Les chuchotis du lundi : l’avenir du Café Constant, la nouvelle donne de la Réserve Genève, David Etcheverry à la Rochelle, Guillaume Roget à Ciboure, Kobi Villot-Malka chez Magniv, Mauro Colagreco boulanger bio, le renouveau du Havre de Dossenheim

Article du 23 août 2021

L’avenir du Café Constant

Cyril Lignac et la Constant family © DR

Cyril Lignac a racheté la dernière table de Christian Constant, le Café Constant, sis à l’angle de la rue Saint Dominique et de la rue Augereau. Mais ce dernier sera encore présent en septembre aux fourneaux avec ses amis et disciples de l’époque du Crillon, comme Eric Frechon, désormais trois étoiles au Bristol, Christophe Felder pâtissier d’élite entre Strasbourg, Mutzig et Paris, Yves Camdeborde, désormais grand maître de la bistronomie au Comptoir et aux Avant-Comptoirs germanopratins et palois. Parmi les bons élèves de Christian Constant, qui furent ses élèves depuis ses années au Ritz, Ledoyen, puis au Crillon, où il prôna un style rustico-raffiné mariant homard et pommes de terre, bar sauvage et câpres, citons également Christian Etchebest, Jean-François Piège, Thierry Breton, Jean-François Rouqette, Yannick Franques et même Bertrand Bluy, qui fut lui pâtissier au Bristol et a racheté les voisines Cocottes comme le Violon d’Ingres. Tous, ou presque, figurent sur une fresque dédiée à la Constant Family près de l’escalier de son café éponyme. Du 7 au 25 septembre, une carte spéciale rendra hommage au maestro Constant avec quelques mets emblématiques exécutés par son dernier chef Philippe Cadeau : ainsi la fine gelée d’araignée et crémeux de tourteau à l’infusion d’herbes, le suprême de bar croustillant aux amandes, le pigeon fermier des Landes en crapaudine et le macaron moelleux, glace au fenouil confit, jus de fruits rouges et kirsch. L’avenir du Café Constant, défini par Cyril Lignac, est encore en pointillé. Mais il ne devrait pas oublier totalement l’héritage de ce natif de Montauban devenu le petit roi de la « cuisine canaille chic » à Paris.

La nouvelle donne de la Réserve Genève

William Weiss © GP

On l’a connu au Crans-Ambassador de Crans-Montana, désormais géré par Michel Reybier. Voilà William Weiss devenu le chef exécutif de la Réserve de Genève. Alsacien de Mulhouse, élevé à Thann, formé chez ses parents dans la ferme-auberge Gsang et à l’école hôtelière à Guebwiller, ce pigeon voyageur de la cuisine bourlingueuse, vite parti au Beau Rivage de Condrieu, au Chalet Bouvier aux Deux Alpes, chez Bruno Cirino à l’Hôtellerie Jérôme à la Turbie, avant Joël Robuchon au Métropole à Monaco, enfin à l’Hermitage avec Joël Garault, s’envolera pour l’Australie où il se retrouve chez Guillaume Brahimi à Sidney (chez Guillaume at Bennelong) durant un an. Ensuite? Il est à Bora Bora, avec Jean-Georges Vongerichten, au Shangri-La à Vancouver, au W à Londres, à la Réserve de Genève – déjà-, puis des périples en Asie et en Amérique latine. Il en a ramené un goût manifeste pour la cuisine fusion, vive, précise, ludique, qui fuse et ruse à travers épices et condiments piquants.. Officiant en terre helvète depuis quatre ans, d’abord en Valais, il retrouve cette Réserve genevoise, sise au hameau de Bellevue, où il fut en escale, et dont il est désormais le chef exécutif. La maison possède quatre restaurants : une table chinoise étoilée (le Tsé Fung), une table gastronomique en devenir (le Loti), où officia notamment la MOF Virginie Basselot désormais au Négresco, repensée par Jacques Garcia et dédiée aux voyages, une table de bien être (le Café Lauren, au Spa Nescens), inspirée par le double étoilé Eric Canino de la Réserve Ramatuelle, enfin le Lodge, gourmand et relaxe, actuellement fermé.

David Etcheverry à la Rochelle

David Etcheverry en 2015 © DR

Il était le chef basque et passionné du pays breton, natif de Saint-Palais, formé au Palais avec Marc Tizon, à Rennes, passé au Piano Blanc, puis aux Agapes, étoilé en banlieue rennaise, à l’enseigne des Saisons, dans le village de Saint-Grégoire. David Etcheverry a vendu sa demeure d’Ille-et-Vilaine à Ronan Kervarrec et vient d’ouvrir sa toute neuve table rochelaise. Plus relaxe d’apparence, mais non moins gourmande, sa nouvelle maison, située à mi-chemin entre le Vieux-Port et la place du Marché Central, se nomme « Impressions » et s’inscrit au coeur historique de La Rochelle face au cloître des Dames Blanches. Derrière son arcade, se déploie un espace intimiste avec ses matériaux nobles, ses volumes élégants et soignés, sa cuisine ouverte façon “petit théâtre”, où le maestro Etcheverry oeuvre en duo avec son chef japonais Takashi Aoki, avec qui il a travaillé il y a plusieurs années avant que ce dernier ne se perfectionne dans quelques demeures prestigieuses. Au programme de son premier grand menu : tourteau, raifort, herbes et fleurs, courgette dans tous ses états, avec fèves et bouillon de coriandre, sole de petit bateau, chou-fleur, mélisse et citron, poulet cou-nu cuit au foin, fenouil, artichaut poivrade, abricot bergeron, miel et amandes ou encore chocolat Guanaja, caramel fleur de sel, cognac XO.

Guillaume Roget à Ciboure

Christophe Roget © DR

C’est la métamorphose du moment à saluer comme il se doit sur la côte basque. Guillaume Roget, qui fut le sommelier du Ruffet deux fois étoilé de Jurançon au temps de Stéphane Carrade, puis au château de Brindos à Anglet, tenait la Cabane du Pêcheur à Hendaye, avant de reprendre le Brouillarta et de s’y mettre aux fourneaux face à la plage de Saint-Jean-de-Luz. Il y gagna vite, à son tour, une étoile. Installé de l’autre côté de la Nive, à Ciboure, sur le quai Maurice Ravel, dans l’ancien Ephémère, qui fut célèbre et étoilé sous l’enseigne de Chez Dominique, baptisé Ekaitza (« tempête » en basque), il y propose une cuisine en « fait minute » à partir des meilleurs produits de la région : foie gras frais des Landes, thon de ligne du port de Saint-Jean-de-Luz, tarte soufflée chocolat/noisette font ici merveille. On en reparle.

Kobi Villot-Malka chez Magniv

Kobi entouré du duo de Magniv © DR

Avec Keren Benichou, venue de l’événementiel, il avait créé Tavline, rue du roi de Sicile, une table tel-avivienne du Marais parisien dédiée aux épices (la signification de l’enseigne en hébreu). Kobi Villot-Malka, né à Tel Aviv, formé dans le groupe Ducasse, passé notamment chez Benoît à New York, a tenu la Vitrine, devenu Spring, puis Oka, puis l’Innocence, rue de la Tour d’Auvergne, dans le 9e. Le voilà associé à deux experts ès cocktails, Benjamin Chiche et Clément Faure, qui ont créé Magniv (merveille en hébreu), 37 bis rue du Sentier. Au programme : tacos façon crêpe yéménite au shawarma d’agneau épicé, raviole de langoustine et jus de crustacés au thé Fakir, mille-feuille et crème à l’orange safranée, entre autres mets séducteurs et voyageurs.

Mauro Colagreco boulanger bio

Mauro Colagreco boulanger © DR

Infatigable ! Mauro Colagreco est partout : à Menton, bien sûr, au Mirazur, en trois étoiles, consacré meilleur chef du monde par le 50best, à Paris, façon bistronome chic au Grand Coeur du Marais, à Courchevel, en rôtisseur émérite pour le groupe Barrière, en pizzaïolo rigoureux à Menton et Strasbourg (Pecora Negra). On en oublie au passage. Le généreux chef italo-argentin, basé en France, d’où ses idées fusent dans le monde entier, se réinvente également en boulanger bio, à Monaco, après sa première boutique de Menton, au marché de la Condamine, où il est également traiteur. Avec les céréales anciennes, blé, mais aussi épeautre et engrain, du maestro Roland Feuillas de Cucugnan, Mauro l’intrépide met la main à la pâte pour son nouveau label Mitron Bakery, appelé à faire des petits. « Le pain est universel. C’est ce que nous avons de plus précieux dans notre alimentation. Il est ce que notre société peut faire de plus sain, mais aussi hélas parfois de plus nocif pour notre corps et notre environnement. Nous devons en avoir pleinement conscience », note-il avec ferveur.

Le renouveau du Havre de Dossenheim

Guillaume Peter, Marion et Lydie Ludwig, © GP

Cet insolite « Café du Havre-Andrès-Huardaux », créé par un Normand marié à une alsacienne au début du siècle dernier, à Dossenheim-sur-Zinsel, au pied des Vosges du Nord, fait songer immanquablement à l’Hôtel du Nord de Marcel Carné. Le lieu possède un vrai charme rétro. La patronne, Lydie Ludwig, qui représente ici la 4e génération, a vu revenir ici sa fille Marion et son compagnon Guillaume Peter, qui insufflent une nouvelle jeunesse au lieu. De fait, ce qui ressemble à un café de village est carrément devenu une très bonne table, boostée par ces deux jeunes anciens de l’Arnsbourg à Baerenthal et du Cygne à Gundershoffen qui travaillèrent, l’une en pâtisserie, l’autre en cuisine, avec les Mengus, avant de partir vers la Côte d’Azur, pour la Cabane Bambou à Ramatuelle. Ces deux Alsaciens, fiers de leurs racines, pratiquent ici une cuisine fine, joyeuse, généreuse. Il y a les petits menus de semaine au déjeuner (à 12 pour deux plats et 14 € pour trois), où la tomate/mozza flirte avec l’oeuf mimosa, où le jambon braisé et la salade de pomme de terre alternent avec la joue de porc braisée aux spaetzle. Le soir et le week-end, l’ardoise impose ses choix. Et l’on se régale de foie gras chaud et compotée de pêche, lotte et riz en paella, tendre pluma ibérique avec salicornes et pommes grenailles. En dessert, le cheesecake avec sa crème Philadelphia, framboise et pistache est un délice, comme le chou gourmand au pralin aux airs de paris-brest alsacien. On en reparle.

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