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Les chuchotis du lundi : Guy Savoy remet le couvert, le coup de colère d’Olivier Bertrand, les stations de ski se rebiffent, la leçon de vie de Thierry Marx, l’hommage gourmand à VGE, Hélène Pietrini passe à la Liste, Emmanuel Rubin sceptique sur l’avenir du Fooding, Jean-François Hesse poursuit sa cheese-week

Article du 7 décembre 2020

Guy Savoy remet le couvert

Guy Savoy © Maurice Rougemont

Il a signé l’appel des chefs, paru la semaine passée dans le Figaro, destiné à réveiller le gouvernement et le président de la République face à la situation dramatique des restaurants en France aujourd’hui. Voilà qu’il en remet une couche dans le dernier numéro d’Opinion Internationale, expliquant son incompréhension et assénant quelques vérités de bon sens. « Emmanuel Macron s’appuie sur une seule étude établie aux Etats-Unis lors du premier confinement pour maintenir encore et encore la fermeture de tous les restaurants ! Une seule étude, venue d’ailleurs de surcroît. Alors que l’on sait que de nombreuses études ont été invalidées ensuite par d’autres revues scientifiques », note-t-il, ajoutant: « Chaque établissement est différent. Chez moi, mais aussi très souvent en province (mes confrères de province disposent de salles vastes comme des cathédrales), les clients ne se croisent jamais, les tables sont grandes. Si j’avais scrupuleusement respecté les jauges imposées administrativement, j’aurais dû rajouter des tables ! » Expliquant que les mesures d’hygiène chez lui n’ont jamais été aussi nombreuses, précises et, semble-t-il, d’une efficacité sans faille – aucun cas de Covid n’a pu être décelé dans ses équipes, avec notamment un vestiaire en sous sol nettoyé avec soin et des projections d’ozone ciblées, il relève : « On nous a fermés, puis réouverts, puis imposé le couvre-feu, puis à nouveau fermés ! Cherchez la logique. Quand on se trouve face à Ubu, cela devient difficile. » Son combat? Il passe aussi par l’aide aux producteurs. Ainsi avec sa filière volaille menacée : « Il n’est pas question d’abandonner nos fournisseurs, de grands professionnels. Je me limiterai à un exemple : mon producteur de volailles de Bresse, Michel Temporal à Pont-de-Vaux, habituellement, je lui en commande cent. Là, pour le sauver – il faut employer ces mots ! sauver ! il est au bord du désespoir – je lui en prends la moitié, sans même être certain de pouvoir les vendre. Nous en sommes là ! »

Le coup de colère d’Olivier Bertrand

Olivier Bertrand sur France-Info © FI

Comme Guy Savoy, il a signé l’appel des chefs et des restaurateurs l’autre semaine dans le Figaro. Mais contrairement à ce dernier il ne gère pas une table trois étoiles, une table étoilée et deux bistrots satellites, mais bien un empire qui mixte à la fois des brasseries mythiques (de la Coupole à Lipp, de Bofinger au Procope, sans oublier la Lorraine et le Vaudeville), plus une flopée de tables dédiées à la restauration rapide, de Burger King à Léon de Bruxelles, bref près de mille établissements. Fort discret jusqu’ici dans les médias, Olivier Bertrand est désormais sur tous les fronts. Il se confiait la semaine passée à notre consoeur Avec des protocoles stricts, on serait en capacité d’ouvrir nos restaurants », assure-t-il, en ajoutant« on a vraiment l’impression que le pays est gouverné par des médecins et que c’est le plus pessimiste qui remporte la décision ». C’est le coup de colère d’un homme sage que la crise oblige à sortir de sa traditionnelle zone de confort. Et qui le fait pour le bien de toute la profession.

Les stations de ski se rebiffent

L’Apaga © DR

Elles manifestent (100 personnes à Megève sur la grand-place du village, 1000 la semaine passée à Chambéry) pour la réouverture pleine et entière de leurs remontées, elles déposent un référé devant le Conseil d’Etat, associant 6 régions et 16 départements – dont Savoie et Haute-Savoie au premier chef – pour obtenir le droit d’accéder aux remontées mécaniques. Le décret tombé samedi soir fait état de quelques exceptions à l’interdiction:  pour « les professionnels dans l’exercice de leur activité« , c’est-à-dire pour le personnel d’exploitation, services de secours et moniteurs, pour des formations. Autre exception:  pour les sportifs de compétition ou en formation, et pour « les pratiquants mineurs licenciés au sein d’une association sportive affiliée à la Fédération française de ski« . Si la date précise de réouverture des remontées mécaniques pour tous devrait être annoncée vendredi 11 décembre (impossible de pratiquer actuellement le ski alpin, le snowboard, le speed riding ou le parapente), toutes les activités nordiques (donc le ski de fond, les balades à raquette ou pédestres, les chiens de traineaux, le fat bike sur neige, le trail, le luge, ski de piste) ainsi que les patinoires seront autorisées. Les autorités administratives des stations travaillent également avec les écoles de ski à l’ouverture des jardins d’enfants pour les fêtes de fin d’année pour proposer aux enfants (4 à 6 ans) un premier contact avec la glisse (club Piou Piou des ESF). Les pros de la montagne, eux, restent suspendus à la décision du Conseil d’état et aux probables précisions sur les activités possibles pour les encadrants auxquelles le gouvernement travaille et dont les réponses devraient être dévoilées vendredi prochain. De grandes tables seront en  tout cas ouvertes … en chambres, comme celle, lauréée de trois étoiles de René et Maxime Meilleur à la Bouitte de Saint-Martin-de-Belleville. Ou encore celle, couronnée de deux étoiles, d’Anthony Bisquerra à l’Alpaga de Megève et celle, trois étoiles, des Flocons d’Emmanuel Renaut également à Megève, qui tous deux ouvriront le 18 décembre.

Service à l’Alpaga © DR

La leçon de vie de Thierry Marx

Il n’est pas un cuisinier comme les autres. Thierry Marx ne se contente pas de jouer le chef médiatique et multi-étoilé. S’il donne l’impression de se disperser, voire de s’éparpiller, c’est qu’il se dépense au service des déshérités, réfléchit, écrit, tire leçon de ses expériences. Bonnes ou mauvaises. Au Japon, un associé prend le prétexte du Covid 19 pour interrompre leur affaire commune en lui renvoyant ses deux vestes… plus une note de blanchissage de 12 €. Il ne s’en émeut pas, ni ne s’en formalise. Mais en retire une sagesse de plus. De l’Australie, où il comprit son amour pour la cuisine, à Ménilmontant, qui berça son enfance, jusqu’aux beaux quartiers, où il exerce son métier, il revient sur son parcours, ses engagements, ses passions. Ce qui l’anime. Son dernier ouvrage, avec son titre en forme d’aphorisme (« Celui qui ne combat pas a déjà perdu« ), livre une palette de leçons de vie.. En cette période de pandémie – alors que « la vie s’est arrêtée comme un train entre deux gares » -, il nous rappelle que rien n’est jamais perdu pour celui qui avance. « La vie, conclue-t-il avec optimisme, a un bel avenir ».

L’hommage gourmand à VGE

La soupe aux trufffes VGE © Maurice Rougemont

Il a été l’homme de la modernité, celui du vote dès 18 ans, de l’IVG, du programme Ariane et du musée d’Orsay. Mais, du point de vue des gastronomes, Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020), qui vient de nous quitter la semaine passée à 94 ans, des suites du COVID 19, aura été le premier chef d’Etat à accorder une légion d’honneur à un grand cuisinier. Son premier nominé fut, on s’en souvient, Paul Bocuse en 1975, qu’il reçut à l’Elysée en compagnie de ses amis chefs lors d’un repas mémorable. A cette occasion, Bocuse y conçut le plat mythique de la soupe aux truffes VGE, inspiré à la fois de la truffe en croûte dite Souvarov de son ami Paul Haeberlin, de la « pie » anglaise et d’une soupe paysanne de grand-mère sur laquelle on râpe quelques brisures de truffes. Lors de l’inauguration de cette recette mythique, VGE interrogea Paul Bocuse pour savoir comment s’y prendre afin de faire honneur au plat. Et le maestro de Collonges d’expliquer: « il faut casser la croûte, monsieur le Président« . Et c’est ainsi qu’on écrit l’Histoire…

La soupe aux truffes VGE « cassée » © Maurice Rougemont

Hélène Pietrini passe à la Liste

Hélène Pietrini © A.-E. Thion

Belle « prise » pour la Liste, qui avait été créée en 2015 avec l’appui du Quai d’Orsay et d’Atout-France pour contrer l’influence du « 50best » et vient d’embaucher comme nouvelle directrice générale celle qui fut précisément l’active directrice itinérante des mêmes « 50best », Hélène Piétrini. Celle-ci, depuis cinq ans avait d’ailleurs fait balancer le classement anglo-saxons côté France, avec notamment la nomination au sommet de Mauro Colagreco du Mirazur, et mettant sur la touche, de très honorifique façon, les précédents vainqueurs du 50Best, comme l’italien Massimo Bottura, le danois René Redzepi et les ibères Ferran Adria et les frères Roca. Voilà donc Hélène Pietrini avec les « pleins pouvoirs » pour faire connaître la Liste et son classement, dont le suisse Benoît Violier prenait la tête, avant d’être relayé par le français Guy Savoy pour les quatre saisons suivantes, rejoint l’an passé par le franco-new-yorkais Eric Ripert du Bernardin. Philippe Faure, président fondateur de La Liste se réjouit de cette nomination qui viendra renforcer l’équipe : « Hélène est une battante respectée dans la gastronomie mondiale. Son expérience, son énergie et ses convictions sauront rassembler chefs, restaurateurs et partenaires pour insuffler une nouvelle dynamique et faire de La Liste la première référence de la gastronomie mondiale. » Allez Hélène! En janvier prochain, la première initiative de La Liste sera la publication d’un Observatoire de la Gastronomie qui mesurera l’impact de la crise pandémie sur le secteur de la restauration et mettra  en valeur toute la résilience du secteur et les mouvements de fond qui émergent. Il sera accompagné d’un palmarès de prix spéciaux qui reconnaitra l’engagement et les efforts de personnalités qui ont su s’adapter et innover pendant la crise pour construire la gastronomie de demain. Pas de nouveau Top1000 cette année : l’algorithme ne calculera pas de nouvelles notes pour les 1000 restaurants y figurant. Aucun restaurant ne sera pénalisé. Seuls les restaurants récemment distingués bénéficieront d’une note réévaluée. La Liste donnera la priorité à sa base de données qui a grandi en un an de plus de 50% et a dépassé les 25 000 adresses dans 200 pays.

Emmanuel Rubin sceptique sur l’avenir du Fooding

Emmanuel Rubin © GP

Il fut l’un des co-fondateurs du Fooding en 2000, avec Alexandre Cammas. Mène désormais sa barque en solitaire et en liberté, assurant notamment la chronique gastronomique au Figaro, ayant notamment succédé au « Haché Menu » créé par François Simon dans le Figaroscope. Dans le tout nouveau site « art/travel/food », créé par la journaliste artistique Yamina Benaï, il s‘exprime avec franchise sur l’avenir du mouvement dont il fut l’un des initiateurs, notamment sur sa reprise récente, à 100%, par le Michelin : « YB : Le Fooding – propriété du Guide Michelin à 100% depuis quelques semaines – a-t-il toujours un sens aujourd’hui ? E.R : Seul l’avenir le dira. Il est sans doute trop tôt pour en parler mais il est certain que la situation est délicate et la suite risque de l’être plus encore. A titre personnel, je ne vois pas comment Bibendum va pouvoir offrir un An II au Fooding quand on sait que le Guide Rouge a déjà bien du mal à faire sa propre révolution depuis tant d’années (déconnecté, épais, dans l’inertie, opaque, régulièrement à la traîne des évolutions gastronomiques, sous influence plus que réellement influent…). On ne s’achète jamais une jeunesse. Encore moins une modernité. »

Jean-François Hesse poursuit sa cheese-week

Discret mais essentiel (« Hessentiel« , disent ses amis, fidèles depuis son époque pionnière aux côtés de Jean-Pierre Tuil – c’était au siècle dernier !-), Jean-François Hesse est devenu un acteur incontournable du secteur communication vins et gourmandise dans la capitale. Il y a créé le « Cheeseday » en 2016, un salon des fromages et des vins pour tous, qui s’est exporté à New-York en 2017 avant de devenir la « Cheeseweek », semaine de dégustations et d’événements au coeur de Manhattan. Reste qu’il ne s’est pas endormi sur ses lauriers . Si l’animateur de l’Agence Transversal n’a pas pu refaire son « Cheeseday » à Paris en 2019 pour cause de gilets jaunes et en 2020 du fait du Covid19, il remet le couvert en 2021 du 8 au 14 mars, avec un événement repensé et considérablement agrandi. Fini le salon, place à une grande manifestation à l’image de sa soeur new-yorkaise, avec des animations dans tout Paris associant restaurants, bistrots, fromagers, boulangers, cavistes et hôtels. Sont déjà mobilisés et inscrits  pour ce qui est devenu la « Cheese and Wine Week » : les fromagers Laurent Dubois, Frédéric Maupu (Fromagerie Mozart), Saisons Fromagerie, Vimond, Paroles de Fromagers, Ferme du Hameau, Maison Cheese, les cavistes Cavavin des 14e, 16e et 17e, des bistrots de qualité comme chez Fred, Hugo Desnoyer, le Brandevin, Vins d’Auteur, les restaurants tels la Closerie des Lilas, le Brach, Nolinski, le restaurant du Palais Royal, le Sinner, le Relais Plaza, le Renoma Café, l’Auberge Bressane, Tosca et l’Hôtel Splendide Royal, sans omettre Paul rue de Seine, Sébillon, Batifol, Chez André, Au Bœuf Couronné et Le Congrès Maillot pour le groupe Joulie. Comme il n’est jamais trop tard pour bien faire n’hésitez pas à venir grossir les rangs de cette « Paris Cheese and Wine Week 2021 en prenant contact avec lui. hesse@transversal.fr

Les chuchotis du lundi : Guy Savoy remet le couvert, le coup de colère d’Olivier Bertrand, les stations de ski se rebiffent, la leçon de vie de Thierry Marx, l’hommage gourmand à VGE, Hélène Pietrini passe à la Liste, Emmanuel Rubin sceptique sur l’avenir du Fooding, Jean-François Hesse poursuit sa cheese-week” : 1 avis

  • Anhuro

    Naturellement Mne Pietrini après 5 ans chez les « ennemis « !, cinq ans pour comprendre que ses anciens patrons étaient en « guerre » contre la domination française !!, pour avoir mangé dans ces restaurants classés par 50best j’ai encore mal à ma CB, le nombre de zéros sur le bulletin de paye est plutôt ce qui a motivé Mne Pietrini de passer chez l’ennemi .
    Bonne journée

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