Les chuchotis du lundi : un couvre-feu qui fait bouillir – la nouvelle donne de Maxim’s – Michel Roth au BHV – Feldman à Bayonne – le Michelin avale le Fooding – connaissez-vous Thibault Foulogne? – Rolancy jette l’éponge – Apollonia raconte Poilâne – Hesse et le « bife » argentin – Pierre-Louis Renou à Monaco

Article du 26 octobre 2020

Un couvre-feu qui fait bouillir

Les Petits Parisiens ferment sine die © GP

Le couvre-feu imposé non seulement à Paris, Marseille, Lyon et dans maintes grandes villes? Il fait bouillir davantage les imaginations que les marmites. La clientèle se raréfie. La plupart des grandes maisons qui n’étaient désormais ouvertes que le soir (tel Alain Ducasse au Meurice comme au Plaza-Athénée, Eric Frechon à l’Epicure au Bristol) ne rouvriront qu’à la fin du couvre feu. D’autres, fermées depuis le 15 mars (le Cinq au George V de Christian Le Squer, le Gabriel de Jérôme Banctel à la Réserve, Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen), ne rouvriront pas … avant la fin de la pandémie. L’Ambroisie de Bernard et Danièle Pacaud, dont la discrétion est légendaire, propose deux menus aux saveurs automnales et un service au déjeuner, du mardi au samedi, pour une capacité maximale de 35 couverts.  Kei Kobayashi a, lui, avancé ses horaires d’ouverture, accueillant du mardi midi au samedi soir (sauf jeudi midi) à 12h et 18h. Un Paris avec zéro touriste est une capitale gourmande qui cherche une nouvelle voie. Jean-François et Elodie Piège, misent, eux, sur leurs bistrots, comme l’Epi d’Or, le Cover Grill et la Poule au Pot à midi, comme le soir, pour un service de 18h à 20h. Mais sans omettre d’ouvrir leur Grand Restaurant. D’autres sont repartis pour les livraisons. D’autres encore, qui peinent au déjeuner et comptaient sur des dîners extensibles pour remplir leurs tables ont préféré fermer, attendant des jours meilleurs. C’est le cas d’Arnaud Duhem, ex du groupe Ducasse et du Shangri-La, propriétaire des Petits Princes à Suresnes, qui avait pourtant repris avec succès l’ex-Régalade mythique de l’avenue Jean Moulin, où s’illustrèrent Yves Camdeborde et Bruno Doucet, avec un ancien de ce dernier, Rémy Danthez, sous le nom de « les Petits Parisiens ». Et ils sont nombreux, comme lui, à avoir mis leur personnel au chômage partiel, espérant une lueur au bout du tunnel. Sinistrée par la pandémie, ébranlée par un couvre-feu qui pourrait durer, selon les rumeurs, jusqu’en février, la restauration française s’interroge plus que jamais, avec une forte inquiétude, sur son avenir.

La nouvelle donne de Maxim’s

Nicolas Castelet © GP

Miracle : Maxim’s revient. Après deux décennies vouées aux dîners et, bien sûr, aux soirées événementielles, notamment en période de « fashion week« , voilà la maison mythique de la rue Royale, propriété de Pierre Cardin depuis 40 ans, qui rouvre au déjeuner, qui plus est avec un chef de talent et un menu abordable. Le service en smoking est toujours là, comme le sommelier qui décante ses beaux flacons à la lueur d’une bougie. Aux fourneaux, on retrouve Nicolas Castelet qu’on découvrit à l’Auberge du Quinze, dans le 13e, rue de la Santé. Ce jeune chef filiforme, qui, à 38 ans, aligne un parcours de grande classe (Passard, Dutournier, Le Squer, Piège et Robuchon), pratique ici le style qu’il affectionnait déjà et avec lequel il épatait déjà jadis: très grand bourgeois, avec ses apprêts à l’ancienne, façon André Guillot, le cuisinier du Vieux Marly. Autant dire que sous les ors et bois patinés de rouge de Maxim’s, qui a su garder sa splendeur 1900, cette cuisine va au teint de la demeure comme un fard sur mesure.

Homard de Bretagne, caviar d’Aquitaine, sauce bisque © GP

Michel Roth au BHV

Michel Roth © GP

Il conseille la Servair, veille quelques croisières gourmandes, signe la carte de l’étoilé Bayview à Genève dans l’hôtel Président Wilson et celle de Terroirs de Lorraine dans la gare de Metz. Bref, Michel Roth, MOF et Bocuse d’Or 1991, jadis titulaire de deux étoiles au Ritz  et chez Lasserre à Paris, n’a jamais été aussi actif qu’aujourd’hui à 61 ans. Le voilà, ouvrant « sa » table au 5e étage du BHV. Le nom du lieu : « La Table Cachée par Michel Roth« . Le style: résolument bistronomique avec des mets de toute beauté (comme ce délicat biscuit de brochet, coulis orange cardamome, étuvée de poireaux et fenouil caramélisés digne d’une belle table étoilée). Relayée par une équipe jeune, dynamique et enthousiaste (Thomas Cherbit et Morgan Keuleyan, en cuisine, Cédric Charrière en salle). La maison ouvre tous les jours au déjeuner. Proposant, dans un cadre élégant cosy, un étonnant menu-carte à 22 (deux plats) et 27 (trois plats) €.

Fabian Feldman à Bayonne

Fabian et Sarah Feldmann © GP

Le Basa? La brasserie tendance créée à Bayonne par Fabian Feldmann. Ce bavarois de Nuremberg, qu’on connut jadis chez Albert sur le port de Biarritz, et a pratiqué de grandes maisons, comme le trois étoiles Im Schiffchen de Jean-Claude Bourgueil à Dusseldorf, l’Aubergade des Trama à Puymirol, l’Oasis à la Napoule, avant de posséder sa table étoilée en Allemagne, puis Biarritz (l’Impertinent), vient de créer un événement dans l’ancien Palais de Justice bayonnais superbement réhabilité près de la cathédrale. Le mariage des façades à colombages  du vieux Bayonne avec celle du Basa, très moderne en métal, forme un beau contraste. Il y a là une grande terrasse extérieure, deux salles au rez de chaussée et une salle en haut privatisable, soit 90 couverts pour une cuisine pleine de tonus. L’autre midi, c’était velouté de lentilles et cèpes, sole grillée et haricots verts al dente et sublime crème mousseuse au chocolat, 3 plats pour la somme très raisonnable de 23 € (18 € deux plats). Et la maison ouvre en continu du lundi au samedi de 12h à 22h.

La façade © CB

Le Michelin avale le Fooding

Marine Bidaud et Alexandre Cammas © DR

Il y a pile trois ans, le Michelin prenait 40 % du Fooding. Cette fois-ci, le groupe de Clermont-Ferrand,  leader mondial du pneu et créateur du guide rouge en 1900, rachète la totalité des parts restantes, soit 60 % de son « petit » concurrent, qui défend « le goût de l’époque« , s’apprête à fêter ses 20 ans d’existence, se moque volontiers des tables à nappes, couverts en argent et étoiles, créant des concepts à succès (de la « bistronomie » à la « cuisine faubourgeoise« ). Alexandre Cammas, le fondateur, et sa directrice associée Marine Bidaud, ont réussi le coup parfait sur le plan financier, même si le montant de la transaction entre les deux groupes n’a pas été révélé (la première fois, pour les 40% le groupe Michelin aurait déboursé 5 248 600 €, selon une information de notre confrère Ezéchiel Zerah révélée dans Vanity Fair). On a connu Alexandre Cammas en militant humaniste d’Action contre la Faim, mué ces temps-ci en protagoniste écolo « anti carbone« . Le voilà, en tout cas, réalisant « le coup financier du siècle« , comme le glisse l’un de ses amis de longue date, qui assure que ce fils et petit-fils de cafetiers aveyronnais, jadis élève à l’école hôtelière de Strasbourg, n’a pas l’intention de se retirer du circuit « à 50 ans fortune faite« . Il signe, en tout cas, six mois avant son demi-siècle, qu’il fêtera en juin prochain) le parfait mariage de la carpe et du lapin. Débarrassé des soucis du quotidien et de la quête effrénée des sponsors, il garde une fonction de « directeur éditorial », alors qu’il abandonne la place de président. Reste qu’à la différence de la cession de septembre 2017, le Fooding n’a pas communiqué sur le sujet, laissant, vendredi dernier au Michelin, le soin d’annoncer ce rachat, dans la lignée de ceux opérés récemment dans la sphère hôtelière (avec Tablet, en 2018) et le secteur vins (Robert Parker-WineAdvocate, en  2019)  et de préciser, que, concernant le Fooding, « une nouvelle gouvernance sera annoncée dans les semaines à venir. » Précisons qu’avec cette acquisition, Michelin rajeunit sa sphère d’influence. « Il y a quinze ans, Cammas et sa bande voulaient mettre un coup de pied au cul d’un Michelin juste bon à servir de référence aux étrangers et à un public vieillissant. Aujourd’hui, l’ancien petit agitateur est incontournable.« , assurait, en 2014, les Inrocks dans un article demeuré fameux. Ce rachat complet aura-t-il une incidence sur les choix du guide rouge? Il est évidemment trop tôt pour le savoir. Rappelons, en tout cas, que le Michelin avait entamé, en décembre dernier, «un partenariat stratégique international» avec le poids lourd du site de voyage TripAdvisor et sa filiale de réservation en ligne LaFourchette. Ce qui aurait plutôt tendance à brouiller son image de marque.

Affiche du Fooding 2019

Connaissez-vous Thibault Foulogne?

Thibault Foulogne © GP

La Chartreuse du Bignac? Un ravissant domaine champêtre, affilié à la chaine des Collectionneurs, sis à Saint-Nexans, non loin de Bergerac, au coeur du Périgord pourpre, avec ses chambres de charme et son grand calme au vert. Le lieu propose, certes, le repos sans heurts, mais également les mets fort soignés du jeune Thibaut Foulogne. Ce normand de Seine-Maritime, passé chez le MOF Pierre Caillet au Bec au Cauchois, mais aussi chez le deux étoiles gardois Michel Kayser, chez Alexandre à Garons près de Nîmes, s’est rallié au grand Sud Ouest, grâce à sa compagne toulousaine. Sa cuisine fine, jolie, esthétisante, mais sans excès, livre de jolis accents périgourdins à travers les produits estampillés IGP ou AOP d’ici. A suivre de près, comme ces ravioles de foie gras aux raisins, avec leur jus au verjus et leur crème aux raisins chasselas.

Ravioles de foie gras aux raisins et au verjus © GP

Jacques Rolancy jette l’éponge

Jacques Rolancy © AA

Jacques Rolancy? On l’a connu jadis en chef multi-étoilé aux Templiers des Bézards près de Montargis. Depuis quatorze ans, ce MOF 1996 de belle lignée, sage et discret, régnait doublement à Nice, rue Alphonse Karr, à l’enseigne du Rolancy’s et du Bistrot des Viviers. Le voilà qui jette l’éponge et ferme ses deux tables, nous lançant un dernier message comme une bouteille à mer. « Durant 14 ans, j’ai rencontré des gens formidables, des clients adorables, des stars qui recherchaient un endroit paisible et des collaborateurs fidèles pour lesquels j’ai une pensée considérable, eux qui ont travaillé sans relâche toutes ces années dans l’espoir d’aller plus haut. Mon épouse et moi-même avions encore l’espoir de relancer la machine. Mais, malgré les aides de l’Etat, avec cette économie incertaine et ce climat pesant, je suis profondément attristé de devoir m’arrêter là. Car le coronavirus aura fait plus de pertes, plus de mal que nous aurions pu l’imaginer. Dans la vie, il faut savoir dire STOP, tourner la page pour mieux rebondir. Gardons ce que nous avons de plus cher: la santé« . A bientôt, Jacques!

Apollonia raconte Poilâne

Des grains aux pains : sous ce titre explicite, Apollonia Poilâne raconte la vie de sa maison, rend hommage aux siens, livre ses belles recettes autour du pain. Et surtout, dans une bouleversante préface, elle adresse une magnifique lettre posthume à ses parents, Lionel et Ibu disparus le 31 octobre 2002, dans un tragique accident d’hélicoptère dans la baie du Mont Saint-Michel. Difficile de ne pas lire son texte sans retenir ses larmes. « Poilâne, des grains aux pains », précise-t-elle, « est un livre qui raconte la tradition boulangère commencée par mon grand-père, Pierre, en 1932. Comment mon père, Lionel Poilâne, a développé avec ma maman notre boulangerie de quartier en une entreprise familiale de renommée internationale. Et comment j’ai pris la relève en 2002, suite à son décès brutal. Ce livre est une déclaration d’amour pour mon métier, ou comment nos pains, biscuits et pâtisseries boulangères sont non seulement des nourritures mais peuvent devenir des ingrédients ! ». Parution du livre en librairie le 20 novembre prochain.

Hesse et le « bife » argentin

Oivier Camus La Guérnière et Nicolas Hesse © DR

Dans la famille Hesse, on demande le neveu. On connaissait Jean-François, patron de l’Agence Transversal, patron du Cheese Day de la Cheese Week. Voilà Nicolas, fils de son frère Thierry, jeune businessman de 32 ans, qui a travaillé avec son père, notamment à Buenos Aires, saisi par l’amour de la cuisine argentine et de l’exceptionnelle viande des gauchos qu’il propose dans une table toute neuve, l’Estancia, au 27-29 quai des Grands Augustins. Le lieu, avec ses 70 couverts à l’intérieur, ses 50 en terrasse, devient le plus grand restaurant argentin de Paris, servant « bife de lomo », « bife ancho », mais aussi empanadas et duce de leche, sous la houlette du chef Olivier Camus La Guérinière, ancien du Renoma Café. Menus à prix modiques au déjeuner (14,90, 19,90, 29,90 €). Tél. : 01 43 29 67 12.

Pierre-Louis Renou au Fairmont Monaco

Pierre-Louis Renou © AA

Après un parcours professionnel – national et international – sans faute dans les groupes Concorde, Hilton et Accor, Pierre-Louis Renou qui était depuis juillet 2013 le directeur général des hôtels Barrière de Cannes, le Majestic et le Gray d’Albion, va prendre la succession de Xavier F. Rugeroni, directeur général du Fairmont Monte-Carlo et Vice-Président régional de Fairmont pour Monaco, l’Italie, l’Espagne ainsi que le Portugal. Ce dernier, en effet, a fait valoir ses droits à la retraite. Joli challenge pour Renou, brillant meneur d’hommes qui retrouve ainsi le groupe Accor propriétaire depuis 2016 de l’enseigne Fairmont/Raffles Hôtels International.

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