Bel Ami
« Etretat : les mezzés de la côte d’albâtre »
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Une neuve table qui détonne à Etretat? Notre communiquant du blog, Benjamin Berline est au rendez-vous. Il nous dit tout…
Quand la Méditerranée rencontre la Normandie, avec comme toile de fond les emblématiques falaises d’Etretat, on se trouve chez Bel Ami, bistrot, brasserie, cave «d’auteurs», tranchant dans le paysage gourmand de la station chère à Maurice Leblanc. Dans un décor éclectique et bigarré, associant chaises de récup’, évocations balnéaires et affiches rétros, cette table tire avec audace un trait d’union entre Beyrouth et Le Havre. Une halte inattendue, pour une cuisine d’ailleurs, mettant l’accent sur les produits et artisans locaux dont les références figurent fièrement sur l’ardoise (Cougal à Rouen pour les poissons, viandes de la boucherie Georges V toute proche, pains de la voisine boulangerie du Petit Accent). Des produits bien d’ici pour un dépaysement bienvenu, loin des attrapes touristes qui jalonnent le front de mer.
On démarre sur des incursions levantines à partager : houmous au paprika fumé qui copine avec chou fleur rôti, tahiné ciboulette, kebbeh déstructuré ou fraiches tomates de la havraise maison Argentin à la libanaise. Coté terre, la gourmande joue de cochon ibérique confite à la provençale joue des coudes avec un fin vitello tonnato ou un joyeux trio de kefta couchées sur leur lit de labné échalotes confites et herbes. Saveurs iodées aussi au programme avec ceviche selon la pêche, gravlax de lieu jaune, pressée d’aile de raie honorant la marée locale avant une escale plus sudiste et ce poulpe moelleux fricotant avec pastèque et avocat grillé sous fond de jus corsé.
Ouverte depuis trois ans, l’adresse s’est, à ses débuts, essayée à un plus classique registre bistronomique avant de sauter le pas pour célébrer les racines franco-libanaises de son gourmet propriétaire, Omar Abodib, également à la tête du Donjon et de sa table fraichement étoilée, que nos lecteurs connaissent bien. Derrière les fourneaux et chapeautant cette offre métissée, on retrouve Loïc Lourmière, normand passé chez Christopher Coutanceau à la Rochelle puis à l’Odas à Rouen et au Pavillon du Westminster au Touquet avant de rentrer au bercail pour officier à table du Donjon, puis à la tête de cette neuve adresse affiliée, comme son ainée, au réseau de charme des Collectionneurs.
Aux côtés de ces tapas voyageuses, on ne renie pas pour autant la tradition locale. En témoignent ces moules de bouchot, charnues et généreuses (mais manquant d’un brin de crème), escortées de frites fraiches. A noter aussi des propositions plus canailles et roboratives au registre des plats : travers de cochon marinés, saucisse aux épices basques et poivrons ou encore, pour revenir au pays du Cèdre, le poulet mariné cuit à la broche et servi en quesadillas.
Là dessus, les crus servis au verre ne déméritent pas et séduisent à prix doux: souple et fruité domaine du Petit Pont en Pays d’Oc aux arômes de fruits noirs minérale et agrumée cuvée Complantation de Marcel Deiss ou encore ce suave et charmeur rouge du Puy Arnaud 2019 100% merlot de chez Thierry Valette en Bordeaux. On achève en douceur avec l’exquise betterave cuite lait caillé vanillé et framboises, cette délicate partition autour de l’agrume (biscuit citron vert, crème citron jaune, pomelos, meringue sèche) ou ce séducteur financier ivoire de Valrhona parfumé de rhubarbe et relevé d’une pointe de piment d’Espelette.
Mention spéciale à l’annexe vineuse animée avec entrain par la souriante Juliette où l’on retrouve une sélection pointue de nectars d’auteurs de tous les vignobles hexagonaux : bourgueil Les Perrières Catherine et Pierre Breton, chiroubles du domaine la Grosse Pierre, sancerre du domaine Vacheron ou Meursault d’Henri Germain & Fils. Voilà une belle étape avant (ou après !) l’ascension des falaises de de la côte d’albâtre.