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Les chuchotis du lundi : un Michelin époque Covid, la 2e mort de Joël Robuchon, Olivier Nasti l’oublié, Sébastien Sanjou étoilé mystère à Paris, ONA 1er vegan étoilé, Mory Sacko la nouvelle star, Frédéric Calmels aubergiste chic à Cheverny

Article du 25 janvier 2021

Un Michelin époque Covid

« C’est une décision importante pour soutenir la profession malgré le contexte et peut-être en raison même du contexte. Il était nécessaire de maintenir cette annonce », a déclaré le directeur du guide rouge, Gwendal Poullennec, pourtant peu réputé pour son sens de l’humour. Comme le font remarquer  nos lecteurs, le bilan du Michelin 2021, annoncé lundi dernier en pleine période de « semi-confinement » alors que les restaurants sont fermés et ne sont pas prêts de réouvrir (on parle toujours de fin avril, mais ce ne serait qu’en terrasse), ne se réduit pas seulement aux 57 nouvelles étoiles, dont les trois du bienheureux Alexandre Mazzia à Marseille, les deux d’Hélène Darroze qui accomplit son retour dans la cour des grands, rue d’Assas à Paris, sous l’enseigne de « Marsan », et de Christelle et Cédric Deckert, jeunes anciens de l’Arnsbourg, à la Merise de Laubach. Mais aussi aux 46 étoiles envolées, dont 13 fermetures, 5 changements de concept et 38 établissements dégradés. On pense notamment à Une Table au Sud à Marseille, à la maison Prévôt à Cavaillon, les Pyrénées des Arrrambide à Saint-Jean-Pied-de-Port Le Palégrié à Corrençon-en-Vercors et à la Matelote à Boulogne-sur-Mer, à la Poule au Pot de Jean-François Piège à Paris 1er, Penati Al Baretto à Paris 8e ou encore au Châteaubriant d’Inaki Aizpitarte à Paris 11e, sans omettre le très régulier Saint-Martin à Montbéliard qui ne semblaient guère mériter une telle indignité. Quant à la suppression pure et simple de l’Astrance, transférée de la rue Beethoven à la rue de Longchamp dans le 16e parisien, où Pascal Barbot et Christophe Rohat ont annoncé leur réouverture prochaine dans l’ancienne maison historique de Joël Robuchon, elle échappe à toute logique. A l’inverse, l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion, qui change de nom et de chef (Ronan Kervarrec parti en Bretagne, qui ne retrouve aucune de ses étoiles au Saisons de Saint-Grégoire, remplacé par une équipe mise en place par Yannick Alléno) garde ses deux étoiles. Allez chercher une ligne de conduite sérieuse dans tout cela! Beaucoup de chroniqueurs se sont d’ailleurs interrogés sur la pertinence d’une telle sélection doublée d’une réelle sévérité. Pour Olivier Poels, sur Europe 1, c’est, tout simplement, une honte. Pour Vincent Ferniot, qui s’écrie sur son compte instagram, « Bibendum, tu déconnes« , c’est à la fois « honteux et peu généreux« . Bref, comme le fait remarquer avec sobriété mais justesse, notre confrère Stéphane Durand-Souffland du Figaro, « la sélection du Michelin 2021 est faussement bienveillante« .

La 2e mort de Joël Robuchon

Joël Robuchon à l’Atelier à l’Etoile en 2011 © Maurice Rougemont`

En 2019, elle « dégommait » l’Auberge de l’Ill des Haeberlin à Illhaeusern et Marc Veyrat à Manigod. En 2020, c’était au tour de Paul Bocuse à Collonges-au-Mont-d’Or. En 2021, voilà qu’elle s’en prend  à Joël Robuchon. A l’évidence, la nouvelle équipe du Michelin n’aime guère les icônes de la cuisine française. Déboulonner les idoles fait partie de sa nouvelle politique. Si aucun trois étoiles n’a chuté cette année, alors que beaucoup d’entre eux sont fermées depuis mars dernier, notamment à Paris, les deux ateliers signés Joël Robuchon ont en tout cas perdu leur seconde étoile, menés l’un par Axel Manès dans le 7e à Paris, l’autre par le MOF Eric Bouchenoire et le chef à demeure Thierry Karakachian dans le 8e. Alors que la formule rodée ici et là avec les grands classiques robuchoniens, comme la gelée de chou-fleur au caviar ou la légendaire purée de pommes de terre avec les émouvantes petites côtes d’agneau fondantes et croustillantes, figurent toujours au menu. On ajoutera que la table Joël Robuchon/Dassaï, rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris, où officie l’excellent Fabien François, ancien du Château de Montreuil à Montreuil-sur-Mer et du Waterside Inn, le trois étoiles des Roux de Bray-on-Thames, piétine toujours aux portes de l’étoile, tandis que l’ex-table de Joël Robuchon au Métropole de Monaco devenue plus prosaïquement Table du Métropole sous la houlette du fidèle disciple du maître Christophe Cussac a, elle, perdu carrément ses deux étoiles, pour cause de … travaux. A l’évidence, l’ami Joël doit se retourner dans sa tombe…

Olivier Nasti l’oublié

Olivier Nasti © GP`

On attendait Nasti. Ce fut Mazzia. Loin de nous l’idée de contester la promotion du bel Alexandre qui, dans sa table dédiée à une vingtaine de couverts tout au plus, sise à Marseille au 9 rue François Rocca, fait des étincelles permanentes. Mais les deux étoiles acquises en 2019 paraissaient encore toutes fraîches et un peu récentes. Michelin nous avait habitué jusqu’ici à davantage de patience. A ce compte là, David Toutain, Christophe Pelé, sans omettre Jean-François Piège à Paris, auraient pu y prétendre avec plus d’évidence. Mais le lauréat idéal d’une année difficile où l’Alsace a été à l’honneur – la première visite de Gwendal Poullennec à l’issue du déconfinement fut pour Obernai et l’Alsace en général, cinq nouvelles étoiles y ont été décernées cette année (une 2e à la Merise, mais aussi une pour le Crocodile, Guillaume Scheer, Ludovic Kientz et Gilles Leininger, déjà cités la semaine passée), c’était, bien sûr, Olivier Nasti. Le MOF du Chambard à Kaysersberg a, depuis trois ans, chamboulé sa table, sa déco, ses fournisseurs et son style. Il fut le premier aussi, parmi les grands chefs, à jouer le click & collect, façon click & drive. Son travail sur le foie gras, les grenouilles, les gibiers, le chocolat, le pose, en outre, en maestro du genre.  De plus, depuis la perte de la 3e étoile de Marc Haeberlin à l’Auberge de l’Ill, l’Alsace n’a plus de trois étoiles, elle qui y en possédait trois il n’y a guère longtemps (le Buerehiesel, le Crocodile, l’Auberge de l’Ill, sans omettre l’Arnsbourg sur ses marges lorraines). Parmi les outsiders alsaciens, Nicolas Stamm à Obernai (la Fourchette des Ducs) et Jean-Georges Klein (la Villa Lalique) figurent également aux avant postes, comme Eric Westermann à Strabsourg. Mais les raisons du Michelin, on le sait, défient souvent l’entendement commun.

Sébastien Sanjou, étoilé mystère à Paris

Sébastien Sanjou © DR

Le trente-trois est l’étoile mystère à Paris cette année. Tandis que des maisons voisines et très remarquées depuis plus d’un an, comme Substance rue de Chaillot et Contraste rue d’Anjou, piétinent toujours aux portes de l’étoile, elle l’a obtenue en un temps éclair (moins d’un 1 mois et demi!). Il est vrai que le chef maison se nomme Sébastien Sanjou. Ce dernier n’est pas un inconnu pour ceux qui, comme nous, suivent de longue date ce Tarbais rallié à la Côte d’Azur qui trône, avec sa splendide terrasse, en son Relais des Moines d’Arcs-sur-Argens, et conseille la Voile d’Or de Saint-Jean Cap Ferrat. Cette dernière maison mythique de la Côte (Hitchcock s’en est inspiré pour la Main au Collet) a été rachetée par le groupe chypriote, Wainbridge, également propriétaire de l’hôtel particulier Villeroy. Celui-ci se trouve au 33 rue Jean Goujon, à Paris 8e, près des Champs-Elysées. D’où le nom de sa table dont Sébastien Sanjou qui, tout en veillant sur sa propre maison azuréenne, a la charge – il est présent à Paris les lundi et mardi, quand son Relais des Moines est fermé. La demeure, réservée jusqu’ici aux membres exclusifs d’un club, est ouvert depuis le 15 septembre dernier à la clientèle extérieure. Et, même si elle a fermé, comme toutes les tables parisiennes et hexagonales, le 29 octobre au soir, elle a réussi à gagner une étoile au Michelin 2021. Une prouesse qui laisse pantois…

Le 33 © DR

ONA 1er vegan étoilé

Claire Vallée avec la sommelière Cindy Pothin et son adjointe Nathalie Jacquemin © GP

« Voilà une archéologue du goût végan qui mérite vite la découverte!« , écrivions-nous en 2018. Le Michelin 2021 nous a écouté et « ONA » (comprendre: origine non animale) devient la première table vegan étoilée. Le cheffe/patronne, Claire Vallée native de Nancy, établie en Gironde depuis cinq ans, a créé, en 2016, la perle légumière et végétale du Bassin d’Arcachon. Cette diplômée en archéologie, titulaire d’un doctorat de 3e cycle, a envoyé ses études par dessus les moulins pour embrasser la carrière de cuisinière. Elle a travaillé huit ans à Crans-Montana dans le Valais, puis un an en Thaïlande, avant d’ouvrir à Arès, avec une mini équipe motivée. Claire Vallée s’amuse à inverser l’ordre des plats, à bousculer sucré et salé, à jouer le trompe-l’oeil, avec des couleurs et des formes qui figurent des doubles presque parfaits. Des exemples de ses instants magiques distillés en séquences séductrices, vives et légères? Crème d’asperge au curcuma, merguez végétale avec poudre de chou fleur et  labné aux herbes ou encore fromage végétal aux graines de lupin et aux deux poivres, avec sa confiture de courge Butternut et coing, plus tapenade d’algues: simplement bluffant! Et savoureux, avec ça… Cette Majax vegan est bien une illusionniste du goût bio.

Fromage végétal aux graines de lupin et deux poivres, confiture butternut et coing © GP

Mory Sacko, la nouvelle star

Mory Sacko © GP

Un membre du jury et trois anciens candidats de « Top Chef » qui gagnent une étoile: autant dire que la nouvelle direction Michelin et les inspecteurs ne sont pas indifférents à l’émission de télé-réalité culinaire de M6. Si Hélène Darroze regagne une seconde étoile (celle qu’elle eut jadis rue d’Assas, celle qu’elle possède depuis plusieurs années au Connaught à Londres), trois anciens candidats décrochent eux une étoile : Coline Faulquier, finaliste en 2016, à l’enseigne de Signature à Marseille, Baptiste Renouard, ancien de chez Robuchon, Nomicos, Alléno, Pegouret et Jacques Faussat, candidat en 2020, chez Ochre à Rueil-Malmaison, enfin, last but not least, Mory Sacko, révélation de la 11e saison et ancien de Thierry Marx au Mandarin Oriental, qui a ouvert Mosuké, en hommage au seul samouraï d’origine africaine, en septembre, décroche en sus le titre de « jeune chef de l’année ». A son propos, nous écrivions en octobre dernier : « Mory Sacko, 28 ans, deux mètres de haut, mince comme une nouille soba, une énergie formidable et un sourire à couper au couteau s’est investi tout entier dans cette aventure personnelle et gourmande et c’est une réussite totale.  » Sa fine cuisine, qui mixe les saveurs du Japon et de l’Afrique Noire, dans un cadre plein de gaîté, avec un labo de cuisine apparente, et sa forte personnalité qui provoque aussi l’empathie en font la nouvelle star du moment à Paris. Sa récente prestation télévisée chez Yann Barthès, mardi soir dernier, en offre la franche illustration.

Frédéric Calmels à Cheverny

Frédéric Calmels © DR

Il est né dans l’Aveyron, a suivi le cursus de l’école hôtelière de Saint-Chély-d’Apcher, a fait ses premières armes à Toulouse au Pastel, chez Gérard Garrigues, avant de rejoindre les grandes tables parisiennes, chez Alain Senderens au Lucas-Carton, à la Table du Lancaster et à la Tour d’Argent, puis de travailler sept ans durant au côtés de Jérôme Banctel à la Réserve de Paris, comme chef-adjoint au Gabriel, et  comme chef exécutif à la Réserve de Genève. Il est désormais le chef des Sources de Cheverny, filiale, en Sologne, des Sources de Caudalie  des Cathiard-Tourbier, dédiée au bien-être, aux soins par les pépins de raisins et à à la gourmandise, qui a ouvert ses portes en septembre dernier. Frédéric Calmels y est en charge des deux tables de l’établissement : « l’Auberge » qui vient de recevoir un bib gourmand au Michelin et « le Favori », la table gastronomique, qui devrait ouvrir au printemps prochain.

A propos de cet article

Publié le 25 janvier 2021 par

Les chuchotis du lundi : un Michelin époque Covid, la 2e mort de Joël Robuchon, Olivier Nasti l’oublié, Sébastien Sanjou étoilé mystère à Paris, ONA 1er vegan étoilé, Mory Sacko la nouvelle star, Frédéric Calmels aubergiste chic à Cheverny” : 1 avis

  • Corbasson

    Franchement vous étiez allé ces dernières années chez Paul Bocuse? Une catastrophe ! Sa troisième étoile aurait due lui être enlevée depuis longtemps, n’était sa légende.

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