On adore Jeffrey Cagnes et on révère Stohrer. Le premier est un jeune pâtisser dans le vent de l’époque qui a su ne jamais céder aux sirènes de la mode. La seconde est une maison pâtissière créée en 1730 par Nicolas Stohrer, ex pâtissier du roi Stanisas, duc de Lorraine, souverain de Pologne en exil, à qui on doit, au moins, l’invention du baba au rhum (« baba« : vieille femme en polonais – « c’est Ali Baba au rhum« , s’exclamait Stanislas en arrosant son kougelhopf  de rhum- nom que Stohrer, débarquant à Paris, raccourcit en « baba au rhum« ), mais aussi le baptême de la madeleine de Commercy et la promotion de la bergamote de Nancy.

Jeffrey, formé chez Stohrer, ayant voyagé, passé notamment chez Jean-François Piège, a tout pigé de l’esprit Stohrer, vantant le baba comme le puits d’amour, le saint-honoré très vanillé comme les babkas, retour d’un voyage en Israël, les éclairs, les pavlovas, les mille-feuille et la galette des rois à l’ancienne, c’est à dire avec son feuilletage au beurre et sa frangipane, indique ici qu’il sait tout faire. Les Dolfi de la Mère de Famille, qui collectionnent les enseignes pâtissières fameuses comme d’autres les voitures de collection, lui font une confiance totale et ils ont bien raison.

Tout ce qu’on aime, qu’on croque des yeux, des dents et du coeur, se retrouve dans ce livre. Une bûche à la vanille, un mille-feuille à la réglisse et un puits d’amour à la groseille indiquent que Jeffrey et Stohrer savent évoluer. Mais avec lenteur, science et intelligence, plus un formidable sens du goût. Voilà un livre à offrir à tout bec sucré qui se respecte.

Le livre de pâtisserie Stohrer de Jeffrey Cagnes, photos Martin Bruno et Alexandre Guirkinger (Chêne, 178 pages, 35 €.)