Les Fenouillard de Yasmina Reza

Article du 19 janvier 2021

Les Popper ? La famille de Serge, de son cadet Jean, de sa sœur Nana. La mère, Marta, qui vient de disparaître, les renvoie à eux mêmes. Jean raconte, leurs enfants se révoltent, Nana renâcle, Serge, lui, râle, se rebiffe. Pour cette tribu de juifs ashkénazes d’origine hongroise, le mal-être est une manière de fonctionner ensemble, avec les autres ou sans eux. Le révélateur, qui occupe un pan important du livre? Leur voyage à « Oswiecim, Pologne« , comprenez le camp d’Auschwitz-Birkenau, organisé par la fille de Serge, qui embarque tout le monde, tandis que son père traîne la patte, refuse de jouer la vie de groupe, de se fondre dans le mouvement, exacerbant les dysfonctions, provoquant les engueulades, les reproches d’égoïsme et d’égocentrisme.

Dans ce livre dense, riche, fouillé, ce périple apparaît comme une césure, picaresque, drôlatique, sardonique, façon « les Fenouillard à Auschwitz« . La dramaturge de « Art » et « Conservations après un enterrement » s’y révèle au meilleur d’elle-même, taillant dans le vif, se moquant de personnages qui lui ressemblent. Et de cette répulsion/attraction qui fait de « Serge » une réussite satirique. Lorsque le héros éponyme du livre déniche pour son  neveu, le fils de Jean, apprenti-chef déjà ambitieux, un stage de cuisinier dans un palace suisse, il s’y accroche, y revient, s’énerve, s’agite, trépigne, tandis que le neveu se moque, que la famille se rebiffe. On se souvient dans le même esprit du « Dieu du Carnage » qui permit à Polanski de réaliser « Carnage » ou les vertus de la scène de ménage croisée.

Tout l’art de Yasmina Reza est bien dans cette façon de créer l’agacement, d’y revenir sans cesse, de l’exacerber avec brio.  Du mal-être comme un des beaux arts…

Serge de Yasmina Reza (Flammarion, 240 pages, 20,00 €)

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Publié le 19 janvier 2021 par

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