Une moraliste nommée Sophia Aram
Cela démarre par un dîner mondain où son voisin de table, jeune avocat dans le vent, lui demande : « Toi qui habites Trappes, tu as les moyens de me trouver de l’herbe ?« . Ce à quoi elle répond du tac-au-tac : « et toi, puisque t’habites Boulogne, tu pourrais me trouver une pute ? » Réponse qui, bien sûr, engendre malaise, silence et embrouillaminis…
Sophia Aram, que l’on connaît notamment pour sa chronique d’humour et d’humeur, bonne ou mauvaise, du lundi matin sur France Inter, a pris la mesure de ces « petites questions qui tuent« , vexent leur interlocuteur, en en révélant pas mal sur ceux qui les prononcent. On se souvient du livre de Philippe Delerm (« Et vous avez eu beau temps » ?).
Sophia (dont le nom n’est pas « Safia », mais bien Sophia, dû à un papa fan de Sophia Lauren), égrène et épingle ces petites phrases pièges, qui sont d’avantage des remarques à brûle pourpoint que des questions précisément formulées, style « T’as l’air normal, pour une handicapée« , « T’es gentil, pour un musulman », « Tu parles comme une blanche », « T’es super belle pour une noire ! » ou encore « Tu es trop mignonne pour être lesbienne« . Elle se moque des travers de ses contemporains, de leur racisme non-dit, de leur (douce) homophobie, de leurs préjugés, de leur œillères, plus ou moins volontaires.
C’est drôle, intelligent, souvent corrosif, bref, formant, au vrai et au propre, une œuvre de moraliste. Et si, mine de rien, la malicieuse Mme Aram était notre La Bruyère ?
La question qui tue de Sophie Aram (Denoël, 176 pages, 14 €).