage.
Au seuil de sa mort dans la souffrance, Adanson livre à sa fille ses cahiers secrets, contant sa vaine histoire d’amour, son voyage impossible, sa quête obstinée. Entre récits et légendes, jouant le récit dans le récit – les aventures de la fille d’Adanson, choyée par son beau-père aristocrate français, ont également leur importance – David Diop évoque, avec netteté, chaleur et une précision sans nulle faconde ni emphase, une Afrique sombre et lumineuse à la fois, douloureuse et passionnée, retraçant un destin tragique et « sans retour » comme une ode bouleversante à un amour impossible. Un récit poignant dédié à l’île de Gorée, point de départ de la traite des noirs et surnommée « la porte du voyage sans retour« .
La porte du voyage sans retour de David Diop (Seuil, 256 pages, 19 €).