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Philippe Labro ira nager dans plus de rivières

Article du 18 octobre 2020

Philippe Labro ? On l’a connu au temps de la guerre d’Algérie, celui où « ils s’appelaient tous Max« , avec des « Feux mal éteints« . Puis journaliste aux USA, au temps des « Bateaux dans la nuit« , où il se coulait dans l’imperméable de Bogart pour jouer Drifter, ce journaliste au long cours, reporter impénétrable, héros mystérieux, qui avait le sens de la langue, de la fougue et du désir. Depuis, il nous a raconté sa vie, ses années d’étudiant étranger, son été dans l’Ouest, sa guerre à Montauban (« le Petit Garçon »), ses quinze ans, ses débuts à Paris, a traversé les zones d’ombre qui mènent à la mort, est tombé sept fois, s’est relevé huit. On en oublie au passage. Il nous a fait tous les coups, joué tous les bons tours. Lui, le disciple de Lazareff et celui de Melville, le présentateur télé, l’homme de radio, le parolier pour Johnny (« Jésus est un hippy« , c’est lui), le réalisateur de « Sans Mobile Apparent » et de « Rive Gauche, Rive Droite« , qui a fait tourner Trintignant et Depardieu, mémorialiste des siens, autoportraitiste de talents, homme de rencontres et de découvertes  (« Je connais gens de toutes sortes »). Le petit garçon de Montauban devenu le plus brillant des analystes de l’Amérique, qu’il connaît si bien de l’intérieur, prend le temps aujourd’hui de l’introspection.

« J’irai nager dans plus de rivière » est à la fois un livre bilan, un livre confession, un livre testament, largement construit sur une phrase de Bernard Loiseau, qui, à Saulieu, lui fait cette confidence : « on n’emportera rien »… sous entendu au seuil de la mort. Philippe Labro, au contraire, nous confie qu’il emportera tout : un matin qui se lève, le sourire d’un enfant, le souvenir des amis influents comme des obscurs, livrant ici de cinglants portraits, mordants, drolatiques, comme celui de Jean-Pierre Melville en despote ou de Fabrice Luchini, qui se présente, à dix sept ans, en verlan (« Cebrifa », c’est bien lui), de Johnny Hallyday, de  Romain Gary, de Serge Gainsbourg et tant d’autres. Il y a aussi ce magnifique hommage à son frère aîné, trop tôt disparu, big boss du rugby et prenant meneur d’hommes. Voilà un ouvrage singulier, attachant, au ton neuf et ancien à la fois, livrant, pêle-mêle, souvenirs retrouvés et citations de bons auteurs, glanés ici et inscrits sur un minuscule cahier de moleskine, leçons de vie, de conduite, de survie, notamment les cinq règles de Winston Churchill.  C’est à la fois tendre, dense, disert et divers, passionné, émouvant et généreux. Comme si un nouveau Labro était né …

J’irai nager dans plus de rivières de Philippe Labro (Galimard, 301 pages, 20 €)

 

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Publié le 18 octobre 2020 par

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