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Les chuchotis du lundi : le Michelin fait fort en Angleterre et s’annonce en Suisse, le cri du coeur de Vincent Lucas, Gwendal Poullennec répond à ses détracteurs, Elisabeth Debourse la bonne blague belge du Fooding, Nicolas Sale part, le Ritz continue

Article du 1 février 2021

Le Michelin fait fort en Angleterre

Hélène Darroze au Connaught © DR

2 nouvelles tables « trois étoiles », récompensant deux femmes (Clare Smyth, l’ex-cheffe de Gordon Ramsay, chez Core sur Kensington Road à Notting Hill, Hélène Darroze au Connaught, qui conserve donc une étoile d’avance sur Paris), trois nouveaux deux étoiles (Da Terra, mi-latino mi-italien de Bethnal Green, Andrew Wong, chinois de Victoria, Story, le créatif de Southwark), plus dix sept nouvelles « une étoile », avec quelques promotions, dont celle de Ahmet Dede d’origine turque, à Baltimore près de Cork, et Cail Bruich à Glasgow : le Michelin Grande-Bretagne et Irlande 2021  fait fort. Plutôt avare de trois étoiles (5 seulement jusqu’ici, trois à Londres, avec Alain Ducasse au Dorchester, Pierre Gagnaire au Sketch, Gordon Ramsay à Chelsea, et deux à Bray-on-Thames, Fat Duck et Waterside Inn) et de récompenses en général au pays de la verte Albion, le Michelin a voulu démontrer, repoussant sa parution de plusieurs semaines, se donnant seize mois d’enquête pour une édition purement digitale, en une année difficile où les restaurants n’étaient que très partiellement ouverts, qu’il pouvait dénicher de la nouveauté, jouer l’écolo de service (en important son « étoile verte » du développement durable au Royaume Uni) et surtout lancer une pierre dans le jardin de son concurrent anglo-saxon désormais quasi-muet les 50Best. Voilà, assurément, une belle victoire médiatique.

L’araignée façon txangurro d’H. Darroze au Connaught © Michelin

Le guide rouge s’annonce en Suisse

Anne-Sophie Pic © ASP

Ce mardi 2 février, Michelin annoncera sa nouvelle édition suisse de façon digitale, comme à Paris et à Londres. En revanche, il ne devrait pas y avoir d’édition Michelin imprimée sur papier en Suisse, ce qui est une bonne manière de répondre économiquement aux ventes relativement faibles du guide dans la confédération helvétique. On se souvient, en tout cas, que les deux précédents lancements de l’édition Suisse du guide rouge ont été opérés dans des lieux de prestige les deux années précédentes, à Lugano en 2020, à Lucerne en 2019. Cette année, si de nombreuses tables à Genève ont fermé, la suisse alémanique et les Grisons ont connut un relatif succès d’été. Et, du côté Lausanne, on s’attend à une nouvelle étoile pour Franck Pelux au Lausanne Palace, alors qu’Anne-Sophie Pic peut légitimement en espérer une 3e au Beau Rivage Palace. «Malgré une crise sans précédent pour le monde de la restauration, la scène culinaire Suisse a démontré un fort niveau d’engagement, d’énergie et de créativité. En gardant à l’esprit le niveau d’expertise de recommandation attendu par nos lecteurs, nos inspecteurs ont poursuivi intensément leurs visites aux restaurants et ont été très favorablement impressionnés par les propositions culinaires qu’ils ont pu découvrir » a indiqué Gwendal Poullennec, le directeur des guides toujours en mouvement.

Le cri du coeur de Vincent Lucas

Vincent Lucas © DR

On l’a connu jadis à Jausiers dans la vallée de l’Ubaye, retrouvé à Ste Sabine en Born, au coeur du Périgord, en 2008, juste avant que le Michelin ne l’étoile, dans un lieu solitaire, à la fois table gourmande et maison d’hôte où ce cuisinier volontiers rebelle affichait ses passions. Voilà que Vincent Lucas, chef/patron du restaurant Etincelles, fait partie, bien malgré lui, de la kyrielle de chefs rétrogradés en janvier 2021, sans être aucunement prévenu, ni averti de la chose. Il s’en expliqué en s’exprimant d’émouvante façon sur sa page Facebook, puis sur le site de notre confrère, les Nouvelles Gastronomiques, réclamant davantage d’humanité de la part du guide rouge. On lui cède la parole et on l’écoute. « Il existe des instants magiques et d’autres qui vous terrassent. La lumière qui vous éclaire, peut griller d’un seul coup, sans vous prévenir. On pleure à s’en déchirer la poitrine. Le guide rouge n’a aucune pitié. J’aurai apprécié qu’ils me disent « attention…» quand ils m’ont appelé en septembre 2020, pour réactualiser mes horaires d’ouverture. Non, rien, le silence. Je l’ai appris par un journaliste le 18 janvier à 13h. J’ai pleuré pendant 4 jours, me demandant combien de fois j’avais pleuré ainsi dans ma vie ? Au décès de ma maman quand j’avais 14 ans. C’est l’effet que ça m’a fait!  Un décès, un deuil, une douleur totale qui vous paralyse et vous met hors d’état pendant plusieurs jours. J’étais malade, mon mental et mon corps ont lâché, avec des maux de tête, des douleurs au ventre et aux dents, je me suis vidé. Ce Graal inconscient a provoqué une destruction totale de mon être intérieur avec des réactions post-traumatiques. L’influence du guide Michelin est dévastatrice sur les chefs. Il faut le savoir ! Le directeur doit le savoir. Le guide a  créé un système qui t’enferme dans un couloir, dont tu ne peux sortir. C’est la ligne verte et quand la distinction tombe, c’est la « mort ». Un chef fragile peut passer à l’acte. Ce que nous ressentons est violent. On oublie cependant que derrière une étoile, il y a toujours un cœur qui bat, des cœurs qui battent quand on pense aux familles, aux équipes » (…).

Gwendal Poullennec répond à ses détracteurs

Gwendal Poulllennec © DR

Dans la prochaine livraison du magazine « le Chef », à paraître le 6 février, Gwendal Poullennec, le directeur international des guides Michelin, répond avec franchise à ceux qui s’interrogent sur le fait d’avoir publié un guide en temps de pandémie et de fermeture des restaurants. Et également à ceux qui lui reprochent d’avoir opéré de nombreuses rétrogradations dans son édition 2021. Voici un extrait de son interview : « Avez-vous envisagé de ne pas révéler de sélection en 2021 compte tenu du contexte sanitaire ? Nous nous sommes évidemment posé la question, mais, dès le premier confinement, nous nous sommes dit qu’il fallait tenir nos rendez-vous. Et nous savions que la situation était compliquée, au regard de ce qui se passait pour nos équipes en Asie. Nous avions déjà commencé les essais de table avant le confinement et la réouverture des établissements en juin a rendu cette sélection faisable. (…..)  Dans le même temps, cette édition comprend 18 rétrogradations. Dans ce contexte, beaucoup estiment qu’il s’agit d’une double peine. Pourquoi ne pas avoir décidé d’une année blanche pour les pertes d’étoiles ? C’est une sélection à part entière et aucune décision n’est prise à la légère. Si nous avions décidé que cette année, vu le contexte, nous gardions les mêmes étoiles sans toucher à rien, nos recommandations auraient perdu de la valeur. La question de faire ou pas des rétrogradations s’est posée. Puis nous nous sommes demandé quel serait le sens de cette sélection si elle n’était pas vraiment mise à jour. Ces rétrogradations résultent d’essais de tables inscrits dans la durée, qui ont souvent eu lieu avant le premier confinement et ont été confirmés après. (…) Nous avons conscience que cela peut être dur mais dans les faits, afin de soutenir la profession sur le long terme, il fallait faire notre métier sérieusement et jusqu’au bout. (….) C’est ce que nous avons fait dans tous les pays, il n’y avait aucune raison de faire une exception française.

Elisabeth Debourse la bonne blague belge du Fooding

Elisabeth Debourse © ED

Incollable sur la gaufre de Liège, sur les croquettes de crevettes de Bruxelles, comme sur les lieux « où les politiciens belges s’en mettent plein la panse« , Elisabeth Debourse va traverser la frontière franco-belge pour prendre en main la rédaction en chef du Fooding, qui, après le départ annoncé d’Alexandre Cammas et Marine Bidaud, cherchait une nouvelle tête chercheuse. Collaboratrice de Vice, de Ca nous goûte  (petit frère belge,surtout pour la mise en page, du Fooding) ainsi que du Elle belge, cette jeune femme talentueuse et drôle (son article sur le sniffage d’un rail de chocolat au restaurant bruxellois Osteria Romana vaut son pesant de cacao au gingembre) mêle avec malice amour de la gourmandise et préhension de l’air du temps. Dans l’une des livraisons de sa newsletter Mordant (où elle vient d’annoncer son passage au Fooding), elle livre sa conception d’un « nouveau journalisme culinaire » riche en espoirs d’une nouvelle vie poétique et iodée. « Je crève d’océan. D’iode piquant et de chair tendre : de sucer la carcasse d’une langoustine face à la mer. Ça me prend parfois, cette envie marine, alors même que j’ai grandi en bord de ville. Ça vient quand j’ai l’horizon trop hachuré d’immeubles et d’incertitudes, par vagues de désir d’huîtres, de bulots mayonnaise, de croquettes de crevettes, de couteaux, de calamars au barbecue, de tartare de saumon, de sole, de rouget, d’éperlans frits. De sel humide et de peau qui colle. » Voilà qui promet de belles défonces gourmandes pour le nouveau Fooding à venir.

Nicolas Sale part, le Ritz continue

Nicolas Sale © Maurice Rougemont

Le bruit courait depuis quelques mois: partira-t-il? Partira-t-il pas? La conjoncture a fini par avoir raison de la collaboration entre Nicolas Sale et le Ritz. Ce dernier a annoncé le départ de son chef depuis six ans salué pour ses deux étoiles, son titre de chef de l’année, qui avait réussi à maintenir le standing gourmand de l’établissement. Dès sa réouverture, après quatre ans de travaux, le palace de la place Vendôme obtenait, sous la houlette de l’ex chef du Kilimandjaro à Courchevel, des Pêcheurs à Antibes, du Castellet au Beausset et du M au Hyatt Madeleine, trois étoiles : deux à l’Espadon, ouvert le soir seulement, une au Jardin ouvert au déjeuner. Dans le dernier guide Michelin, paru le 18 janvier, l’Espadon gardait ses deux macarons, tandis que le guide rouge prenait acte de la nouvelle situation du palace, supprimant le Jardin qui n’allait pas réouvrir. Nicolas Sale, qui quittera officiellement le palace mythique le 31 mars, doit se consacrer « à un projet personnel » qui n’est pas encore défini, alors que Marc Raffray, l’actuel DG, que l’on connut auparavant au Crillon, est en recherche d’une « pointure » destinée à conserver son rang à l’Espadon. De son côté, la sommelière Estelle Touzet est discrètement partie, en septembre, pour se consacrer à sa vie familiale et faire du consulting. Elle est remplacée par son adjoint Victor Gonzalez.

 

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  • Cassandra

    Apparemment, personne ne lit le New York Times :

    https://www.nytimes.com/2020/11/24/dining/zagat-michelin-coronavirus.html

    “We’ve postponed the New York guide until there’s a recovery,” Gwendal Poullennec, the international director of the Michelin Guides, said in a recent phone conversation. “Ratings are not appropriate when so many restaurants are closed.”

    « Nous avons reporté le guide de New York jusqu’à ce qu’il y ait une reprise », a déclaré Gwendal Poullennec, le directeur international des guides Michelin, lors d’une récente conversation téléphonique. « Les classements ne sont pas appropriés quand tant de restaurants sont fermés ».

    Deux poids, deux mesures…

  • Berguing

    Très intéressant je connais de plus près la décision du guide Michelin de donner un classement cette année

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