Les chuchotis du lundi : quel bout pour quel tunnel? Jacques Attali défend la réouverture des restaurants, les Meilleur promeuvent le 3 étoiles en chambre, Julien Alvarez quitte le Bristol pour Ladurée, Pascal Hainigue arrive, Mory Sacko nouvelle star de France 3, la légende MPW fait le break près de Bath, NEO dresse l’éloge de la gourmandise, les nouveaux challenges de Benjamin Collombat

Article du 22 février 2021

Quel bout pour quel tunnel ?

L’optimisme n’est plus vraiment de mise. Plus de 22000 contaminations par jour en France, la prolifération des variants anglais ou sud-africains, une nouvelle flambée, ce week-end, dans les Alpes-Maritimes, la faiblesse du pourcentage de vaccinés (seul 2 millions et demi dans tout l’hexagone France vendredi 19 février)… bref, rien de passionnant, ni de tangible pour inciter au relâchement. Depuis le 29 octobre dernier, les restaurants demeurent fermés (contrairement à l’Italie ou à l’Espagne où ils ont réouverts). L’espoir de les voir rouvrir en avril diminue de jour en jour. On parle prudemment d’avant l’été. Du côté du mouvement #restaurantsouverts, on met la barre d’espoir à mi-mai … pour les terrasses. « Pour les restaurants, on pense à septembre« , note le leader du mouvement Stéphane Manigold, qui intervient auprès de Bercy pour que les aides soient prolongées, celles des assurances chômage bien sûr, mais aussi en vu d’un moratoire sur les loyers. Les dégâts économiques et sociaux sont déjà visibles un peu partout. Le click and collect ou les livraisons, via Tiptoque, Deliveroo, Just Eat ou Ubereats n’apparaissent que comme des solutions de recours et de secours et non une réponse à la crise. Question : combien de temps la France peut-elle supporter de vivre sans ses restaurants, ses bars et ses cafés ? C’est, bien sûr, une grande part de sa joie de vivre qui fiche aujourd’hui le camp. D’autant que le bout du tunnel n’est guère visible. Et que le dit tunnel ne laisse présumer en rien de sa nature ni de sa longueur.

Jacques Attali défend la réouverture des restaurants

Jacques Attali © DR

Un renfort inattendu pour une possible réouverture des restaurants : celui de Jacques Attali, qui fut le conseiller du président François Mitterrand et l’un des « visiteurs du soir » de Nicolas Sarkozy. Sur son blog, il explique volontiers que beaucoup de réouvertures devraient pouvoir se faire malgré la pandémie. « Partout dans le monde, et en France en particulier, la gestion de la pandémie est frappée d’incohérences. (…) Une plus grande incohérence encore touche les restaurants : comment expliquer qu’on ne les autorise pas à ouvrir quand il est permis de manger à sa place dans un train ? Comment admettre qu’on ne les autorise pas à recevoir leurs clients au moins sur les trottoirs ou sur leurs terrasses, avec tous les chauffages d’appoint nécessaires (dont l’impact sur le réchauffement climatique est certain mais dérisoire) ? On y imposerait, à table, une distance égale à celle exigée dans les bureaux, et le port du masque y serait obligatoire en dehors des moments où on mange ; et en cuisine, on appliquerait les mêmes règles sanitaires que celles que doivent pratiquer aujourd’hui les cantines, et les restaurants proposant la vente à emporter. Avec un peu de pratique, tout cela devrait pouvoir fonctionner. » Et d’ajouter : « … les pouvoirs sont tous, en fait, ravis d’une telle situation. Car les restaurants ne sont pas uniquement un lieu de consommation alimentaire. Ils sont, avec le repas familial, les lieux principaux de la conversation, et de la transmission. Or, les pouvoirs, dans toutes les sociétés, n’aiment pas que les gens bavardent en mangeant : ils y échangent des informations ; ils y discutent de sujets politiques ; ils y organisent des coalitions ; tout cela hors du contrôle du pouvoir, qui ne sait rien de ce qui s’y dit ; très dangereux pour lui (…) on ne répètera jamais assez que l’alimentation tue beaucoup plus que la pire des pandémies. Les pouvoirs n’aiment pas non plus la transmission des savoirs d’une génération à l’autre ; ils préfèrent les transmettre eux-mêmes. Et en particulier, ils n’aiment pas la transmission des recettes familiales, uniques, endémiques. »

Les Meilleur promeuvent le 3 étoiles en chambre

René et Maxime Meilleur © GP

Leur petite entreprise ne connaît pas la crise. Ils sont, pères et fils, les trois étoiles les plus discrets de France, continuant comme si de rien n’était à servir leur repas haut de gamme dans les quinze chambres de la Bouitte au coeur du Hameau de Saint-Marcel, dans le village de Saint-Martin-de-Belleville, perle montagnarde de la vallée des Belleville. Les remontées mécaniques, qui les relient aux pistes de Courchevel, Méribel, Val Thorens et les Ménuires sont fermées ? Qu’à cela ne tienne, René et Maxime Meilleur, qui n’oublient pas qu’ils ont été l’un, plongeur au VVF, l’autre champion de biathlon, emmènent leurs clients redécouvrir une montagne immaculée et le chemin des chapelles et églises baroques de Savoie, comme le tout voisin Sanctuaire-Notre-Dame-de-la-Vie, à pied, en raquettes ou en ski de fond, en pique niquant en altitude. Le soir, c’est filet de lavaret du Bourget pané d’une fine feuille de pain croustillante, cornichons frais, beurre blanc mousseux à la Roussette de Savoie et pigeonneau rôti, avec pommes de terre fondantes, ragoût sur toast, champignons et chénopodes, puis, enfin, lait dans tous ses états au cours d’une prestation de « room service » en sept étapes de haute volée. Une prouesse du genre qu’accompagne les vins d’une cave d’exception.

Julien Alvarez quitte le Bristol pour Ladurée – Pascal Hainigue arrive

Julien Alvarez © DR

Il ne sera resté que 3 ans et demi au Bristol qu’il quitte à la fin du mois de mars. Julien Alvarez va devenir le nouveau chef pâtissier de Ladurée, qui s’interroge sur sa destinée. Certes, on sait que tout n’est pas rose dans l’ex-temple du macaron de rue Royale – qui possède toujours bureaux et boutique sur les Champs-Elysées. Actuels propriétaires de la marque, les Holder cherchent des partenaires pour la relancer – on parle du groupe Barrière, mais aussi du groupe Accor, ainsi que de Louis Le Duff. David Holder, dg de la Ladurée, avait embauché, en septembre dernier, Nicolas Haelewyn, qui avait notamment lancé des macarons vegan. Mais la maison cherche toujours un nouveau souffle. Celui-ci pourrait lui être apporté par Julien Alvarez qui devrait booster la création dans les boutiques parisiennes et participer au rayonnement international de la maison. Ce natif de Bergerac, formé chez son père restaurateur à Monbazillac dans les cuisines du château local, puis chez le pâtissier de sa ville natale, Thierry Dieumegard, passé au Peninsula, puis au Café Pouchkine, a notamment été champion du Monde de pâtisserie en 2011, sous les couleurs de l’équipe ibérique (il possède la double nationalité, française et espagnole). Au Bristol, il sera remplacé par Pascal Hainigue, 30 ans, venu du Baudelaire au Burgundy. Ce natif de Colmar, formé chez Stein à Buhl, passé notamment dans son Alsace natale à l’Auberge de l’Ill d’Illhaeusern, puis chez Richon à Colmar, enfin au Chambard d’Olivier Nasti à Kaysersberg, avant le George V à Paris, est un créatif sans oeillères qui sait tout faire. Pour le Bristol, en tout cas, c’est une recrue de choix.

Pascal Hainigue © DR

Mory Sacko nouvelle star de France 3

Mory Sacko © France 3

La nouvelle star gourmande de France 3, c’est lui à qui la chaîne confie, à partir du 27 février à 20h25, une émission « Cuisine Ouverte », produite par Catherine Barma, dont il sera l’animateur enjoué, partant à la recherche des chefs et des producteurs qui font redécouvrir les différents terroirs de l’hexagone. Menant sa carrière au galop, avec charisme et brio, Mory Sacko, ex candidat malheureux de Top Chef mais très apprécié de la saison 11, agace forcément ceux qui voient sa réussite trop rapide. Ainsi notre collègue François-Régis Gaudry, de « On va déguster » et juré de seconde partie de « Top Chef » qui trouve que l’étoile attribuée pour son restaurant Mosuké l’a été avec « précipitation » par le « Michelin, vieille dame qui marche avec son déambulateur pour rattraper l’époque« , précisant : « Je n’ai rien contre Mory Sacko. C’est un garçon intelligent, très bien câblé en plus mentalement avec une vraie culture personnelle. J’ai testé en même temps que le Guide Michelin son restaurant. En aucun cas, je n’aurais donné une étoile à Mory Sacko. J’y ai mangé un des pires plats de la rentrée. J’y ai mangé aussi des choses très intéressantes. » Refusant toute polémique, le talentueux Mory Sacko qui fait montre, à 28 ans, d’une étonnante maturité, a simplement répondu : « Je ne rentre pas dans ce jeu-là. Les critiques appartiennent à ceux qui les font et je ne me sens pas du tout concerné« . Sur France 3, en tout cas, il a carte blanche pour choisir ses interlocuteurs et mettre en valeur « la richesse des régions, (comme) les producteurs et chefs locaux qui chaque jour valorisent le terroir dans les assiettes ».

La légende Marco Pierre White fait le break

Marco-Pierre White dégustant des huîtres anglaises au petit déjeuner © MPW

Il fut le plus jeune chef anglais à gagner les trois étoiles, les rendant, 5 ans après, sur le thème de « ils font des pneus, moi de la cuisine, on n’a rien à se dire« . Les rapports de Marco Pierre White avec le Michelin avait cependant bien commencé : il obtenait 2 étoiles chez Harvey’s à Wandworth, à 24 ans, avec une jeune équipe dont les débutants se nommaient Gordon Ramsay et Heston Blumenthal, puis 3 à son nom à 33 ans, sous le Hyde Park Hotel puis au Meridien de Picadilly. Après avoir multiplié les enseignes (notamment Mirabelle dans Curzon Street à Mayfair, Wheeler’s à St James, The Criterion sur Picadilly), puis, avec des financiers variés, des steakhouses (24 en tout, entre Birmingham à Windsor, en passant par Edimbourg et Cardiff), des tables italiennes sur le mode new-yorkais (9 de Leicester à Stratford, sans oublier Londres, plus Bardolino et Marconi, à Bristol et Birmingham). Il a décidé de mener sa vie à lui, après avoir joué les gentleman-farmer, pêcheur, chasseur, amoureux de la campagne anglaise. « Bad Boy », « Working Class Hero », natif de Leeds, fils d’un ouvrier anglais et d’une italienne de la région de Vérone, MPW fêtera ses 60 ans en décembre prochain. En attendant, il fait une pause salutaire dans son bel hôtel campagnard de Rudloe House près de Bath, qu’il tient avec sa fille Mirabelle, où il sert une cuisine à sa main et se met en scène avec malice, sur son compte instagram. On n’en finit jamais avec MPW!

NEO : éloge de la gourmandise en temps de semi-confinement

Il s’appelle Nicolas d’Estienne d’Orves. On l’appelle NEO, avec un sens évident du raccourci. Romancier de talent, gourmand des mots, membre – le plus jeune de la bande – du Club des Cent – il  dresse l »éloge de la gourmandise », dans un livre qui lui ressemble: drôle, vif, alerte et savoureux. Il y conte avec un sens mesuré du suspens son intronisation au dit club des Cent, y avoue sa passion pour tous les abats, l’andouillette et la tête de veau, en particulier, y glisse son amour de la cuisine asiate (communiquée par Camille, sa compagne, « demi-nem » ), confesse ses péchés mignons pour McDo (qu’il préfère à Paul, qu’il honnit, comme une boulangerie façon Disneyland), Haribo et Kinder (dont il explique les origines teutonnes avec une faconde précise), les hommages à des gourmets méconnus, passionnés et foldingues (Emmanuel Giraud, Sébastien Lapaque, sans omettre le redoutable Robert-Julien Courtine ex La Reynière pour le Monde). Il raconte son premier anniversaire familial et gourmand, au Fouquet’s, et donne envie de faire ses courses charcutières chez Vérot, de s’attabler chez Lipp, mais aussi et surtout chez Yves Camdeborde,Thierry Breton ou Stéphane Jego. A lire, en temps de semi-confinement, pour se redonner envie, très vite, de retourner au restaurant!

Les nouveaux challenges de Benjamin Collombat

Benjamin Collombat © AA

On avait perdu de vue Benjamin Collombat depuis son départ du Château de Berne à Flayosc dans le Var. Après avoir gagné haut la main une étoile au restaurant gastronomique que son second Louis Rameau a su conserver cette année, il a mis les voiles direction le Maroc avec des projets plein la tête. Le premier vient de se réaliser au Hyatt Regency de Casablanca dont Glenn Viel, triplement étoilé à l’Oustau de Baumanière, fut jadis le sous-chef. Benjamin y signera la carte du restaurant gastronomique le M, dès mars prochain. Le deuxième projet se passe à Abidjan où il  imprimera sa marque sur la carte du Bistrot du Casino, l’Éléphant d’Or, appartenant au groupe Barrière au Sofitel Ivoire d’Abidjan. La liste est donc loin d’être close. Alors, affaires à suivre…

 

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