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Les chuchotis du lundi : Emile Cotte chez lui, l’ode à Bernard Pacaud, Jean Imbert à la une, l’avènement de Tom Meyer chez Granite, la grande forme de Jean-Yves Schillinger, la surprise des Scheer, la permanence de Yannick Crépeaux, le retour de Julien Lefebvre à Honfleur

Article du 30 août 2021

Emile Cotte chez lui

Emile Cotte © GP

Il a quitté Drouant, sans regrets, après de nombreuses années au service des autres. Emile Cotte, qui avait réveillé la maison des Goncourt et oeuvré au 110 Taillevent, s’est installé à son compte dans le 5e arrondissement à deux pas du jardin des Plantes, créant un bistrot où il reçoit comme à la maison, jouant l’ambiance cosy, la cuisine à l’ardoise, le bon rapport qualité-prix et les vins francs, vifs, fruités. Une manière de dire que l’on se sent vite chez soi dans son Baca’v. Cet ancien du Taillevent et de chez Guy Savoy, que l’on connut jadis chez Meating, avenue de Villiers, dans l’ancienne table de J-P Vigato, et qui travailla quatre ans durant avec Frédéric Anton au Pré Catelan, fut, un temps le chef de l’Angle du Faubourg (qui deviendra les 110), et connaît la musique. Au programme du moment, gaspacho de melon, pâté en croûte tradition, canard, œuf parfait à la piperade et chorizo, riquette, escalope de foie gras au chutney de figues, betteraves et mûres, tartare de daurade à l’avocat ou Parmentier de boudin noir et pied de cochon mettent dans le mille. On en reparle vite! En attendant, on vous glisse l’adresse : 6 Rue des Fossés Saint-Marcel. Et le tél. : .

L’ode à Bernard Pacaud

C’est le livre que tout le monde attend s’agissant de Bernard Pacaud, cuisinier emblématique de l’Ambroisie, trois étoiles place des Vosges à Paris. Frédéric Laffont qui a déjà réalisé deux films à sa gloire, lui dresse une stèle, bâtit une légende, chante une ode à ce mage de la haute gastronomie révéré de tous, en grande forme à 74 ans. Cela s’appelle « Une vie par le menu« , ne sort que le 14 octobre, mais c’est déjà un ouvrage événement, qui rend hommage à un cuisinier hors pair, le restitue dans son histoire. Enfant naturel, adopté par son beau-père, délaissé par sa mère, élevé entre ses grands parents bretons et la mère Brazier au col de la Luère, qui sera pour lui comme une seconde maman, porté au sommet après avoir été le fidèle lieutenant de Claude Peyrot, au Vivarois, chez qui il rencontre Danièle son épouse, dont Frédéric Laffont loue l’esprit libre façon Mioumiou dans les Valseuses. As du kung fu, timide et réservé, mais sûr de ses gestes, cuisinier virtuose, qui bluffe tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, Bernard Pacaud est l’anti-cuisinier hâbleur, qu’in fine, Frédéric Laffont oppose à son fils Mathieu, son exact contraire, avec beaucoup d’humour. Voilà une perle littérairo-gourmande qui devrait jouer pour Bernard Pacaud, le même rôle que Croque-en-Bouche, jadis, signé de Fanny Deschamps pour Alain Chapel : un témoignage brillant qui rend hommage à l’un des grands chefs de l’époque.

Jean Imbert à la une

Chose rarissime, donc notable pour un chef : Jean Imbert a fait la « une » du supplément week-end (M le magazine) de notre confrère le Monde. Au programme un grand interview portrait du nouveau chef du Plaza Athénée, ses envies, ses hantises, ses espoirs, sa destinée et, en parallèle, quelques témoins de l’univers de la gastronomie – dont votre serviteur – qui s’expriment sur le personnage, sa cuisine, sa capacité à renouveler l’ambition d’un palace de notre temps. Le titre ( « Jean Imbert, de « Top Chef » au Plaza Athénée, l’ascension d’un cuisinier« ) en dit déjà long. Et l’accroche du papier, signé Alexandre Duyck, « Dans le monde de la haute hôtellerie et gastronomie, l’arrivée à ce poste d’un représentant de la génération « Top Chef » est une révolution« , est révélateur des polémiques nées de la nomination du chef de Mamie et de ToShare à la tête des cuisines du Plaza. Signe, en tout cas, que François Delahaye, le pdg du groupe Dorchester qui gère le palace de l’avenue Montaigne, a bien réussi là le « buzz » de l’année. Retenons, en tout cas, parmi les nombreuses opinions exprimées dans cette longue « cover story », celle-ci, signée, de l’apôtre de la bistronomie, Yves Camdeborde : « Jean va mettre fin à cette cuisine élitiste, hyperchère, que personne ne comprend. » Ouverture du Relais Plaza sous la gouverne de Jean Imbert : le 8 septembre au soir. Le restaurant gastronomique n’ouvrira pas lui avant décembre 2021.

L’avènement de Tom Meyer chez Granite

Tom Meyer © DR

Stéphane Manigold a le don pour dénicher des jeunes chefs de talent et créer des tables qui leur vont comme un gant. Après Substance, Contraste et Liquide, le patron de la Maison Rostang et du Bistrot Flaubert a mis la main sur une « pointure » pour lancer, fin septembre, Granite, 6 rue Bailleul, en lieu et place de Spring. Aux commandes, Tom Meyer, jeune franc-comtois, ancien – excusez du peu! – d’Anne-Sophie Pic à Valence, Eric Pras chez Lameloise à Chagny, la Chèvre d’Or avec Ronan Kervarrec et, last but not least, Benoît Violier puis Franck Giovannini à l’Hôtel de Ville de Crissier en Suisse, mettra en place une cuisine tournée autour des sauces, beaucoup de condiments, épices et herbes, prônant le zéro déchet, des pièces peu usitées (paleron de boeuf, joue de poisson), avec un sourcing de haute tenue. La sardine de petit bateau, le pagre de ligne, le pigeon de Mesquer figureront sur sa première carte. Et  une équipe de forts en thème, comme la directrice de salle Marylou Contreras, ancienne de la Vague d’Or à Saint-Tropez, le sommelier Julien Marscarell, venu de chez Virtus dans le 12e, ou encore le pâtissier Anthony Chenoz, ex de Lucas Carton seront à ses côtés.

La grande forme de Jean-Yves Schillinger

Jean-Yves Schillinger © GP

Il a transformé son ex table gourmande  du coeur de la Petite Venise colmarienne en table relaxe et classique, laissant son adjoint Benoît David opérer en son nom, délivrer quelques mets signatures de charme à prix cléments. A déplacé sa table 2 étoiles au rez de chaussée d’un neuf hôtel contemporain, l’Esquisse, au pied du verdoyant Champ de Mars, toujours à Colmar. La salle vitrée est vaste, ouvre sur le dehors, sert pour onze tables seulement la version moderne d’un Alsacien voyageur. Jean-Yves Schillinger, qui avait pris en en main l’affaire de papa Jean, tragiquement disparu rue Stanislas, a reconstruit son style à New-York, notamment avec l’appui de Jean-Jacques Rachou à la Côte Basque, proposant en amuse-gueule malicieux, à tiroirs, des clins d’oeil à son expérience de Manhattan. La cuisine qu’il livre ici, au gré de menus alertes et d’une carte généreuse, avec des plats en petites assiettes qui se parlent et se répondent, joue le produit d’ici, les épices d’ailleurs. Son foie gras frais de canard en version sucrée/salée en est un bel exemple : brûlé au poivre noir, râpé sur des lanières de thon rouge frais mariné, grillé sur un jus de concombre à la badiane et à la rhubarbe. Cet éternel jeune homme de 58 ans, qui fut l’élève de Joël Robuchon, travaillant chez Gérard Boyer à Reims et au Crillon époque Jean-Paul Bonin, est bien maître de son style flamboyant, imaginant des plats qui lui ressemblent : savants, techniques, provocateurs parfois, comme ces tomates de Crimée, qui prennent la forme d’une bouche rouge sensuelle. On en reparle vite.

La surprise des Scheer

Guillaume et Charlotte Scheer © GP

Guillaume Scheer et son épouse Charlotte ont créé un événement double avec leur table modeste et discrète, mais de grande qualité dans le faubourg strasbourgeois de Schiltigheim : ils font partie de la promotion à une étoile du Michelin de cette année en Alsace (en compagnie de Romain Brillat au Crocodile à Strasbourg, de Ludovic Kientz du Goumet à Drusenheim et de Gilles Leininger du Jardin Secret à la Wantzenau). Et surtout ils figurent, en cinquième position, sur le classement annuel et mondial des meilleures tables choisies par les lecteurs de Tripadvisor. Le chic de la demeure ? La qualité constante à prix mesurés, le sérieux du service, le cadre soigné, doublé d’un jardin providentiel sur l’arrière aux beaux jours, plus le choix d’une riche carte des vins où l’Alsace tient le premier rôle. On ajoute que Guillaume, que l’on connut au 1741, n’est pas n’importe qui. Ce jeune ancien de Ledoyen, qui a oeuvré avec Christian Le Squer, a connu son épouse Charlotte, d’origine angevine, à l’Etrier du Royal à Deauville, aux côtés d’Eric Provost, connaît parfaitement la musique. Et tout ce qu’il propose est le sérieux et la précision mêmes. Le carnet de réservation de la demeure est aisément plein deux mois à l’avance.

La permanence de Yannick Crépeaux

Yannick Crépaux © GP

Il travailla dans l’ombre de son mentor et presqu’homonyme Pierre Crépaud durant 17 ans. Yannick Crépaux (avec un « x »), natif de Melun formé à Paris chez Guy Martin au Véfour et Christian Constant au Violon d’Ingres, demeure le patron des fourneaux du Mont-Blanc, la fort belle table étoilée du Crans face aux montagnes, à Crans-Montana, en Suisse, côté Valais francophone. L’hôtel a changé de propriétaire – un natif de Dubaï a pris la place ici d’un Belge -, mais non d’équipe, ni de style. La belle terrasse panoramique fait toujours florès au déjeuner avec son menu à 55 CHF servi en 55 mn, offrant le meilleur rapport qualité prix de la station. Le directeur de salle, Michele Paganini,  mérite bien son nom et se révèle en virtuose du service, expliquant le menu avec art et servant avec une distinction toute italienne. On y ajoute le choix de vins malicieux d’un jeune sommelier lyonnais, Antoine Lejeune, qui jongle avec les grands flacons du Valais avec une adresse sans faille. Bref, voilà une table au sommet de sa forme si l’on y ajoute que Yannick Crépaux, présent là depuis douze ans, est maître d’une partition, fine, légère, créative et séductrice, parfaitement dominée. Un lieu à retenir!

Julien Lefebvre revient à Honfleur

Juilen Lefebvre © GP

On l’attendait comme l’enfant prodigue au coeur d’Honfleur, lui le natif de Lisieux, revenu en pays normand, formé jadis à Deauville dans le groupe Barrière, après ses brillants passages dans de grandes maisons, comme le Pré Catelan de Frédéric Anton, puis l’Ambroisie des Pacaud, avant de devenir le chef exécutif de Mathieu Pacaud, chez Histoires, Hexagone et Divellec, sans omettre qu’il occupa la place de chef vite étoilé au château de Cordeillan-Bages chez les Cazes. Voilà Julien Lefebvre  installé à son compte, avec modestie, dans un cadre peu normand, mais contemporain et un peu neutre, près du Bassin si convoité. Le succès n’est pas encore tout à fait là, même si le grand tourisme abonde dans un Honfleur qui fait parfois penser à un Montmartre normand, et si son épouse Lauriane est tout charme à l’accueil, proposant des vins de choix, souvent peu connus, en accord avec les mets de ses menus-cartes à tiroirs, où tourteau de casier, salade niçoise revisitée au thon, cabillaud aux poivrons et achillée font merveille. A quand une nouvelle étoile à Honfleur ?

A propos de cet article

Publié le 30 août 2021 par

Les chuchotis du lundi : Emile Cotte chez lui, l’ode à Bernard Pacaud, Jean Imbert à la une, l’avènement de Tom Meyer chez Granite, la grande forme de Jean-Yves Schillinger, la surprise des Scheer, la permanence de Yannick Crépeaux, le retour de Julien Lefebvre à Honfleur” : 1 avis

  • Saunier

    Bravo (comme d’habitude) et merci.

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