Les chuchotis du lundi : la révolte des restaurants, Michelin fait triompher la Suisse alémanique, Jeffrey Cagnes quitte Stohrer, Quentin Lechat arrive au Royal-Monceau, un Paris-Londres officiel chez Guy Savoy, Monaco paradis sur mesure, l’Italie reprend vie, Yannick Alléno à Monaco, l’énergie Geaam
La révolte des restaurants
La révolte des restaurants ? Elle a avorté, lundi dernier 1er février, sous la conduite, de Stéphane Turillon. Le chef/patron de la Source Bleue à Cusance dans le Doubs a renoncé à accueillir les nombreux clients attendant la réouverture promise. Face aux gendarmes venus en masse et aux menaces du ministère des finances de supprimer les aides, il s’est résolu à offrir à emporter à ses supporters les plats prévus. Ce qui aurait pu être une révolution s’est achevé comme une fête symbolique du ras le bol actuel de la restauration française lassée des confinements, semi-confinements, fausses et vraies fermetures. Tandis que les pays limitrophes comme l’Espagne et l’Italie sonnent le moment de la réouverture effective, la France demeure dans l’angoisse, sans espoir précis de revoir la lumière au bout du tunnel. Et, pendant ce temps-là, les restaurants clandestins se multiplient. Nos collègues des quotidiens (Le Parisien, le Monde, le Figaro) distillent les enquêtes sur ces tables secrètes qui accueillent aussi bien gourmands lambda que magistrats et policiers. « Je cuisine du foie gras, du gibier, des pâtes à la truffe, des classiques de la cuisine française. Si on a une majorité d’hommes surtout au déjeuner, les femmes qui sont là ne viennent pas pour manger du quinoa. Mes clients veulent se faire plaisir», précise un restaurateur néo-banlieusard qui aspire à respirer un air de liberté dans un pays confiné. Bien sûr, enquêtes et verbalisations abondent, mais le phénomène exprimant un ras le bol général se prolonge. Malgré les tables officiellement fermées, les contaminations se poursuivent (plus de 20000 cas quotidiens ce dernier week-end) et les restaurants n’y sont plus pour grand chose. Notre confrère et ami Nicolas de Rouyn chronique avec humour, sans en donner l’adresse, dans la dernière livraison de la newsletter du Guide Lebey, une table clandestine, où, à six, pour un repas délicieux, avec une bouteille d’un rare château Simone blanc en AOC Palette, il aurait réglé une addition de 300 €, affirmant que c’était bien au dessous des plaisirs délivrés. Ces petits interdits là valent, danger de verbalisation inclus, tous les plaisirs retrouvés.
Michelin fait triompher la Suisse alémanique
Pour être promu au Michelin Suisse, mieux vaut parler allemand ou… italien, et opérer dans des palaces. La Suisse alémanique, en tout cas, se taille la part du lion, dans la dernière promotion digitale du guide 2021 annoncée mardi dernier. La nouveauté ? 4 deux étoiles supplémentaires – à Schwyz, Lucerne, St Moritz et Zurich, qui se taille la part du lion, avec également 4 promotions parmi les 16 nouveaux « une étoile ». Un palace comme le Grand Resort de Bad Ragz parvient ainsi à cumuler cinq étoiles (deux pour IGNIV d’Andreas Caminada, deux pour Memories et, désormais, une pour Verve by Sven). Lugano aligne, quant à elle, trois promotions à une étoile (le Relais & Châteaux Villa Principe Leopoldo qui retrouve la sienne, Il Due Sud au Splendide Hôtel et META). Quant à la Suisse romande, elle doit se contenter de la portion congrue avec seulement deux nouvelles étoiles, côté vaudois : la Table du Lausanne Palace de Franck Pelux et Sarah Benhamed, qui remplace la Table d’Edgar Bovier, parti au Roc à Rougemont, qui n’obtient, lui, qu’une assiette, et l’Atelier à Vevey de Jean-Sébastien Ribette et Sahondra Verdan qui y ont déménagé leur talent et leur étoile de la Veveyse de Saint-Légier. Le Valais, lui, perd son deux étoiles légendaire de Sierre, Didier de Courten, qui avait affirmé vouloir changer de cap, et l’étoile du Régence/Balavaud à Vétroz s’envole naturellement après le départ de Samuel Destaing. A Saint-Blaise, près de Neufchâtel, Claude Froté perd son étoile. On se demande bien pourquoi. De même que son voisin Marc Strebel de la Maison du village à Saint-Aubin. A Genève, le guide rouge prend acte de la fermeture du Fiskebar et de la Bottega. Et les promotions sont inexistantes. Philippe Chevrier à Satigny et Anne-Sophie Pic, excellents outsiders pour la 3e étoile, devront attendre. Pauvre Suisse romande!
Jeffrey Cagnes quitte Stohrer
Il sera resté quinze ans chez Stohrer, la plus ancienne pâtisserie de Paris, avec des allers/retours chez Jean-François Piège, époque Thoumieux, Yamazaki et Hédiard, Pascal Caffet dans sa ville natale, Troyes, mais aussi au Flandrin, puis chez Monsieur Bleu, pour les Malafosse et le Délicabar avec Sébastien Gaudard. Prince de la pavlova, expert en puits d’amour, baba ou saint-honoré, qu’il sait revisiter en version très vanillée, champion de la galette des rois, Jeffrey Cagnes, avait fait un essai raté, mal associé d’une maison à son enseigne – le Casse-Noisette, avenue de l’Opéra – devenue celle de Cédric Grolet. Jeffrey, qui vient d’avoir 35 ans et s’apprête à voir grandir sa famille (deux jumelles s’annoncent et son fils Noam a eu 7 ans le mois dernier), a décidé de faire une pause salutaire et de relancer ce qui ressemble à une carrière réussie. Il s’installera bientôt à Paris, seul, dans un lieu qui lui ressemblera où le classique revisité qui est sa marque, sera mis en exergue avec brio. En attendant, chez Stohrer, qu’il a quitté officiellement le 31 janvier, son équipe reste en place et il pourrait demeurer un consultant privilégié.
Quentin Lechat arrive au Royal-Monceau
Jusqu’ici les desserts du Royal Monceau étaient signés Pierre Hermé. Voilà désormais, un chef pâtissier à demeure en la personne de Quentin Lechat, 31 ans, ex étudiant en droit défroqué saisi par le démon de la pâtisserie, qu’on connut chez Oka, aux côtés de Raphaël Rego, passé au Royal Evian, et qui fit merveille au Novotel les Halles avec des créations détonantes, dont un flan vanillé au top du genre à Paris, sans omettre un paris-brest aux noisettes à fondre sur place et un chou café et pistache à se damner. Au Royal Monceau, où il s’apprête à revoir la pâtisserie des divers points de vente de la maison (le Bar, l’ex Cuisine devenue Matsuhisa, Il Carpaccio), il s’attelle à un fameux challenge : faire oublier l’immense marque Hermé et inventer une signature propre au Palace de l’avenue Hoche. Premier défi : rallier les amoureux de sucré et les amoureux tout court avec une jolie pâtisserie de la Saint-Valentin, le Pomelo’ve en forme de cœur, mariant pamplemousse rose, poudre d’amande, gingembre confit, graines de grenade, églantine, le tout saupoudré de poudre de framboise
Un Paris-Londres officiel chez Guy Savoy
Le « ¨Paris-Londres » ? Une tarte Tatin de pommes agrémentée d’une mousse au thé Darjeeling, entourée de pâte sucrée et décorée d’une chantilly vanille. Ce dessert, créé par Guillaume Godin chez Guy Savoy, a été choisi, parmi une vingtaine de propositions concurrentes, comme gâteau officiel par les ambassadeurs des deux pays concernés. Il deviendra un incontournable à la table de l’Ambassade française au Royaume-Uni et de l’Ambassade britannique à Paris. En novembre dernier, l’ambassadrice de France au Royaume-Uni, Catherine Colonna, a lancé l’initiative culinaire d’un « Paris-Londres », offrant la possibilité à des pâtissiers français ou britanniques de créer un dessert qui deviendrait, malgré le Brexit, le symbole gourmand de l’entente cordiale entre deux pays. Cette initiative a été inspirée par le célèbre « Paris-Brest », à l’origine une course cycliste entre deux villes françaises qui a donné naissance au dessert du même nom. « Chef pâtissier chez Guy Savoy, Guillaume Godin a brillamment réussi à marier les goûts et les cultures franco-britanniques en créant ce véritable pont entre Paris et Londres. Le choix a été difficile car beaucoup de chefs nous ont envoyé de remarquables créations mais celle-ci symbolise bien notre initiative gourmande, qui est aussi un clin d’œil pour montrer que le Royaume-Uni et la France restent proches et ont beaucoup à faire ensemble. Nous avions le Paris-Brest, longue vie au Paris-Londres, car les joies simples sont plus que jamais indispensables. » Pour l’ambassadeur du Royaume-Uni en France, Ed Llewellyn : « Nous avons été conquis par les saveurs de ce dessert incarnant si bien les liens entre nos deux pays, de chaque côté de la Manche. Nous nous réjouissons de nous être associés à cette excellente initiative nous permettant de continuer d’écrire l’histoire franco-britannique, sous un angle à la fois ludique et gastronomique »
Monaco paradis sur mesure
Monaco, un îlot de paradis? Pas tout à fait…Tout allait bien jusqu’ici pour la restauration monégasque qui pouvait ouvrir ses établissements normalement pendant que ceux de sa grande voisine française se morfondaient dans l’attente d’une hypothétique réouverture. Mais les choses ont commencé à changer le 9 janvier avec l’instauration d’un couvre-feu à dix-neuf heures. Les restaurants ne peuvent pas ouvrir le soir, ni recevoir en journée de la clientèle autre que celle résidant à Monaco ou dans ses hôtels ainsi que les personnes possédant une carte de travail de la Principauté. L’étau risque encore de se resserrer, car le taux d’incidence du virus annoncé vendredi dernier par le ministre d’État monégasque serait supérieur à 400 à Monaco, se rapprochant des 500 de celui de Nice. Des mesures drastiques seraient à l’étude, incluant confinement et télétravail. Pour l’heure, les Monégasques peuvent encore déjeuner dans leurs belles tables étoilées ou autres …
L’Italie reprend vie
Depuis le 1er février, l’Italie rouvre ses tables. La décision gouvernementale concerne les 3/4 du pays dont les grandes villes, Rome, Milan, Venise, Florence, Bologne ou Naples. Avec la possibilité d’accueillir jusqu’à 18h, quatre personnes par table maximum. A Milan, la réouverture est vécue comme une libération avec une ambiance joyeuse. « C‘est comme si on prenait l’air après avoir été emprisonné injustement durant trop longtemps« , affirme mi-rieur le patron du populaire Ristorantino della Carne. Mais la prudence est encore de mise, avec la multiplication sage des gestes barrières. Certaines grandes tables n’ont pas réouvert, comme au Dal Pescatore de Canneto-sul-Oglio des Santini près de Mantoue, où l’on attend que « la situation soit plus sûre dans tout le pays« , et où l’on crée un nouveau jardin de fruits …
Yannick Alléno à Monaco
On se souvient que Louis Starck, le directeur général de l’Hôtel Hermitage à Monaco, avait demandé à Yannick Alléno, après une première rencontre à Marrakech, d’installer son comptoir gastronomique « Pavyllon » réplique de celui du Pavillon Ledoyen lors d’un dîner à thème le 21 juillet dernier. Depuis, la rumeur bruissait que la venue de ce chef multi- étoilé (3 étoiles chez Ledoyen à Paris, 3 au Cheval Blanc à Courchevel, 2 à la Table de Pavie, désormais, à Saint-Emilion) pourrait se faire de manière plus durable. D’après nos informations confirmées par le Figaro de samedi, ce serait chose faite cette année malgré la pandémie. Le Vistamar, jusqu’ici gouverné par le seul Jean-Pierre Borro, qui a gardé l’étoilé au lieu, passerait sous pavillon Alléno.
L’énergie Geaam
Alan Geaam n’est jamais où l’on attend. Il bouge, change, avait jadis créé les deux AG le Bistrot, renouvelle sa taverne Nicolas Flamel au coeur du Marais, dont il doit confier les clés à un jeune chef en vogue qui pourrait être l’ex second de Sylvestre Wahid, Grégory Garimbay, met en relief sa table étoilée portant son nom rue Lauriston, tout en développant Qasti, son bistrot libanais doublé d’une épicerie. On le verra peut-être au sommet de l’INA, où il pourrait remplacer Guy Martin avec le groupe Silencio (il y est en concurrence avec Laurent de Gourcuff de Paris Society). En attendant, il nous bluffe en récréant la « street food » libanaise. Son tout neuf concept se nomme Saj, du nom du plat en tôle bombée sur laquelle se cuit le pain libanais, et avec lequel il cuit des galettes dites « saj », également, cousine des « calzone » italiennes en plus fines, qu’il farcit de choses exquises : zaatar (« manouché »), labneh, halloumi nature (superbe!) ou avec soujouk (saucisse épicée, également exquise), kefta (avec viande d’agneau épicée), mais aussi volaille en shawarma. On vous en parle vite…
A bas la triste et liberticide Macronie, et vive la libératrice gastronomie. Une révolution des chefs: quel panache ce se serait, et quelle empreinte dans nos livres d’histoire….
J’ai oublié de dire que j’ai 73 ans, que j’adore aller au restaurant et aux spectacles et que j’en ai « marre »
Tout à fait d’accord avec Yann. On a anxiogenise les français et on nous empêche de vivre. Il faut vivre avec cette nouvelle maladie !!
Espérons que le prochain pâtissier chez Stohrer saura apporter de la modernité à cette enseigne qui ne fait guère plus rêver que les touristes à la façon d’un Ladurée. Franchement qui s’émerveille encore de ces pâtisseries au même niveau que la moindre boulangerie de campagne (cf photo de l’article ou un récent passage au Galerie Lafayette Champs-Elysée)?
Bravo au commentaire de Yann. 100 % d’accord !
Cher Gilles, vous mettez tout le temps en avant le taux de contaminés. Il serait nettement moins anxiogène d’évoquer des taux de positivité à des tests, à 97% ces positifs sont asymptomatiques et ne sont donc pas des malades. Alors en ce qui concerne la dangerosité des restaurants et autres lieux collectifs…De l’enfumage médiatique. Travaillant en permanence avec les hôpitaux et les données chiffrées par les ARS, le constat est clair :le gouvernement fait passer des malades chroniques porteurs d’ALD ou en fin de vie pour des malades Covid. Et pour une raison simple car au cours de leur hospitalisation les test sont obligatoires et finissent quasiment positifs systématiquement. Ainsi Véran vous dira que c’est le Covid qui a déclenché l’hospitalisation or même sans ce fichu test le malade serait quand entré à l’hôpital. Le C19 n’est pas l’élément déclencheur de son entrée.