Le K.Ré

Notre ami Thierry Kasprowicz, qui publie chaque année le Guide Kaspro, en l’île de la Réunion, a attribué la note de deux vanilles et le titre de « entrée de année »  à Wilfrid Lebon. Il nous en parle…

Wilfrid Lebon © TK

C’est « k-rément » l’ouverture de l’année 2020 à Saint-Denis. La table est signée Wilfrid Lebon revenu sur son île natale il y a dix ans. À 38 ans, ce chef intrépide aux allures de bad boy, a déjà bourlingué comme mercenaire de charme pour de grands noms de la gastronomie française, tels Alain Ducasse, les jumeaux Pourcel, Guy Savoy ou encore Patrick Lenôtre, son mentor. Son restaurant Passion Libre (P.L. comme Patrick Lenôtre), rue Gounod à Saint-Denis, était d’ailleurs un clin d’œil à son modèle, à son retour sur l’île. Après avoir été ou être encore, pizzaiolo, chef itinérant pour différentes adresses à Saint-Denis, cuisinier couteau suisse, charcutier de secours ou encore distillateur passionné,  Wilfrid Lebon a retrouvé les fourneaux en solo en reprenant, au déconfinement, le K.Ré.

Burrata et tomates anciennes © TK

Dans cette neuve adresse, Wilfrid Lebon reste fidèle à ses convictions et à son approche de la cuisine. « Du goût, du goût et surtout du goût » assure-t-il, comme pour plagier feu-Bernard Loiseau. Au K-Ré, au déjeuner comme au dîner, les plats changent quotidiennement. Les matières premières qui viennent d’ailleurs et d’ici sont sublimées par un cuisinier de l’instant qui les transforme avec grâce et justesse. Ce n’est pas uniquement le palais qui est flatté, l’œil, le nez aussi… Le terme de bistronomie, tant de fois galvaudé, prend là tout son sens. C’est habilement maîtrisé, sans en faire des caisses, comme si ce chef en gardait sous le capot.

Chartreuse de crevettes sauvages © TK

Une cuisine tendre est distillée au K-Ré, non dénuée de caractère comme ce « simple » carpaccio de tomates anciennes avec une burrata ou encore une caillette de tartare de crevettes impériales de La Réunion lové dans des tranches d’ananas Victoria et de concombre. En plats, un agneau de Sisteron servi rosé, condiment figues, avec des légumes justes croquants ou un dos de cabillaud nacré, s’effilochant à la fourchette, accompagné d’une brunoise de chorizo et de cocos de Paimpol al dente, font plaisir. On peut parler là de respect des produits. Les jus, émulsions et assaisonnements lient avec précision les produits phares aux autres éléments de l’assiette. Desserts également à la hauteur avec cette fondante et gourmande crème brûlée infusée au thé Mariage Frères, rafraîchie de suprêmes de pomelos, ou cette poignée de fruits rouges et noirs,  avec sorbet sur un crumble. Terrasse et salle intérieure coquette avec nappage et serviette en coton. La cuisine d’auteur de ce chef mériterait des vins plus raccord…

Agneau de Sisteron © TK

Comme le chef Wilfrid Lebon est un homme hyperactif qui ne fait que ce qu’il aime, il faut actuellement et activement se précipiter au K-Ré à Saint-Denis pour (re) découvrir l’étendue de son talent. Il pourrait, si l’envie lui chante, éteindre ses fourneaux rien que pour son plaisir… et nous laisser sur notre faim ou fin, c’est selon…

Crème brûlée infusée au thé © TK