Les chuchotis du lundi : le déconfinement c’est demain… ou après demain, Stephan Paroche refonde Castigno, Anne-Sophie Pic livre partout, Bruno Verjus se révèle, Franck Potier-Sodaro booste Sormani, Jean-Paul Acker arrive à la Cheneaudière, adieu à Philippe Da Silva

Article du 26 avril 2021

Le déconfinement c’est demain… ou après demain

Une plaque sur un restaurant fermé © GP

Les restaurants, comme les cafés vont rouvrir. C’est sûr. Très bientôt. En terrasse. Entre le 13 et 17 mai. Avant une « vraie réouverture » mi-juin. « Les aides, a précisé Bruno Lemaire, ne seront pas supprimées brusquement« . Cela suffira-t-il a éviter les catastrophes et les faillites qui s’annoncent. Les restaurateurs qui se préparent et peinent souvent pour le recrutement du personnel de salle s’interrogent et s’inquiètent à bon droit. Le gouvernement en est-il bien conscient. Jeudi soir, lors d’une conférence de presse un peu longuette qui a duré une heure et quart, où le premier ministre Jean Castex a donné la parole à ses subordonnés, Olivier Véran, Jean-Pierre Blanquer et Gérald Darmanin, il a été question de la multiplication des variants, de la réouverture des écoles et d’un déconfinement administratif voire de la sécurité des Français. Mais pas un seul instant de ce monde de la restauration qui attend dans l’angoisse de pouvoir à nouveau vivre, respirer, travailler, contribuer à la joie de vivre du pays.

Stephan Paroche refonde Castigno

Stephan Paroche et son équipe © GP

Le village-hôtel de Castigno, avec sa trentaine de maisons dans le joli bourg d’Assignan, dans l’Hérault, près de Saint-Chinian, vous connaissez. Il a été créé il y a une décennie par un couple de belges passionnés les Verstraete, Marc et Tina, qui ont imaginé un domaine de vin (château Castigno), des tables de choix, un thaï, un bistrot avec son grill (« la petite table »), une « table » gourmande et étoilée. Reprise par Stephan Paroche, venu du Vietnam (il ouvrit un resort à Hoi An), natif des Alpes de Hautes-Provence, formé par son père, qui fut le second du Grand Paris à Digne, avant de tenir avec lui une table à Aubignosc (la Magnanerie) puis de gagner son étoile au Hameau des Baux, dans les Alpilles, il impose son style. Avec sa jeune et fidèle équipe, qui l’a suivi dans ses dernières aventures, sa compagne Justine Viano, son chef de partie Lorenzo Ravera, son pâtissier bondissant Floréal Matamoros, il donne un nouveau sens au lieu, sur un mode plus locavore, avec des détours, carnassiers, marins et végétaux de haute volée. Et en revoyant le « Thaï » de Castigno comme une ambassade de toutes les saveurs d’Asie, tout en dédiant la Petite Table à la bistronomie choisie. En projet : une nouvelle brasserie mettant en valeur les moules/frites, mais avec les moules de pleines de mer de son copain Pascal Migliore à Loupian sur l’étang de Thau, au large de Sète. Et l’ambition de décrocher une 2e étoile à « la Table ». On en reparle vite.

Anne-Sophie Pic livre partout

Anne-Sophie Pic et le blanc-manger d’asperge © GP

Elle livre dans toute la France, seule trois étoiles à offrir son talent à tous, dans une formule de « box à emporter » qui permet de réaliser du ASP en kit avec une étonnante facilité. Anne-Sophie Pic fait fort en livrant à sa manière sophistiquée et savoureuse. En avril, son menu, accompagné d’une « notice de réchauffe », avec en scan, la présentation des plats, offre, à 78€  pp, une prestation de haute volée et de grand goût qui indique, à qui en douterait, que la haute cuisine peut se transporter sans faillir : blanc-manger d’asperges vertes et blanches de la Drôme, bourgeon de sapin, cœur coulant oseille et capucine, sole de petit bateau, farce fine à l’aneth, livèche, gnocchis de petits pois, agrumes Bachès, tourte printanière d’agneau à la fleur d’oranger morilles et crème champignon poivre Syrah et encore tarte à la fraise gariguette pour 2 personnes, géranium rosat, crème légère à la noix de coco infusée au thé genmaïcha. Chapeau, Anne-Sophie ! Pour commander, cliquez .

Bruno Verjus se révèle

On ne sait plus s’il est un cuisinier qui écrit ou l’inverse. A force de le suivre d’un réseau l’autre, on va finir par oublier qu’il fut le chroniqueur malicieux et consensuel de Food Intelligence , qu’il changea de vie plusieurs fois, rédigea des recettes pour « cuisiner l’amour « , avant de devenir le chef étoilé de « Table » rue de Prague. Bruno Verjus, natif de Roanne, livre, début mai, non un récit de sa vie – qui pourrait être bien riche et bien … nourri – mais un manuel de savoir-vivre et de savoir-manger. Il place la barre haut, se situe à la hauteur d’Alain Chapel, d’Alain Passard et, avec un sens de l’aphorisme certain (« Manger, c’est voyager« , « la façon dont on se nourrit décide du monde dans lequel on vit« ) de Brillat-Savarin, dresse ici l’éloge du coq vierge de Barbezieux, livre le secret de la fameuse tarte aux pralines d’Henri Cornil, donne envie de pêcher à l’île d’Yeu, d’embrasser un jardin extraordinaire et de confectionner un  » levraut » à la royale, de faire « chanter le beurre », livrant ici un inventaire de ses goûts, de ses passions, de ses méthodes, comme de ses envies. Cuisinier, penseur en nourriture, il émeut, allèche, enchante, séduit, intrigue, transmet son enthousiasme avec une vivacité communicative et une énergie peu commune. Pour tout savoir, cliquez .

Franck Potier-Sodaro booste Sormani

Franck Potier-Sodaro © GP

Il est devenu le roi de la livraison italienne de luxe à Paris. Franck Potier-Sodaro, qui a remplacé Pascal Fayet chez Sormani rue du Général de Lanzerac à Paris 17e, à deux pas de la place de l’Etoile, a su garder le même bel esprit généreux et disert que son prédécesseur, faisant de son menu-carte dit « de la mama » la vitrine du style maison. Toutes les régions de l’Italie gourmande se retrouvent dans ses plats proposés en fines assiettes jetables qui font le bonheur des entreprises comme des hôtels (en room-service) du quartier de l’Etoile, sans omettre de proposer des opérations de solidarité avec les étudiants et les soignants, avec l’aide de ses amis et habitués venus de tous les médias. En click & collect, comme en livraison, il renouvelle son offre. Ainsi, en ce moment, Franck le magnifique propose la burrata avec sa tapenade d’olives, un modèle de vitello tonnato avec sa fine mayonnaise au thon et câpres, la fraîcheur de tourteau avec Saint-Jacques crues et agrumes, le carpaccio de bar aux condiments et poutargue ou encore l’assiette de mortadelle à la truffe noire, issu d’un choix de charcuteries artisanales choisies par l’expert Franco Gulli. Il y a aussi le festival de pâtes en guise de plats de résistance (« paccheri » comme à Bologne,  cannelloni de veau à la napolitaine, linguine au pesto et langoustines rôties, risotto aux morilles, petits pois et asperges), sans oublier un superbe veau farci à la truffe noire qui prouve que même en période de confinement on peut faire grand. Et l’on n’oublie pas la superbe assiette de fromages italiens, les splendides desserts en verrine (dont un tiramisu aux noisettes du Piémont à se pourlécher), plus un choix de pâtes artisanales, sauces, huiles d’olive et vinaigres balsamiques, plus des  vins transalpins de haute lignée que cet ancien sommelier connaît par coeur. Pour commander, cliquez 

Jean-Paul Acker arrive à la Cheneaudière

Jean-Paul Acker @ Tiphaine Aeschelmann

Après deux décennies aux fourneaux de la Cheneaudière, le Relais & Châteaux de montagne du Ban de la Roche et de la vallée de la Bruche en Alsace, en lisière du Val de Villé,  Roger Bouhassoun part en retraite et passe la main à celui qui fut sept ans durant son second. Jean-Paul Acker, natif de Colmar, élevé dans la vallée de Munster, formé aux Clarines d’Argent à Metzeral, avait quitté la demeure en 2018 pour la Provence et découvrir deux Relais & Châteaux étoilés, le Prieuré de Villeneuve les Avignon avec Marc Fontanne et l’Oustau de Baumanière aux côtés de Glenn Viel, avec qui il obtint la 3e étoile. Rappelons que la Cheneaudière détint jadis deux étoiles sous la direction de Marcel François, fondateur de la maison et grand-père de l’actuel propriétaire Nicolas Decker, et de son gendre – et oncle de ce dernier -, le chef Jean-Paul Bossée, aujourd’hui à la Cour de Lise à Willgottheim. C’est dire que tous les espoirs et les ambitions sont permis au jeune Jean-Paul Acker.

Adieu à Philippe Da Silva

Philippe Da Silva © GP

On l’a connu en chef parisien deux fois étoilé au Chiberta, près des Champs-Elysées. On le retrouvait façon Alexandre le bienheureux dans son pays varois, aubergiste au grand cœur, à l’hostellerie des gorges de Pennafort, ayant pour objectif de donner du bonheur à tous. Lui ? Philippe Da Silva, le plus discret des bons chefs de la région PACA, le plus aimé de ses confrères, le moins critiqué, le plus loué pour sa générosité naturelle, sa franchise, sa gentillesse et sa simplicité vient de s’éteindre à 67 ans vaincu par le Covid. Ce natif du Portugal, formé jadis en banlieue parisienne, chez Julius à Gennevilliers, qui avait également travaillé au Pré Catelan et au Moulin de Mougins chez Roger Vergé savait concilier tous les genres et tous les styles. Et d’abord : l’amour du beau. Ses ravioles de foie gras aux truffes et parmesan étaient légendaires, comme ses langoustines poêlées aux morilles ou son foie gras chaud escalopé au citron flanqué de vieux vinaigre balsamique. On le regrettera, bien sûr, et on le pleure déjà. Toutes nos condoléances à son épouse Martine, son plus fidèle soutien depuis si longtemps.

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