Evi Evane avec Lucas et Nicolas Papakirykos © MR

Quand on lui dit que la cuisine grecque est à la mode, elle répond, en riant, que « la Grèce est la mode depuis cinq mille ans ». Le pays des dieux de l’Olympe et de la mythologie, des îles et des montagnes, des Cyclades, des Sorades, de la Crète et du Péloponnèse : voilà son terreau, ses racines. Plus qu’un terroir, un lieu de respiration, d’inspiration et de vie. Native d’un petit village du Nord d’Athènes, élevée à la campagne par des parents agriculteurs, elle a été au contact de quelques uns des meilleurs produits du monde, olives, tomates, aubergines, courgettes, les plus mûres, les plus juteuses, toute petite. « J’ai su très vite, dit-elle, faire la différence entre un bon et un mauvais produit« . Dina Nikolaou apprend à 12 ans la cuisine avec sa mère. Après, cette élève très appliquée part pour Paris accomplir ses études d’économie. Elle y aura le coup de foudre pour la cuisine française. Prend soin d’achever son diplôme, mais effectue des stages à l’école Escoffier.

Dina et Maria Nikolaou devant Evi Evane © MR

Cette titulaire d’un « bac+6 » devient cuisinière : « c’est moi qui ai choisi la cuisine, pas l’inverse, parce que je me suis rendue compte que c’est vraiment là que j’étais heureuse« . Elle reprend Calypso, restaurant qui appartient aux parents de sa soeur Maria en 1995, rue Guisarde à Paris, dans cette « rue de la soif » de Saint-Germain-des-Prés, où les tables les plus diverses abondent. Le lieu deviendra « Evi Evane » (qui signifie « A votre santé » en grec ancien) et deviendra son point d’attache à Paris, avant l’ouverture de ses boutiques-traiteur, rue Mazarine puis rue Saint-Placide, dans le 6e, puis rue Condorcet dans le 9e.

La Féta © MR

Parallèlement  Dina mène carrière en Grèce, tient table à l’enseigne de « Chapeau » à Athènes ou encore chez « Yoleni’s » qui fera à la fois traiteur et école de cuisine, ce qu’elle poursuivra avec Miele, dont elle est l’ambassadrice, conseillant des hôtels de luxe dans la région de Thessalonique. Elle devient une star de la télé grecque avec des émissions comme « Dina’s Bakery » ou « Toute la Grèce autour d’une table », où elle fait connaître la Grèce, ses produits, ses saveurs les plus variées, ses traditions tenaces aux Grecs même. Elle devient, avec le ministère du commerce grec, l’ambassadrice officielle des produits de son pays, qu’elle promeut dans le monde entier, cumulant voyages, démonstrations, participations aux festivals les plus variés. On la suit en Crète, comme au Maroc, en France, bien sûr, comme en Russie.

Olives d’Epsilon © MR

Partout, elle porte la bonne parole pour l’huile d’olive, les olives de Crète, d’Halkidiki ou de Kalamata, l’ouzo de Plomari, la fava (la purée de fèves) de Santorin, le tzatziki, les dolmadès, les feuilles de vignes, comme les calamars farcis, les keftedes, le fromage roi qu’est la féta, qui peut se manger tel quel, en salade, mais aussi cuit, fondu, grillé, rôti, en hors d’oeuvre, plat ou dessert, les vins grecs, qui ont fait tant de progrès, issus de cépages autochtones, comme le xinamavro (en blanc) et le mavrotragano (en rouge), et de vignes étonnantes parfois centenaires issues d’une tradition millénaire, comme la « koulara » cultivée en rond, à terre, sur des sols de roches volcaniques au rendement minime, à Santorin et dont les Argyros sont les ardents défenseurs. Ce sont tous ces produits qu’elle retrouve à Rungis chez les frères Lucas et Nicolas Papakirykos à l’enseigne d’Epsilon.

Poulpe braisé, fava de Santorin, salami de Thrace © MR

Ces derniers – l’un qui fut ostéopathe, l’autre qui fit une école de commerce – se sont voués aux produits grecs comme on entre en religion dans la maison créée par leur père Georges, ancien de l’audio-visuel, en 1996. La maison, qui fête ses 25 ans et se voue aux meilleurs produits de toute la Méditerranée avec ceux des Cyclades, de Crète et du Péloponnèse en ligne de mire. Féta d’Epire signée Karalis, huile d’olive de Kalamata, de Sitia et d’Héraklion, ouzo de Plomari signé Barbayanni  ou Isidoros Azvanitis, poulpes de … Sicile qui complètent une gamme de qualité. C’est chez eux que Dina, avec sa complice, sa soeur Marie, se dirige en priorité lorsqu’elle a besoin de produits grecs authentiques, pour son restaurant aussi bien que pour ses activités de traiteur. Tous deux complètent leurs achats avec les poissons et fruits de mer de la Maison Blanc, allée de Sète, pour le bar, la dorade, les calamars, les poulpes, les sardines dont leur cuisine est si friande.

Feta Bougiourdi, poivrons, tomates, noix grillées © MR

Ou encore les fruits et légumes, les aubergines, courgettes, carottes de différentes couleurs, chez Prim’Fruits, 55 rue des Antilles, expert en fruits et légumes bio, respectant les saisons, où son beau-frère, Joseph Milakis, responsable des achats, se rend deux fois par semaine. Il y a, bien sûr, de nombreux produits, en arrivage direct, comme cette pâte à filo expédiée de Grèce et fabriquée chez un petit artisan, l’huile d’olive du Péloponnèse, les épices variées, les fruits secs de la Grèce centrale, la féta d’Halkidiki, aux abords du mont Athos, le miel et les biscuits de Crète. Plus les artisans à qui Dina rend hommage sans son livre « Grèce, la cuisine authentique » (Hachette, 2017), qui lui fournissent câpres, fenouil, boutargue (les oeufs de mulet séchés), pastourma (viande de boeuf compressée entre deux planches de bois), fruits secs comme les pistaches d’Egine et les amandes de Corinthe qui font de la Grèce un pays aux saveurs si séductrices depuis 5000 ans.

Lucas et Nicolas Papakirykos d’Epsilon à Rungis © Maurice Rougemont