Mélanie Serre : « à Rungis, la confiance est primordiale »
Elle a tout pour elle : la jeunesse, l’allant, le charme, la volonté de faire toujours et encore mieux, menant sa carrière tambour battant, avec un mélange d’éclat et de discrétion très méthodique. Mélanie Serre fut la cheffe de l’Atelier Joël Robuchon Etoile. Elle est aujourd’hui celle du restaurant/bistrot le Louis Vins dans le 5e, tout voisin de l’Ecole Polytechnique. Un lieu symbolique pour cette tête bien faite et bien pleine qui sait où ses pas – on allait dire ses plats – la dirigent. Née à Annonay en Ardèche en 1986, titulaire d’un bac S, elle obtient une licence en management spécialisée en hôtellerie et restaurant à l’Institut Vatel à Lyon, puis effectue un stage de 8 mois chez Potel et Chabot, où elle a révélation de la cuisine (« j’ai adoré ça« , dit-elle). Elle participe activement à des repas dans l’événementiel (au Louvre, au Bourget, à Roland-Garros) et elle sait qu’elle a trouvé sa voie.
Après cela, on la retrouve au Chalet du Mont d’Arbois, à Megève, chez les Rothschild, aux côtés d’Olivier Bardoux, lui-même formé jadis au Laurent à Paris et chez les Haeberlin à l’Auberge de l’Ill, puis à l’Eden Rock à Saint-Barth, enfin au Métropole de Monaco, à la table de Joël Robuchon, dirigée par Christophe Cussac (« mon père en cuisine, mon papa de coeur« , note-t-elle). Elle y a d’abord en charge la partie poisson avant de devenir la seconde. Elle ne quittera plus guère le groupe Robuchon, sera ensuite à Paris – nous sommes en 2015 – à l’Atelier Joël Robuchon de l’Etoile où elle devient cheffe à part entière. Quand en 2018, elle essaye de se lancer à son compte, elle visite 85 fonds de commerce, n’est convaincue par aucun. « Heureusement« , glisse-telle aujourd’hui.
Elle crée sa boîte de consulting qui porte simplement son nom et prend en charge les cuisines du Louis Vins, qui appartient à Philippe Austruy (le propriétaire du Château Malescasse, cru bourgeois exceptionnel en Médoc, de Peyrassol et de la Bernarde en Provence et de la Tenuta Casenuove en Toscane) et que gère son ami Bertrand Guillou-Valentin, gourmet fureteur et fou de bons crus. Elle y propose toutes sortes de choses exquises, sur un mode rustico/raffiné plein de verve séductrice, présentés, en temps de confinement, en bocaux aisés à réchauffer. Son crémeux de lentilles vertes du Puy au foie gras est une merveille, son pâté de lapin aux noisettes et fruits confits est délicieux et son carpaccio de Saint-Jacques avec artichaut, truffe noire, mâche et vinaigrette au curcuma comme son épaule d’agneau aux épices et boulgour aux amandes et fruits secs sont à se pourlécher. Mais il y a aussi le foie gras de canard poêlé avec sa compote de fraises et rhubarbe, ses noix de pécan caramélisées, les très robuchoniennes asperges vertes, caviar osciètre et jaune d’œuf coulant ou encore le superbe cabillaud aux morilles et petits pois à l’ail des ours.
Parallèlement, Mélanie conseille le Rugby Club, devenu très gourmand grâce à elle, boulevard Haussmann à Paris, mais aussi le Donjon, l’hôtel de charme d’Omar Abo Dib à Etretat, qui courut longtemps après l’étoile, et vient de l’obtenir grâce à son « coaching » serré de quelques mois, sans omettre le Point Rouge, restaurant/bar/lounge bordelais qui s’apprête à trouver une neuve image, éminemment gourmande, sous sa houlette. Pour toutes ces maisons, elle tâche de mettre le beau produit locavore en exergue, non sans omettre un clin d’oeil à sa région Rhône-Alpes d’origine (ainsi les superbes macaroni au vieux comté et truffe noire du Louis Vins), recommandant l’appel aux petits producteurs. « Mais, ajoute-t-elle, ces derniers ne suffisent pas. » Glissant ainsi: « Rungis est là pour nous accorder le complément indispensable, plus la confiance et la sérénité. »
S’agissant des Vergers Saint-Eustache, qu’anime Alexia Charraire avec fougue, et qui est son interlocuteur privilégié pour les légumes, elle note : « on sait qu’on peut être livré tous les jours et même trois fois par jour, donc à l’heure qui nous convient le mieux. Ils ont les produits des petits producteurs qu’ils sélectionnent avec précision et ne manquent de rien. J’ai pris l’habitude de les appeler après le service du soir, c’est à dire entre 23h30 et minuit, et il y a toujours quelqu’un pour me répondre. C’est comme cela que la confiance s’installe et celle-ci est primordiale. Légumes, fruits, herbes aromatiques, fleurs comestibles sont toujours là au « top » . Et lorsqu’on a besoin de produits d’épicerie, ils complètent pour nous sur le marché. Du boulgour, un bidon d’huile, du sel fin… aussitôt demandé, aussitôt trouvé ».
Les légumes, chez Alexia, se complètent effectivement d’une offre à plusieurs étages, dans ses « paniers mixtes », qui complètent les meilleurs légumes avec la belle charcuterie (de Nicolas et Gilles Vérot à Paris ou d’Olivier Brosset à Saint Barthélémy d’Anjou) le chocolat (Alain Ducasse), les pains (du MOF Frédéric Lalos), les granolas (de Catherine Kluger). Même si légumes, fruits et herbes constituent la signature propre de cette vive gourmande, toujours en mouvement. La quasi-totalité des trois étoiles lui font confiance pour son importante variété de pommes de terre (une cinquantaine de références) rappelant que la dite pomme de terre constituait le coeur de métier des grands parents. Son frère Harrison s’active, lui, aux autres sociétés du groupe Charraire (Halles Trottemant pour les primeurs, Armara pour les poissons et crustacés, la Grande Crémerie pour les produits laitiers), que papa Michel veille toujours avec rigueur.
Pour les poissons, Mélanie regarde aussi du côté de la maison Reynaud (R&O), mais aussi chez Blanc (notamment pour les coquillages). Pour les viandes, elle se dirige plus volontiers en province: le veau et le boeuf chez Gabriel Gauthier à Clermont-Ferrand, pour l’agneau en Haute-Loire, mais aussi pour le boeuf fin gras du Mezenc côté Ardèche, sans omettre la charcuterie, chez Christophe Gueze à Vernoux-en-Vivarais. Et l’on revient à Rungis pour les crèmes et lait des desserts de sa complice pâtissière, la jeune italienne Ylenia Gazzo, venu de l’Eclair de Génie, qui se fournit volontiers à la ferme d’Alexandre mais aussi chez Tentation Fromages, sans omettre Valrhona pour les matières premières du chocolat.
Le prochain projet de Mélanie : un « Petit Louis », qui constituera l’annexe bar à vins avec un clin d’oeil épicerie et cave du Louis. Un lieu, bien sûr, où le produit bien sourcé sera, plus que jamais, à l’honneur…
Le Louis Vins
Paris 5e
Tél. 01 43 29 12 12
Menus : 20 (formule, déj.) €
Carte : 35-55 €
Fermeture hebdo. : Dimanche
Métro(s) proche(s) : Maubert – Mutualité
Vous avez raison, merci de votre vigilance. C’est corrigé!
Bonjour,
Carottes et RHUBARBE: vous êtes sûr ? Je vois des blettes….ou cardes, certes colorées !! Genièvre matinal?
A suivre.
Cordialement
Très bel hommage !!lla compétence professionnelle reconnue ,le talent également après ce beau parcours et ce n’est qu’un début
Génial,très bel article!!!!!