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Au pays de la « Périgord Attitude »

Article du 10 novembre 2020

La Roque Gageac à fleur de Dordogne © Maurice Rougemont

C’est la plus belle rivière du monde. Une sorte de lent halo qui s’étage entre les prairies, coupe les falaises, happe les rayons du soleil, se moque de la géographie rectiligne. Puis se love, se mue en « cingle », se resserre comme un serpent. A Trémolat, depuis le belvédère de Racamadou, la rive d’en face avec ses prairies en patchwork forment un puzzle vert tendre, vert sombre, avec ses tons de bruns soyeux et gris ocres. Comme dans l’atelier d’un tailleur anglais. Ici, finit le « Périgord pourpre », celui de la vigne et là débute le « Périgord noir », qui tire son nom, non de la truffe, le « diamant noir », mais de sa dense végétation de chênes et de feuillus. Et c’est là encore qu’il s’achève: à fleur de Dordogne, à l’ombre des rocs et des châteaux. Si l’on vient en quête d’un pays amical où passer l’hiver, impossible de ne pas trouver là son bonheur.

Trémolat, le Vieux Logis © Maurice Rougemont

C’est une province douce qu’épouse l’oeil, comme la main caresse la soie. La rivière majestueuse, semée de châteaux, la haute église fortifiée à coupoles, l’école hautaine comme un castel: c’est Trémolat, fameux pour avoir servi de décor au « Boucher » que tourna jadis ici Claude Chabrol avec Stéphane Audran et Jean Yanne. Ce fut aussi le fief de Bernard Giraudel, aubergiste modèle, co-fondateur des Relais & Châteaux, apôtre des Relais de Campagne, conteur volubile du pays, décédé il y a près de deux ans déjà, à 93 printemps, et qui aimait souligner:  « nous sommes le plus proche des pays lointains« . Son Vieux Logis au toit couvert de mousse, a toujours fière mine, avec son chef MOF, Vincent Arnould, ses chambres douces, son jardin accueillant, ratissé de frais, son bassin de nage, sa belle cuisine, créative, mais qui n’oublie pas de garder fièrement son accent régional.

Oies du Périgord dans une ferme © Maurice Rougemont

Admirable pays français que ce Périgord noir ou poupre, vert ou blanc! On vient aussi pour y faire bonne chère, et souvent bombance.La tradition longtemps fut celle des conserves autour du canard et de l’oie du Périgord (foie gras, cou farci,…) même si on y raffole toujours du confit en pot de grès et des foies gras vieux de deux ans et plus, les chefs, du Château des Vigiers ou de la Chartreuse du Bignac, de Bergerac (le Bistrot d’en face) et d’ailleurs n’oublient pas, comme à Trémolat déjà cité, de renouveler le répertoire. La richesse du pays c’est aussi les vins aussi de Bergerac et de Pécharmant, de Saussignac et de Monbazillac, de Montravel et de Rosette, sans omettre les cousins et voisins de Duras, dans les trois couleurs, avec des vins aux grains nobles de toute beauté, gardant le goût et l’esprit du pays, qui charment avec emphase. Les domaines jouent volontiers le bio, cultivant le côté rebelle, avec des vignerons poètes comme Jean-Marc Dournel au domaine des Costes, Romain Claveille au château de Haut-Bernasse ou encore Luc de Conti, le héraut légendaire de la Tour des Gendres.

Les vignes vers Saussignac © GP

Les vignes ici se meuvent, se goûtent, se racontent et s’expliquent dans la poésie du paysage, autour du pays bergeracois qui ouvre largement ses demeures, livrant ses  lignes aristocratiques au Château de Monbazillac, repris et rénové par la coopérative, qui fait désormais office de musée, avec ses clins d’oeil à d’illustres habitants du pays périgourdin, comme Sem, qui fut le caricaturiste de la belle société parisienne et l’illustrateur des cartes de Maxim’s ou du comédien Mounet-Sully, mais aussi au château Tiregand, avec sa noble façades et ses vignes veillées et bichonnées par les Saint-Exupéry, qui vinifient un Pécharmant de haute lignée.

Château de Monbazillac © GP

En citer, c’est en oublier – 130 châteaux ouvrent leurs portes -, car ce pays est généreux, autant que varié, divers et disert, produisant une gourmandise labellisée, avec la fraise, parfumée comme rarement ailleurs, la noix, poussant sur terre calcaire, qui se livre en coque, en cerneaux, en huile exquise, l’oie comme le canard et ses dérivés, confit, manchons, gésiers, terrines, pâtés et, bien sûr, foie gras qui constitue l’une des richesses les plus emblématiques du pays. On n’oublie pas les marrons qui se dégustent en salade ou en accompagnement de volailles ou du fromages (chèvre ou cabécou, trappe d’Echourgnac, font également partie des richesses locales), comme le poulet, la poularde et le chapon, fêté à Noël, qui contribuent à faire du Périgord un pays de cocagne. Ni le caviar à Neuvic, Sireuil ou Montpon, ni les eaux de vie à Villamblard.

Vieille maison à Issigeac © GP

On pourrait y ajouter le verjus, ce jus vert du raisin qui, en cuisine, a la propriété de « réveiller » les poissons ou les viandes (ah, une jolie poularde au verjus!), tel que le propose Muriel Landat-Pradeaux au domaine de Siorac. La « Périgord attitude« , nos voisins anglais qui nous ont autrefois disputé les « bastides », de part et d’autre de la Dordogne, reviennent aujourd’hui pacifiquement. On se souvient qu’après le mariage – catastrophique pour la monarchie capétienne – entre Henri II Plantagenêt, héritier du trône d’Angleterre, et Aliénor d’Aquitaine, le Périgord échappera, pour une grande part, à la France. La lutte franco-anglaise durera trois siècles. Au cours desquels se construiront forteresses défensives et villes neuves de l’époque médiévale. Elles se sont muées, depuis, en centres de tourisme – tel Monpazier aux belles arcades, côté anglais, Domme, avec sa porte des Tours, ses remparts, son belvédère, mais aussi Eyme, Lalinde, Beaumont ou Saint-Aulaye.

Sur la place de Monpazier © Maurice Rougemont

Aujourd’hui, les Anglais sont revenus pacifiquement coloniser le pays, créant un « Dordogneshire », faisant honneur à nos auberges et à nos tables. A l’Imparfait à Bergerac, comme à l’Atelier du si joli bourg médiéval d’Issigeac, on est bien en terre franco-anglaise, où se cultive un bel art de vivre, une douceur typiquement périgourdine. Comme à Limeuil, au confluent de la Dordogne et de la Vézère, où les terrasses bruissent de paroles dans les deux langues, avec de bien jolis accents. Ici, tout ramène au fleuve, lumineux, doux, intense. Henry Miller, qui s’y promenait en connaisseur, dérivant en canot, avant son équipée grecque du « Colossse de Maroussi », y vit, non sans justesse, « l’approximation la plus voisine du paradis« . De fait les villages de Beynac et de la Roque-Gageac, dont les maisons s’accrochent au roc, se mirent dans l’eau, résistent au temps avec une incroyable obstination, figurent au rang des  « plus beaux villages de France ». Les merveilles se touchent du doigt et se rencontrent comme dans un miroir. Voilà bien l’un des plus séduisants voyages que puisse offrir la douceur française.

Ruelle à Issigeac © GP

Office de Tourisme Bergerac – Sud Dordogne

Quai Cyrano, 1 Rue des Récollets

24100 Bergerac

Tél. : 05 53 80 61 10

Site : www.pays-bergerac-tourisme.com ou www.vins-bergeracduras.fr

A propos de cet article

Publié le 10 novembre 2020 par

Au pays de la « Périgord Attitude »” : 3 avis

  • barret Alain

    Bonjour,

    En étant originaire du Périgord Noir (Siorac-en-Périgord), je ne puis que souscrire à votre analyse de cette petite et douce France. Il est une dimension importante aussi : c’est la littérature régionale (Eugène le Roy, Robert Merle etc…) et les figures historiques à découvrir.
    J’ai une page Facebook ou j’ai modestement commis quelques poésies sur ma patrie de cÅ“ur.
    Merci encore pour vos lignes si justes.

  • Laurent

    Vous avez presque tout dit Gilles de cette sublime région !! Et Sarlat la Magnifique… C est toujours un Bonheur Intense de retourner dans ce département où les gens sont adorables et la cuisine divine et généreuse !! Que la France est Belle… Merci Gilles pour vos articles toujours aussi Passionnés !!

  • DIEUDONNE Sylvie

    Magnifique article. On sait que le Périgord est plein de ressources. Il faut penser à y retourner !

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