MoSuke
« Paris 14e : Mory le magnifique »
C’était Cobea. C’est devenu Mosuke, hommage au seul et unique samouraï noir de l’histoire – « Mo pour Mo(ry) et Suke en hommage à (Ya)suke, premier et seul Samouraï africain du Japon ». Mory Sacko, 28 ans, deux mètres de haut, mince comme un nouille soba, une énergie formidable et un sourire à couper au couteau s’est investi tout entier dans cette aventure personnelle et gourmande et c’est une réussite totale. Les places se conquièrent chez lui de haute lutte (quatre mois d’avance et beaucoup de patience sont nécessaires sur internet pour les réservations). Reste que l’enjeu en vaut la chandelle, que tout ce que livre ici Mory le magnifique est d’une finesse, d’une légèreté et d’un doigté sans faille.
Cernant les goûts avec précision, usant de son expérience avec Thierry Marx, le fou du Japon au Mandarin-Orientral, affirmant ses racines africaines (sa mère est native du Mali) avec précision et fierté, il livre une partition originale et singulière créant un style franco-nippon métissé aux couleurs d’Afrique de l’Ouest et de l’Est avec malice. Ses menus se nomment « vol de nuit », « migration » et « hivernage », évoquant un voyage des sens avec subtilité. On aimera, sans mal, ses petits amuse-gueule sur le thème de l’œuf parfait ou encore son fukujinsuke (condiment nippon de légumes au curry façon « relish ») en cuiller et patate douce avec sa mayo sancho et son ketchup pimenté.
Mais ce n’est là qu’un avant-goût du voyage. Les choses commencent avec le riz gluant (« sticky rice ») au tamamiso (pâte de soja fermenté à l’oeuf) et champignons très vinaigré, puis le piquant homard fort joliment grillé au miso à la tomate et piment fumé lactofermenté, ou encore la sole cuite en feuille de bananier, « attiéké » (manioc malien) et livèche, sans omettre le « shichimi tōgarashi », mélange de sept épices japonais. Vous avez pigé la manière du gars Mory? Là dessus, le sommelier, Mathieu Guérin, passé, lui aussi, au Mandarin Oriental, et frotté à la méthode Marx joue l’alliance mets/vins/saké avec brio.
Les jolies bulles de Thierry Germain à Saumur, les « vins de riz » façon « sec » ou « mi-doux », le joli blanc corpulent du Mas Amiel en Roussillon, mais aussi le léger rouge grolleau de Patrick Beaudoin « la grolle » ou le riche « swartland rouge » de Kloof Street en Afrique du Sud à dominante syrah font des escortes, fines et joyeuses, ces deux derniers pour accompagner le boeuf mafé sauce tamarin aux arachides fraîches comme l’exemplaire poulet yassa dit « 2.0 », avec crème de riz, oignons confits, sudachi, et un morceau superbe pané au panko avec son condiment à l’ail noir.
On glisse encore que les desserts valent le coup de fourchette : le crumble de mil, avec pain de singe, noix de pecan, lait ribot dit « New Thiakry » (en hommage au « thiakry » sénégalais, dit aussi « dégué », à base de couscous de mil, de yaourt ou de lait caillé), avant la ganache chocolat noir et sa glace cacao/wasabi, biscuit à la fleur de sel fumé et enfin l’ananas au shiso, meringue de miso et sorbet bissap (ou hibiscus). Une symphonie de goût comme un voyage!
Entre sa prestation hier soir chez Barthez au Petit Quotidien et ce très bel article, ça donne vraiment envie non seulement de gouter à sa cuisine mais de faire la connaissance de ce chef très très sympathique !
« un sourire a couper au couteau » c’est ni la bonne éxpression ni le bon usage de lidiome. Encore une plume
Moi aussi j’ai beaucoup aimé, je recommande cette adresse malgré les délais pour avoir une place.