Chaque mois, en partenariat avec le Marché International de Rungis, Gilles Pudlowski dresse le portrait d’un Chef qui a fait le pari de la qualité et nous livre ses secrets en matière de produits et de sourcing. Au programme : la Crème de la Crème ! Produits, Passion, Savoir-Faire, Anecdotes pour une immersion dans cet incroyable et incontournable écosystème du goût et du bien-manger.

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La Crème de la Crème – René Meilleur : « les fromages, c’est notre patrimoine »

Article du 15 mai 2021

Bruno Borrel, René Meilleur et le beaufort © Maurice Rougemont

« Le fromage, dit-il, c’est notre culture, notre patrimoine« . Se promener avec René Meilleur au pavillon laitier de Rungis, c’est comme retrouver un goût d’enfance. « Le fromage, reprend le chef trois étoiles de la Bouitte à Saint-Martin-de-Belleville, c’est ce qu’on mangeait en famille, tous les jours, sur notre table, avec nos charcuteries et notre pain. » Le fruité d’un beaufort, le côté lactique d’un abondance, le crémeux d’un reblochon, le goût de terre d’une tomme, l’acidité d’un chevrotin ou d’un persillé, c’est sa madeleine de Proust.

Tomme des Allobroges © Maurice Rougemont

René Meilleur a connu Rungis grâce à son ami et « pays » Bruno Borrel. Le patron d’Odéon Fromages, qui multiplie les enseignes (le « marché des fromagers » dédié au fromages d’exception sous la houlette du spécialiste Yves Cremmer, mais aussi Delon et SCPL), indique un néon qui longe une partie de sa travée fromagères, en indiquant : « tout cela, cela fait partie de notre société« . Gourmand, gourmet associé d’Yves Camdeborde pour son Relais de l’Odéon, ses avant-comptoirs, partenaire de Ramunxo Courdé au P’tit Suisse de Saint-Jean-de-Luz, aime le pays basque, mais ne renie pas ses origines savoyardes.

Bruno Borrel et l’Emmental de Savoie © Maurice Rougemont

C’est bien son père, François Borrel, natif de Saint-Martin-de-Belleville, qui a créé l’affaire du MIN et c’est à lui qu’est dédiée une fameuse tomme « du père Fanfouë », mitonné en sur-mesure, par la ferme Chabert à Vallières. Roi fromager de Rungis, il règne sur ses splendides rayons et casiers, où trônent emmental Savoie IGP, tomme de Savoie, gruyère suisse ou français, tomme fermière des Allobroges, étivaz du pays d’en haut, côté Alpes vaudoises, cuit au chaudron de cuivre, mais aussi tomme crayeuse, chèvre sarthois dit Saint-Denis, rare bleu de Termignon ou jolie « gabarre », issue de chèvre du pays nivernais de la Ferme de Port-Aubry en forme de barque.

Yves Cremmer avec un morbier de Poulet-Drezet © Maurice Rougemont

« Le fromage, c’est quelque chose de naturel« , reprend René Meilleur, indiquant : « j’ai dû mal à comprendre que certains de mes collègues ne présentent pas de plateaux chez eux et se contentent de fromages « cuisinés » – moi, j’appelle ça « dénaturés ». Composer un plateau, c’est faire confiance à nos producteurs qui les bichonnent amoureusement. En fonction de la taille de l’exploitation, de la souche des bêtes, du terroir, des fermes, chaque fromage est toujours différent d’une ferme à l’autre. Le miracle de Rungis, ajoute-t-il, c’est qu’on peut y trouver des fromages aussi bons que chez nous en montagne« .

Franck Gratiot avec son livarot © Maurice Rougemont

Les deux secrets d’un bon fromage, selon René : « fabrication et affinage. Si l’on sélectionne comme il faut ce qui est bien fabriqué et ce qui est bien affiné, alors on tombera forcément sur le meilleur« . C’est ce qu’on se dit en parcourant encore les autres stands du MIN. Chez Franck Gratiot, voisin de Bruno Borrel,  qui est, derrière son néon rouge, le « petit au milieu des gros » du pavillon des produits laitiers. Ce quadra dynamique représente la 5e génération de fromagers affineurs, gardant ferme l’esprit de famille à Rungis.

René Meilleur avec une tomme d’Abondance © Maurice Rougemont

Parmi ses belles pâtes  la plupart au lait cru : du rare, du peu connu, où la qualité est le reflet d’un travail patient. Ainsi, le « trèfle » du Perche, le « gramat », un joli chèvre du Quercy façon rocamadour, mais aussi le fameux brie truffé de la ferme des Trente Arpents signée Edmond Rothschild Héritage,  sans omettre un « mâconnais », signé Chevenet à Hurigny, un authentique époisses au lait cru, un chèvre frais du mont Ventoux, une tomme truffée de Moleson près de Fribourg, un amusant « casanu » corse affiné à la bière à la châtaigne, un livarot du pays d’Auge ou encore une « rouelle blanche » du Tarn qui font plaisir à tous. Affinage dans les caves maison à Asnières.

Daniel Le Coguic avec un beaufort d’alpage © Maurice Rougemont

Ainsi, encore, chez Daniel le Coguic, pédago aux belles moustaches de « la fromagerie du Jura »,  incollable sur les belles pâtes de montagne, disert et abondant sur les celles du Jura qui sont les fondements de sa maison (Arnaud), qui affine au fort des Rousses et siège à Poligny. Daniel fait goûter avec science et fierté ses splendides comtés de 20, 30 ou 40 mois qui allient longueur en bouche, fruité intense et cependant souplesse sans nulle amertume. Du bel art fromager !  Une collection de « grandes roues », qui se complètent d’un magnifique beaufort d’alpage de Jean-Louis Juglaret de la vallée de Chapieux, à 2400m d’altitude, juste derrière le Mont blanc, puis de pâtes normandes splendides, comme ce camembert au lait cru de Lessay dans la Manche.

Reblochon et chevrotin fermiers de Bruno Borrel © Maurice Rougemont

« Si nous n’avions pas notre plateau de fromages, nous ne serions plus la Bouitte« , reprend encore René Meilleur, insistant sur la nécessité pour sa maison d’offrir un panorama complet des belles pâtes de Savoie », indiquant aussi que ses amis des grandes tables de Savoie, comme Emmanuel Renault à Megève et Laurent Petit à Annecy-le-Vieux, ont tous des chariots dignes de ce nom. Le pionnier du genre fut, bien sûr, Marc Veyrat à Annecy, puis à Veyrier, puis à Manigod, avec son grand « ercheu des fromages », de ses cousins manigodins, de ses amis fromagers d’Annecy.

Les beaufort de Daniel Le Coguic © Maurice Rougemont

On y ajoute la viande d’un boucher de Chambéry, les poissons du lacs Léman du copain Jacquier (féra, omble chevalier, perche), la truite de leur vivier (« on lui redonne forme et santé dans notre rivière« ), comme le fameux dessert au lait, jadis mis au point par son fils Maxime, qui partage avec lui la direction des fourneaux, et l’on comprend que les Meilleurs sont locavores. « On l’a été avant que ce soit à la mode« , note encore René, qui pratiqua à ses débuts la cuisine fromagère, à coup de raclette, de fondue, de tartiflette et de berthoud (avec ail, vermouth de Chambéry, vin blanc et tomme chaude) avant de devenir l’un des plus sûrs artisans de la grande cuisine française. « Le terroir, ajoute-t-il, c’est quelque chose de naturel. On a toujours baigné dedans et on a grandi avec. Et c’est aussi pour cela que l’on vient nous voir du monde entier« .

Tomme fermière de Savoie de Bruno Borrel © Maurice Rougemont

La Bouitte

hameau de Saint Marcel
73440 Saint-Martin-de-Belleville
Tél. 04 79 08 96 77
Menus : 149 (déj.), 179, 209, 315 €
Carte : 200-300 €
Horaires : 12h30-14h, 19h30-21h
Fermeture hebdo. : Ouvert tous les jours
Site: www.la-bouitte.com

A propos de cet article

Publié le 15 mai 2021 par

La Crème de la Crème – René Meilleur : « les fromages, c’est notre patrimoine »” : 1 avis

  • Henriot Evelyne

    je ne rêve que d’une chose: courrir en Savoie chez René Meilleur et déguster avec lui ses produits locaux

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