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Les chuchotis du lundi : la grand-peur du reconfinement, Michelin reporte Cognac, Gagnaire mise sur l’art, Dutreil soutient Ducasse, l’événement Tortuga, le nouveau Relais Plaza, ça bouge au Mont d’Arbois, Manigold lance Orzo, la perle Denon, Hesse annonce la cheese-week, la mort de Taku Sekine, adieu à Gérard Idoux

Article du 5 octobre 2020

La grand-peur du reconfinement

Le cri d’alarme de Philippe Etchebest © DR

Paris et sa petite couronne passent en « alerte maximale ». Mais ses restaurants demeureront ouverts. Et ceux d’Aix/Marseille pourront réouvrir. Les cafés parisiens, certes, sont menacés mais pas condamnés. On devrait en savoir davantage ce lundi soir. Les entrevues, prises de position, rencontres entre les syndicats de restaurateurs et les responsables gouvernementaux ont fini par par porter leurs fruits. Les « coups de gueule » successifs de Philippe Etchebest et de Michel Sarran, dans la presse, en vidéo et sur les réseaux sociaux, ne sont pas demeurés sans suite. Le président de la République et le premier ministre ont fini, après une semaine d’angoisse et d’attente, par écouter les uns et les autre, leur garantir que l’on pouvait renforcer les mesures de sécurité dans des établissements clos ou ouverts, avec terrasses ou non, mais où les distances, les masques, les mesures d’hygiène et les gestes barrière pouvaient être activés avec sûreté. Depuis quelques mois, la profession a été mise à rude épreuve. La Côte d’Azur est sinistrée. Le Carlton à Cannes, une ville qui a vu successivement l’annulation de cinq festivals, foires et marchés (dont le MIPIM en novembre), a purement et simplement décidé de fermer ses portes, après avoir vu sa fréquentation réduite de 75 %. La SBM à Monaco, qui est l’employeur privé n°1 de la Riviera, envisage un plan social d’importance. Ouverts ou fermés, les restaurants vont mal, cherchent de nouvelles solutions. « On se bat comme des fous pour survivre« , note François Delahaye, le directeur du groupe Dorchester, qui rasssemble le Meurice et le Plaza Athénée à Paris, assurant devoir conserver coûte que coûte « le modèle d’artisanat de luxe à la française » que représente la belle restauration. « Rien ne serait pire, assure un grand chef étoilé, qu’un nouveau confinement qui nous laisserait exsangue et nous empêcherait de reprendre notre existence au jour le jour ».

Michelin reporte Cognac

G. Poullennec annonçant la sortie du Michelin à Cognac © DR

Le Michelin a annoncé le report d’un an de sa cérémonie de janvier prochain dans un communiqué tellement alambiqué qu’on y sent bien l’embarras du moment. Premier point à retenir : le Michelin France 2021 sortira bien à la date prévue, mais sans cérémonie et peut-être pas en version imprimée avec une sélection, qui sera annoncée le 18 janvier et, selon son directeur Gwendal Poullennec, sera « l’occasion de pleinement mettre en lumière la profession qui, face à des défis considérables, continue de démontrer un niveau de combativité et de créativité exceptionnel » . Second point : l’accord Michelin/Cognac, avec le département, la ville et les maisons de cognac est purement et simplement reporté à 2022 pour le guide du même millésime. 3e point d’importance : l’année 2021 verra peut être la création d’une édition digitale qui, contrairement à une édition imprimée demandant des délais importants, pourrait permettre aux inspecteurs de travailler plus longtemps, et « quasiment jusqu’à la dernière minute« , tenant compte de la situation de beaucoup de tables étoilées, toujours fermées, provisoirement ou définitivement.

Pierre Gagnaire mise sur l’art

Gagnaire, Adel et la fresque ©  GP

Il est le trois étoiles le plus créatif de Paris, et son énergie comme sa passion nous émeuvent toujours. La rentrée officielle de Pierre Gagnaire, dans son navire amiral de la rue Balzac, devrait se faire lundi 5 octobre avec un neuf décor contemporain signé Marcelo Joulia, sobre, chic et sans chichi, mettant en relief des oeuvres originales et singulières de Adel Abdessemed  (une vaste fresque animalière au plafond), Fabien Chalon (un néon rouge qui invite à prendre son temps), mais aussi Eduardo Chillida, Richard Serra et Antoni Tàpies ou encore David Nash, avec une sculpture en tilleul centenaire. Un cocktail réjouissant réunissait le tout-Paris des arts, des médias, de la gourmandise et des lettres qui fêtait cette révolution artistique comme une pré-inauguration mercredi dernier, prolongé d’un éblouissant dîner marin au Gaya de la rue Saint-Simon.

Mirabaud et Dutreil entrent dans le groupe Ducasse

Renaud Dutreuil et Alain Ducasse © DR

C’est le bon coup financier de la semaine : l’union du fond d’investissement Mirabaud, sous la houlette de l’ex-ministre Renaud Dutreuil, et du groupe Alain Ducasse, qui doit notamment permettre le développement des manufactures de café et de chocolat de ce dernier à l’international. Le rapprochement s’est fait sous le patronage du ministre de la culture Franck Riester, ami des deux protagonistes. Ni le montant de l’apport financier, ni celui du pourcentage détenu désormais dans le groupe Ducasse par le fonds Mirabaud (on parle cependant de 10%, alors qu’AD possède toujours 52 % de son groupe, Elior et un investisseur américain se partageant le reste) n’a été communiqué officiellement. Notons que « Mirabaud Patrimoine Vivant », nom complet du fonds, émanation de la banque Miraband, possède des partitions dans de glorieuses entreprises françaises, comme le Coq Sportif, Mauboussin, Clergerie, Zapa/Tara Jarmon.  « Mirabaud Patrimoine Vivant dispose de 160 M€ investis dans une petite dizaine d’entreprises », a précisé Renaud Dutreuil. Le premier but de l’accord, selon Alain Ducasse, est de tripler le réseau de boutiques dédiées au chocolat et au café sur cinq ans. « Jusqu’à présent, nous faisions venir nos clients dans nos maisons. Maintenant, avec nos produits, nous allons également aller chez eux« , a-t-il ajouté.

L’événement Tortuga

Julien Sebbag © GP

Vous avez aimé Créatures ? Vous allez adorer Tortuga, dédié à l’île des pirates mythique des Antilles, en forme de coquillage géant. Julien Sebbag, qui a travaillé à Tel Aviv, notamment avec Eyal Shani, le génie food israélien de Salon, Beth Romano, Abraxas, Port-Saïd ou Miznon, livre ici sa vision des choses à travers une partition marine et végétale pleine de séduction. Le lieu? Le 8e étage des Galeries Lafayette, revu en roof-top de charme, avec la patte artistique de Franklin Azzi et la logistique du Moma Group de Benjamin Patou. Le service est « dans le coup », la carte des vins mixe avec adresse des choix étrangers et français très séducteurs, les cocktails revisitent les classiques du genre avec brio, la terrasse livre une vue époustouflante sur Paris, avec l’Opéra en voisin et la Tour Eiffel en ligne de mire. Mais c’est bien la cuisine qui tient ici la vedette avec des mets virevoltants, vifs, frais, équilibrés, esthétisants certes, quoique sans chichi. Un événement dont on va vite reparler.

Le nouveau Relais Plaza est arrivé!

Mallek Djabali © GP

C’est une brasserie qui ne ressemble guère aux autres, la plus chic de Paris. Elle était « gouvernée » par le royal Werner Kuchler, qui vient de tirer sa révérence avec 47 ans de présence. Crooner de charme à ses heures, directeur hors pair, personnage de film – il figurait dans « Fauteuils d’Orchestre » de Danielle Thompson, habituée de la maison, comme tant d’autres gens du show biz, des medias, du cinéma. Pour le remplacer, François Delahaye, le directeur du Plaza Athénée, a choisi une femme dynamique, Marie Sauvage, ex « RP », qui tint pendant temps un cabinet de communication fameux avec Sophie Douzal, et qui posséda deux restaurants dont le Sauvage, rue Roy, dans le 8e. On lui souhaite bon vent et l’on sent bien que la maison qui change de tête, change aussi de style. Devenant un « oyster bar » de qualité, se dotant d’un banc de fruits de mer de qualité sous la houlette de l’expérimenté Mallek Dajabali, qui fut 29 ans durant l’écailler de chez Rech. C’est d’ailleurs un peu de l’esprit de Rech qu’Alain Ducasse qui signe la carte avec le chef en place Philippe Marc insuffle ici. On vous en reparle vite.

Megève : ça bouge au Mont d’Arbois

Caroline Michel © GP

Cet hiver, tout change à Megève, côté Mont d’Arbois. Anne-Sophie Pic reprend les rennes du restaurant deux étoiles (« le 1920« ) de Julien Gatillon, qui crée lui un restaurant à nom dans la station à son nom. ASP plus les Rothschild donneront naissance à une nouvelle table: « la dame de Pic-1920 », cette dernière date étant celle, symbolique, qui rappelle la création de la station par la baronne Noémie en opposition à Saint-Moritz « où l’on parlait allemand« . Anne-Sophie Pic va mettre en place une équipe formée par elle, mais qui travaillera aussi bien ses plats signature et ceux de la Savoie, que ceux issus de la Ferme des Trente Arpents, propriété des Rothschild en Seine-et-Marne. La Taverne du Mont d’Arbois, traditionnellement dédiée à la cuisine savoyarde et aux plats à la cheminée, va devenir une table italienne: « la Trattoria du Mont d’Arbois ». Ses plats de tradition montagnarde et la rôtisserie seront repris, eux, à la table de la Côte 2000. Enfin, la jeune Caroline Michel, qui travailla aux Haras des Haeberlin à Strasbourg et qui fut chef à la Taverne du Mont d’Arbois jouera une partition de « brasserie chic » à l’Idéal 1850, ex Idéal Mont Blanc, au sommet du Mont d’Arbois. Rendez-vous mi décembre pour la réouverture de la station.

Manigold anonce Orzo

Stéphane Manigold © Maurice Rougemont

Quatre restaurants ne lui suffisent pas! Stéphane Manigold, qui, en moins de trois ans – un record! -, s’est bâti un petit empire gourmet et gourmand (Substance rue de Chaillot dans le 16e parisien, Contraste rue d’Anjou dans le 8e, Michel Rostang et le Bistrot Flaubert, tous deux dans le 17e), tout en ferraillant (et en gagnant) contre Axa Assurances, en luttant, auprès de Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile de France, pour le droit de garder les restaurants ouverts, s’apprête à lancer « sa » table italienne. Elle s’appellera Orzo, elle visera l’étoile (elles ne sont que trois tables italiennes aujourd’hui à en détenir une, Penati al Baretto, Armani, le George). La maison devrait ouvrir fin-décembre, au 19 rue d’Anjou, juste en face de Contraste, en lieu et place de la pizzeria Miramar, même si le casting du chef n’est pas encore arrêté.

La perle Denon

Anthony Denon ©  GP

Il ne travaille plus au service des autres, signe ses propres cartes, lui qui suivit la trajectoire de Jean-François Piège au Crillon, oeuvra pour Alain Ducasse chez Rech, après le Plaza Athénée, au Louis XV, au Meurice, époque Christophe Saintagne, qu’il suivit d’ailleurs chez Papillon, trace son propre chemin. Anthony Denon, guadeloupéen d’origine, dont le père travailla en brasserie notamment chez Chartier, est devenu le chef star –  et étoilé – de la Table du Connétable à Chantilly, dans la fameuse Auberge du Jeu de Paume créé par l’Aga Khan, en lieu et place de la gendarmerie locale. La maison n’ouvre que quelques soirs par semaine, au déjeuner le week-end, pour quelques privilégiés, qui viennent admirer les gestes des cuisiniers. La cuisine, sous sa vitre transparente, figure une sorte de scène que l’on peut admirer comme au théâtre. Là, une mince équipe s’affaire à composer des mets délicats et fins, comme cette anguille en tourte avec sa fine pâte feuilletée, mariée aux poireaux et aux amandes, qui constitue le morceau de bravoure du moment. Et, en prime, Anthony signe une carte « bistronomique » de haute volée, proposée tous les jours, midi et soir, à l’enseigne du Jardin d’Hiver.

J-F Hesse annonce la cheese-week

Il a créé en 2016 le « Cheeseday » à Paris, salon des fromages et des vins, puis en 2017, à New-York, la « Cheeseweek », semaine de dégustations et d’évènements dans la Big Apple. Jean-François Hesse ne s’est pas endormi sur ses lauriers et après n’avoir pas pu refaire son « Cheeseday » à Paris en 2019 pour cause de manifestations de gilets jaunes et cette année because Covid19, il remet le couvert l’année prochaine du 8 au 14 mars. Mais avec un événement complétement repensé. Fini le salon, place à une grande manifestation comme celle de New York avec des événements dans tout Paris associant les restaurants, bistrots, fromagers, boulangers, cavistes et hôtels de la capitale. Sont d’ores et déjà mobilisés et inscrits : les fromagers Laurent Dubois, Fromagerie Mozart, Fromagerie Vimond, Paroles de Fromagers, Ferme du Hameau, Maison Cheese, les cavistes Cavavin des 14e, 16e et 17e, les bistrots chez Fred, Hugo Desnoyer, le Brandevin, Vins d’Auteur, les restaurants la Closerie des Lilas, le Brach, Nolinski, Palais Royal, le Sinner, le Relais Plaza,le Renoma Café, l’Auberge Bressane, Tosca et l’Hôtel Splendide Royal. Comme il n’est jamais encore trop tard pour bien faire n’hésitez pas à prendre contact avec lui et à venir grossir les rangs de cette « Paris Cheese and Wine Wee »k 2021.

La mort de Taku Sekine

Taku Sekine © DR

Il aura été l’étoile filante du monde de la cuisine tendance, le prince des accords mets/cocktails chez Dersou, l’aubergiste de la street-food du Nord-Est de Paris au Cheval d’Or. Célébré par toute la critique, y compris ce blog, Taku Sekine était jusqu’ici ce jeune père fêté par Good Life, ce fou de musique mis en scène, en bon père de famille par nos amis du Fooding, qui l’avaient consacré lauréat de la meilleure table 2016. Dénoncé comme prédateur sexuel, suspect d’agression sur une jeune cheffe dans sa cuisine, révélée par Julie Mathieu de Fou de Pâtisserie et de Fou de Cuisine, mais sans que jamais son nom ne soit prononcé, enfin livré à la vindicte publique et nommé précisément par l’un de nos confrères sur son site d’information gastronomiques très polémique, faisant fi de la présomption d’innocence et sans qu’une plainte n’ait été déposée, ajoutant même « qu’il aurait pris la poudre d’escampette au Japon », Taku Sekine, qui n’a jamais quitté Paris, a mis fin à ses jours au début de la semaine passée, laissant sa compagne Sarah Berger, son fils de 3 ans, ses collaborateurs et amis dans le désespoir, le doute et l’affliction. Médiapart, qui travaillait depuis plusieurs mois sur des affaires d’agressions en cuisine a décidé de laisser tomber le sujet. Qu’ajouter, sinon qu’avec cette « mort pour rien« , une certaine forme de journalisme, qui se contente d’accumuler des anathèmes et d’accuser sans preuve, ni nul souci de la vérité, est aujourd’hui condamné.

Adieu à Gérard Idoux

Gérard Idoux, roi du soufflé © AA

Il était l’homme des soufflés, celui du tartare si joliment assaisonné, le roi des « RP » et l’empereur de sa terrasse où il recevait, au Récamier, le tout Paris en goguette. Les éditeurs, les ministres, les députés, les sénateurs, les gens de médias, du show biz, du cinéma étaient ici chez eux. Entre Anne Hidalgo, Gérard Depardieu, Mathieu Ricard et Christine Kelly, on venait ici refaire le monde. Atteint successivement de trois cancers, soigné par le spécialiste David Khayat, Gérard Idoux assurait le service chaque jour, entre deux séances de « chimio ». Il ouvrait du lundi au dimanche, pratiquait le non stop avec alacrité, bravait ainsi la camarde qui a fini par le rattraper dans la nuit de mardi à mercredi dernier. Il est mort dans son sommeil, discrètement et sans bruit, lui qui était partout chez lui. Il courait le monde avec passion, avait été reçu à Rome par le pape, participait à Tel Aviv à la semaine gourmande « So French So Food », avait vécu trois ans au Liban. Ancien élève de Gilbert Trocellier chez Ledoyen, chez qui il avait appris l’art du soufflé, chef, un temps, sur l’Orient Express, pour un parterre (roulant) de gourmets de luxe, il reçut timidement le beau monde venu s’encanailler à la Cigale rue Chomel; dans le 7e, près du Bon Marché, où Lionel Poilâne, le boulanger des merveilles, son voisin, le découvrit. Et grâce à qui il racheta le Récamier, alors étoilé, de Martin Cantegrit. Il démocratisa cette dernière enseigne, baissant les prix, en rajeunissant l’esprit, jouant le rôle d’aubergiste pour tous. Et c’est vrai que nous l’aimions tous. Tu nous manqueras, Gérard!

Les chuchotis du lundi : la grand-peur du reconfinement, Michelin reporte Cognac, Gagnaire mise sur l’art, Dutreil soutient Ducasse, l’événement Tortuga, le nouveau Relais Plaza, ça bouge au Mont d’Arbois, Manigold lance Orzo, la perle Denon, Hesse annonce la cheese-week, la mort de Taku Sekine, adieu à Gérard Idoux” : 5 avis

  • Oliviero Yannig

    Bel hommage au chef Takou Sekine, des la semaine dernière je me suis désabonné de Atabula, d’autant plus que manifestement il s’apprête á recommencer avec d’autres cuisiniers dont il a déjà publié certains noms. Un triste personnage

  • Un grand Merci pour votre article sur Taku Sekine

  • Klipfel

    CE BEAU MÉTIER , QUE DIS JE : CE TRÈS BEAU MÉTIER MÉRITE DES TRENTES GLORIEUSES À NOUVEAU SANS CE VIRUS DE MERDE ET SANS TRUMP ALORRRRRS

  • Marchenais

    Belle hommage à Takou Sekine, Courageux de votre part d’écrire un tel article en ces temps de vindicte gratuite. Tom

  • Excellent papier sur Takou Sekine!
    Bravo, on est tous triste d’abord, puis en colère en suite
    Quand à Atabula, je me désabonne

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