Les chuchotis du lundi : on en reprend pour deux mois, les stations de ski en berne, Mauro Colagreco en Suisse, Alain Passard à St Barth, la sortie du Michelin Italie préfigure celle de la France, l’imagination des chefs est sans limites, le Woodward arrive à Genève
On en reprend pour deux mois
Rendez-vous fin janvier… pour les courageux. Il est possible que les restaurants rouvrent à cette date. Si l’on a bien écouté le président de la République mardi soir dernier, on sait que les beaux jours reviendront… Mais quand? Jeudi vers onze heures du matin, le premier ministre, condamné en ce moment à confirmer les mauvaises nouvelles, annonçait que « 2021 serait l’année de la gastronomie »… ce qu’on a largement pris pour une plaisanterie. Et vendredi dernier, une vingtaine de signataires fort variés alliant des étoilés célèbres (Guy Savoy, Stéphanie Le Quellec, Olivier Roellinger, Christian le Squer, Yannick Alléno, Pierre Gagnaire, Eric Frechon, Anne-Sophie Pic) aux grands noms de la brasserie et de l’événementiel (Olivier Bertrand, Thierry, Gilbert et Jean-Louis Costes, Thierry Bourdoncle, Benjamin Patou, Laurent de Gourcuff) ou encore des médias (Jean Imbert), publiaient une tribune dans le Figaro quotidien pour dire leur credo et leur colère « au nom de tous les restaurateurs silencieux et à bout », protestant, notamment, contre le fait que l’aide promise de 20 % sur le chiffre d’affaires manquant ne concerne que le seul mois de décembre et précisant : « Monsieur le président, ne sous-estimez pas la colère qui monte et que nous ne pourrons plus longtemps contenir ». (…) « Nous salarions directement plus d’un million de personnes. Nous sommes le sixième employeur privé de France – le premier si nous prenons en compte également les emplois indirects. Rares sont les Français qui, dans leur famille, n’ont pas un des leurs qui vive directement ou indirectement de l’activité économique que nous générons. Nous produisons, à nous seuls, 10 % du PIB de notre pays. » (…) « Le PGE n’est pas une aide, mais un prêt que nous devrons rembourser et qui n’a été octroyé qu’a des entreprises en bonne santé. Et le chômage partiel a heureusement permis de sauver des emplois, mais il a eu un coût pour nous, celui des congés payés sur lesquels rien n’a encore été décidé malgré nos sollicitations acharnées. Voulez-vous nous faire regretter de ne pas avoir licencié une partie de nos personnels? » (…) »Nous sommes nombreux, nous sommes désespérés et nous sommes en colère. Monsieur le Président de la République, voilà plus d’un mois que nous vous avons lancé un appel à l’aide et nous n’avons reçu aucune réponse. Pas même un mot qui aurait marqué votre considération. Vous ne pouvez pas vous afficher avec nous à l’Élysée lorsque les temps sont fastes, et nous ignorer lorsqu’ils sont néfastes. Nous vous demandons solennellement de nous recevoir, avec d’autres solutions que des rideaux de fumée ou des hochets qui ne serviront qu’à retarder notre effondrement. »
Les stations de ski en berne
Elles ne sont pas contentes. Et on les comprend. Les stations de sport d’hiver avaient envisagé la réouverture dès décembre, certes, avec lenteur et un protocole sanitaire strict et étendu, mais, malgré les promesses du gouvernement qui devait patienter un peu avant de prendre sa décision définitive, le président de la République a tranché. « Bien entendu, il sera loisible à chacun de se rendre dans ces stations pour profiter de l’air pur de nos belles montagnes, des commerces – hors bars et restaurants – qui seront ouverts. Simplement, toutes les remontées mécaniques et les équipements collectifs seront fermés au public », a précisé jeudi le premier ministre Jean Castex, jouant l’éternelle mouche du coche. Si le ski est prohibé au moins jusque fin janvier, d’autres activités peuvent permettre aux amoureux de la montagne de venir en station, comme la randonnée, la luge, les raquettes ou le ski de fond. Les stations alpines, pyrénéennes, auvergnates et vosgiennes peuvent donc rouvrir durant la période des fêtes de fin d’année, mais les remontées mécaniques devront rester fermées. Et avec elles la plupart des grands hôtels de luxe qui attendent la réouverture des restaurants et des jours meilleurs. »A quoi sert-il d’être ouvert« , assure un hôtelier megevan, si on ne peut pas envoyer nos clients dans l’une ou l’autre des bonnes tables de la station« ?
Mauro Colagreco en Suisse
Il passera une bonne partie de l’hiver en Suisse. Mauro Colagreco, le chef star du Mirazur à Menton, ouvre The K by Mauro Colagreco dès le 15 décembre (11 jours après l’ouverture de la saison hivernale de l’hôtel Kulm le 4 décembre) à Saint-Moritz dans les Grisons. Pour autant, il n’abandonne pas ses valeurs : la fraîcheur, la simplicité, l’équilibre des couleurs et la mise en valeur des saveurs authentiques seront au rendez-vous, notamment à travers ses filets d’anchois posés sur des squelettes d’anchois frits et la fameuse betterave incrustée de sel avec sa crème de caviar osciètre. Venu une première fois à Saint-Moritz pour un pop-up d’un mois en mars 2017 au Kulm Country Club, Mauro sera cette fois présent personnellement durant une bonne partie de la saison hivernale. The K by Mauro Colagreco sera ouvert pour le dîner, de 19h00 à 21h30, du mardi au samedi. Durant son absence, notamment après le lancement de la formule, il confiera les fourneaux à sa collaboratrice Paloma Boitier. Cette compatriote argentine travaille au Mirazur depuis près de cinq ans et connaît par coeur les bons trucs du maestro trois étoiles azuréen
Alain Passard à St Barth
La sortie du Michelin Italie préfigure celle de la France
Une triple promotion à deux étoiles (D’O à San Pietro All’Olmo, Harry’s Piccolo à Trieste, Santa Elisabetta à Florence), vingt six restaurants promus à une étoile, dont beaucoup de jeunes chefs de moins de 35 ans, le maintien à 3 étoiles des onze maisons déjà laurées, avec un lancement réalisé la semaine passée en visio-conférence, avec un guide qui sera disponible en librairie en janvier prochain : voilà le nouveau guide Michelin Italia 2021 qui préfigure ce que sera le lancement du prochain guide France, prévu de façon digitale le 18 janvier. En résumé : davantage d’indulgence (on compte cette année une trentaine de suppressions d’étoiles, concernant essentiellement des maisons fermées), une certaine sagesse dans le statut quo, des accommodements raisonnables avec l’actualité. Plus quelques étoiles vertes (elles sont 13 nouvelles en Italie), qui constituent le nouveau hochet écolo de la maison. Voilà, en tout cas, une façon habile qui permet à la direction des guides rouges de surfer avec un certain sens de l’équilibre sur la tourmente née de la pandémie sans délaisser l’actualité.
L’imagination des chefs n’a pas de limites
Ils s’y sont remis dès l’annonce du reconfinement, les deux étoiles comme Olivier Nasti à Kayserberg ou Jean Sulpice à Talloires, proposant des menus autour de 30 € (32€ pour le premier du lundi au vendredi, 36€ chez le second toute la semaine, et 45 € le week-end, avec tranche de foie gras, saint-jacques au beurre nantais, tartelette aux clémentines de Sicile, pour le premier), manière de proposer sa version moins onéreuse qu’à l’ordinaire. « Les gens redécouvrent ainsi notre cuisine d’une manière plus démocratique. Et reviendront, dès que possible, goûter notre cuisine déconfinée« , explique Jean Sulpice. Tous les chefs s’y sont mis, pas seulement les étoilés, imaginant des menus au fil de la semaine qui donnent une idée de la gastronomie en kit souvent séduisante et même glamour. On pourrait citer ainsi Marc Favier et son Marcore à la Bourse, Fitzgerald dans le 7e, Silencio Club ou Steam Bar dans le 6e parmi les « bon coûts » de Paris à la maison. Sans omettre Tomy Gousset chez Tomy & Co qui fait merveille avec sa salade César à la truffe de Bourgogne ou le japonais Yoshitaka Yanatagui délivrant un lièvre à la royale de très haut niveau « pour les clients habitués de la Scène Thélème » dans le 17e. Parisienne et laurée de deux étoiles, Stéphanie Le Quellec a réussi à créé une formule exportable dans toute la France, comme sa consoeur Hélène Darroze de Marsan et de Joia. Sur un mode libanais nouvelle vague, Alan Geaam propose lui les merveilles de son Qasti, le bistrot de ses racines, tandis que le franco-brésilien Raphaël Rego propose une version magique de la feijoada, le plat national du Brésil, avec une côte de cochon à tomber par terre. Idem avec le martiniquais Jimmy Rivière qui ravit en livraison avec un foie gras confit au rhum qui vaut le voyage. Pour les fêtes, les trois étoiles s’y mettent aussi. Ainsi, Eric Frechon qui a imaginé un vrai repas de Noël en direct de son Lazare, dans le 9e, avec son foie gras mi-cuit en terrine, son boudin de homard aux morilles, sa poularde au vin jaune et aux truffes noires, son brie de Meaux aux noix torréfiées et sa bûche de Noël signée Benoît Castel. Christian Le Squer, qui va quérir à Rungis le meilleur du moment, comme chez son copain Stéphane Reynaud, roi de la marée à l’enseigne de R & O Sea Food Gastromy, a imaginé un panier de fin d’année, qui fera notamment florès à Noël, avec des produits d’exception : foie gras de canard en ballotine, chapon farci, cuissot de chevreuil Grand Veneur. Et, pour le réveillon du 31 décembre, il proposera, avec le Four Seasons George V, un repas de prestige à goûter chez soi avec homard dans son jus de carapace aux grains de caviar, galets de foie gras aux copeaux de truffe, poularde infusée à la truffe et racines étuvées, tarte fine au vieux comté et chocolat Tulakalum au sarrasin grillé. Une bonne manière d’égayer le confinement…
Le Woodward arrive à Genève
Ce devait être le Woodrow – hommage au président américain Woodrow Wilson qui donne son nom au quai genevois du même nom à fleur de Léman. Ce sera finalement The Woodward, qui évoque le journaliste ayant déclenché l’enquête célèbre sur le Watergate à Washington, Bob Woodward. C’est en tout cas le nom, apparemment plus facile à prononcer, choisi par le groupe Oetker qui possède notamment le Bristol à Paris, le Brenners à Baden Baden, l’Eden Roc au Cap d’Antibes, l’Eden Roc au Cap Ferrat, le Château Saint-Martin à Vence, l’Apogée à Courchevel et le Lanesborough Londres, ouvre son nouveau giron suisse cette belle adresse de haut-luxe, décorée par Pierre-Yves Rochon, sous une façade de 1901, avec ses vingt six suites, un spa de 1200 mètres carrés, plus deux restaurants, le Jardinier signé Alain Verzeroli et l’Atelier Joël Robuchon, sous la houlette de son disciple Olivier Jean. Ouverture prévue : printemps 2021.
Intolérable pour les restaurants,une cruelle injustice alors que les magasins et les bus sont collés serrés