Pudlo l’Alsacien – Le Point.fr – 1er juillet 2010

Article du 4 juillet 2010
Bernard Frank disait que notre collaborateur Gilles Pudlowski avait inventé l’Alsace. A lire le dictionnaire amoureux que ce Lorrain consacre à sa région d’adoption, on tire les multiples fils d’Ariane d’un labyrinthe savoureux. L’Alsace, dit-il, est un pays, avec ses demeures à colombages, ses débordements de fleurs, son imagerie à la Hansi, sa gourmandise raisonnée, ses vignerons audacieux. Au fil du temps, cette terre d’Europe  » fut celte, germaine, laminée par les Suédois, ruinée par la guerre de Trente Ans, repeuplée par les Suisses « . Qu’est-ce que l’Alsace ? De belles synagogues abandonnées, les tavernes chères à l’ami Fritz, les hautes sapinières et les façades en grès rose ? Barrès disait que les ruines des châteaux y étaient des  » points de sensibilité  » au milieu de  » l’armée des arbres « . En ce pays de cocagne cynégétique, les lois allemandes de 1905 sur la chasse sont toujours en vigueur. » Colmar, c’est Bruges en Alsace « , écrit Pudlowski, peintre d’une sorte de principauté ouverte, avec ses femmes à coiffe, ses cigognes pérennes, ses brasseries de genre, » si typiquement alsaciennes à Paris qu’elles n’existent plus en Alsace « .
L’Alsace est-elle une idée ? Non, plutôt une sorte de biotope frontalier, d’esprit mutualiste, avec ses religions mélangées, les manchettes des Dernières Nouvelles d’Alsace, une souveraine richesse de terroirs et d’hommes. Xénophobie ? Elle s’exercerait surtout contre les voisins lorrains, dont les montres sont réputées retarder de vingt ans. Marc Haeberlin, de l’Auberge de l’Ill, voit l’Alsacien comme un Belge qui n’a pas été assez rapide pour devenir suisse. L’actrice Anémone fut condamnée pour avoir traité un jour les Alsaciens de  » boches qui parlent le français « . Mais sous la langue du gourmet, outre la fameuse choucroute, » plat à facettes « , glissent les saveurs de l’époisses affiné au marc, du munster du Val-d’Ajol, du beaufort d’alpage. Le kirsch enveloppe le palais sans le brûler. Pudlowski s’intéresse aux gloires locales ; le passage de Goethe en 1770, Gustave Doré, Edmond About, les contes d’Erckmann-Chatrian, l’obsession de Victor Hugo pour le Rhin. Il salue les napoléoniens guerriers Kléber et Kellermann autant que les peintres méconnus du XXe siècle. Et se souvient-on que l’auteur de la statue de la Liberté, Bartholdi, est né à Colmar ? Le lecteur se promène avec délices dans ce dictionnaire d’une belle fluidité, écrit, voluptueux, toujours adéquatement didactique. Personne ne doutera plus que c’est Gilles Pudlowski qui a inventé l’Alsace
Par Marc Lambron dans le Point
Dictionnaire amoureux de l’Alsace, de Gilles Pudlowski est publié chez Plon (816p., 26€)

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Publié le 4 juillet 2010 par

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