L’enfant que tu as été marche à côté de toi
Douo, enfant de Yaoundé, confié par les siens à des religieuses alsaciennes, quitte le Cameroun pour la France et entrer dans un collège chrétien à Strasbourg. S’il n’est pas devenu prêtre, ce à quoi on le destinait, il n’a pas oublié son lent cheminement spirituel. Des années après, il se retrouve piégé au marché de Noël de la capitale alsacienne endeuillé par un attentat. Il en réchappe comme par miracle et son passé lui revient alors violemment en mémoire. L’accouchement traumatisant de sa mère, son éducation difficile et rudimentaire, les aléas de sa circoncision, l’apprentissage patient de la religion, la découverte du pays des cigognes et du kougelhopf pour un petit africain qui adore lire et s’adapte avec souplesse dans ce monde qui va devenir le sien : Gaston-Paul Effa, natif de Yaoundé, professeur de philosophie à Sarrebourg, jadis éduqué au collège épiscopal strasbourgeois, raconte quelques uns des épisodes de sa propre histoire à travers ce qui ressemble à un récit d’initiation, où le souvenir des siens se ravive, où sa propre mémoire se joue et s’exprime à rebours et en zig-zag.
La langue de l’auteur de « Voici le dernier jour du monde » et de « La verticale du cri » est, on le sait, lumineuse, poétique et limpide. Le propos du récit est clair et l’ode à l’enfance comme aux siens se mûrit au contact de l’expérience adulte. Annonciation, nativité, noces, visitation, sacrifice, baptême, flagellation, conversion, crucifixion, chemin de croix : les titres de ses divers chapitres résonnent parfaitement sur le mode évangélique et s’ordonne autour de « mystères » tour à tour joyeux, lumineux, douloureux ou glorieux. Manière de placer ce récit initiatique en forme d’exercice mémoriel sous le signe de l’éblouissement mystique. Voilà un roman qui laisse en vous comme des éclats de cristaux purs.
L’enfant que tu as été marche à côté de toi de Gaston-Paul Effa (Continents Noir/Gallimard, 183 pages, 19 €).