Le premier roman du scandale

Article du 17 août 2020

La rentrée littéraire n’a pas encore débuté, ce livre n’est pas encore sorti (il paraît le 19 en librairie), mais il fait déjà scandale. Il s’agit d’un premier roman, au titre proustien, signé du philosophe et chroniqueur Raphaël Enthoven. Qui y évoque son enfance malheureuse, les gifles à répétition de son beau-père Isidore, l’indifférence affectée de sa mère mais aussi celle, attachante dans l’indifférence feinte, de son père Jean-Paul (avec qui il publia un « Dictionnaire Amoureux de Proust » très remarqué), son apprentissage intellectuel de « sale gosse » turbulent, mais doué, à qui le meilleur de l’avenir est promis. Les études sérieuses à H4, Normale Sup, l’agreg de philo (même après un premier ratage), l’amitié avec le tout-Paris, dont le plus fidèle des compagnons de son père, Elie (où chacun reconnaîtra BHL), son mariage mondain (avec la liste au Printemps « pour faire plaisir à François Pinault« ). Le narrateur de cette « Recherche du Temps Gagné »-, qui démarre comme un clin d’oeil à « Vipère au Poing », s’étale aussi sur ses conquêtes, son intimité (détails scatologiques à l’appui) avec Faustine, sa première épouse (en laquelle il n’est guère difficile de reconnaître Justine Lévy, qui avait évoqué leur liaison/désillusion dans « Rien de Grave »), sa conquête de Carla Bruni (devenue « Béatrice », ex championne de tennis, future chanteuse et guitariste), chipée à papa. Bref, c’est règlement de comptes à Saint-Germain-des-Près. Mais Raphaël Enthoven a du talent, le sens de la formule (« Beatrice au milieu de ces singes, c’était Candy chez les morts-vivants »), trousse avec un réel brio ses cinq cent pages, qu’on avale en brefs et bouillonnants chapitres. Ce Proust contemporain sait écrire court, lisser ses rencontres et ses portraits avec une malice cursive, prenant plaisir à mixer les références, mélangeant Sylvester Stallone et Clément Rosset, Rambo et la Comtesse de Ségur. C’est drôle, méchant, narquois, critique, jamais complaisant. L’auteur/narrateur n’en sort guère indemne. Et c’est, assurément, le plus désopilant des premiers romans de la rentrée.

Le Temps Gagné de Raphaël Enthoven (les Editions de l’Observatoire, 528 pages, 21 €).

 

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Publié le 17 août 2020 par

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