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Les chuchotis du lundi : Paris qui pleure, Charial qui rit, à Bordeaux Bernard Magrez ferme la Grande Maison, Sombardier dit adieu à Antoine, Wahid arrête chez Costes, Sato rachète Hiramatsu à Faugeron, Allano et les vignerons de Grignan, la Mère Germaine revit à Châteauneuf-du-Pape

Article du 27 juillet 2020

Paris qui pleure

Bruno Guéret au Fouquet’s © GP

« Une ambiance de fin du monde« , c’est le juste constat que fait le serial instragrameur aux plus de 100000 followers, Morgan Abbou, en constatant que Paris en juillet est quasi désert, malgré quelques îlots ici et là, comme le George, la table italienne du Four Seasons George V – qui ne rouvre, lui, qu’en septembre alors que sa table trois étoiles, celle de Christian le Squer, ne rouvrira, elle, que le 14 octobre – après six mois d’absence. « Les Champs-Elysées sont sinistrées, notre clientèle n’est pas là et celle qui vient nous rendre visite le soir n’est pas la bonne…« , confie Bruno Guéret, le chef exécutif du Fouquet’s. La brasserie mythique des Champs, à l’angle de la rue George V, vient d’ailleurs de fermer ses portes ce dimanche. Elle devrait rouvrir, comme l’Hôtel Fouquet’s Barrière d’ici un mois. Géraldine Dobey, directrice du palace doré de l’avenue George V,  annonce en effet la réouverture de sa maison et sa table « le Joy » pour le 24 août. Même date choisie par le Crillon, qui, lui, a ouvert, en attendant, une camionnette à  glaces, devant son entrée, place de la Concorde, et que le Ritz, qui, lui, s’est offert un corner pâtisserie avec les créations de son orfèvre sucré François Perret, devenu une star sur Netflix. Une manière sans nul doute pour les palaces parisiens en manque de touristes et de « belle clientèle », ayant déserté la capitale pour la Côte d’Azur, d’assurer un service minimum. Le Peninsula, on le sait, a ouvert sa terrasse sur l’avenue Kléber et le panoramique Oiseau Blanc, sous la signature de David Bizet. Pour le Bristol, le Plaza-Athénée, le Meurice, le Lutetia, le Shangri-La (qui a annoncé la semaine passée la fermeture définitive de l’Abeille), la rentrée devrait se faire le 1er septembre.  Seul rescapé du naufrage des palaces à Paris en ce troublant été 2020, la Réserve de Michel Reybier, avenue Gabriel, affiche complet, avec ses 40 chambres prises d’assaut par une clientèle, parfois venue en France en jet privé, et qui ne sait guère où se loger. La table, au patio, très bucolique, avec une prestation gourmande et voyageuse, signée Jérôme Banctel, à l’enseigne des Pagodes de Cos, figure, elle, au « top » de la qualité de  la capitale française aujourd’hui. Quant à Cheval Blanc, qui devait ouvrir avant l’été dans la Samaritaine, il reporte tout bonnement son ouverture au printemps de l’an prochain.

L’accueil à la Réserve © GP

Jean-André Charial qui rit

Jean-André Charial © GP

« C’est la catastrophe, dit en riant Jean-André Charial. Je ne sais vraiment pas comment loger mes confrères en vadrouille en Provence, ni trouver de tables pour mes amis qui veulent visiter le nouvel Oustau. Nous sommes archi-complets jusque fin août. Il n’y a même pas une place pour glisser une tête d’épingle. » Tandis que ses confrères parisiens se lamentent du trop peu et du vide, Jean-André, en bon calviniste peu porté à l’emphase, n’est pas du genre à se vanter, ni à crier victoire, même si avoir reçu l’onction des 3 étoiles 30 ans presque jour pour jour après les avoir perdues en est bien une. Son chef, Glenn Viel, présent là depuis 5 ans, et que ses amis, comme Nicolas Sale, son ex boss au Kilimandjaro nomme « Glenator », a révolutionné le style maison, mais avec sagesse, sans oublier les classiques. A côté de l’agneau en croûte des Alpilles et du millefeuille Baumanière, les nouveaux plats comme « les couteaux les pieds dans l’eau », « la laitue serrée » et « l’anchois en marinade », sans omettre le chef d’oeuvre du moment qu’est le saint-pierre à la broche avec sa crème triple et son caviar Shrenki, donnent envie à toute la planète gourmande de revisiter l’Oustau de Bauminière. Cette semaine, ce sont les Conte de Veyrier-du-lac qui étaient au rendez-vous.

Glenn Viel et les Conte © GP

A Bordeaux, Bernard Magrez ferme la Grande Maison

Bernard Magrez © GP

Bernard Magrez n’a jamais été un poète, mais assurément il sait compter. Il vient de rééditer avec Pierre Gagnaire la situation vécue il y a cinq ans avec Joël Robuchon. L’homme aux quarante châteaux (et une fondation d’art au coeur de Bordeaux), que d’aucuns surnomment « l’oncle Picsou » dans le Médoc, avait ouvert la Grande Maison avec Robuchon, lui assignant pour but la conquête des trois étoiles, qui auraient été les premières du genre en Gironde. JR, le chef le plus étoilé du monde n’en ayant obtenu que deux, après treize mois d’exercice, Magrez s’en était séparé, arguant du manque de clientèle haut de gamme à Bordeaux et choisissant, à partir du printemps 2016, une formule apparemment moins coûteuse avec Pierre Gagnaire et son ex chef de Hong-Kong Jean-Denis Le Bras. Toujours pas de 3e étoile en vue… Voilà qu’avec la neuve crise sanitaire, la Grande Maison annonce sa fermeture, invoquant la situation économique liée à la pandémie… «Eu égard aux incertitudes liées au Covid, nous fermerons la Grande Maison le 16 août jusqu’à un horizon actuellement indéterminé. Nous avons perdu et allons continuer à perdre longtemps notre clientèle étrangère et au-delà une bonne partie de notre clientèle française. Cela en raison des problèmes économiques que nous allons à coup sûr subir en fin 2020 et 2021. Bien sûr nous rouvrirons quand la situation économique sera plus claire » explique Bernard Magrez. Incompréhension et regrets du côté de Pierre Gagnaire, surpris et déçu par cette annonce, qui déclare de son côté : « Je suis très déçu et très triste pour mes équipes et pour Bordeaux. Le restaurant était complet midi et soir, la clientèle étrangère ne nous manquait pas pour l’instant. Nous respectons énormément Bernard Magrez et sa décision, nous avons passé quatre années formidables. C’est dommage que ça se termine comme ça, car nous pensons qu’il y a un avenir pour la gastronomie à Bordeaux. C’est pour ça d’ailleurs que j’y reviendrai avec mon équipe qui restera fidèle, nous étudions plusieurs possibilités ». Et il ajoute en privé : « Cet homme est extraordinaire mais totalement imprévisible. Son goût du pouvoir et de l’argent le rendent dingue. On ferme le 15 au soir. Décision brutale alors que le restaurant est complet depuis la réouverture. »

Thibault Sombardier dit adieu à Antoine

Thibault Sombardier © GP

i vous êtes fan d’Instagram, vous savez tout du devenir de Thibault Sombardier, qui vient en effet de révéler sur son fil d’actualité la fermeture de sa table étoilée de l’avenue de New-York. « Le restaurant Antoine ne réouvrira pas ses portes à la rentrée. Nous avions prévu d’effectuer de gros travaux de décoration durant l’été car depuis quelques années l’envie de changement nous titillait. Finalement la crise actuelle nous conforte dans l’idée d’évoluer mieux ailleurs. De manière personnelle j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec mes équipes pour proposer mon idée de la cuisine dans ce beau restaurant. J’ai l’impression d’avoir tellement évolué depuis 8 ans ! C’est pourquoi je tourne cette page avec sérénité et excitation pour construire un projet, toujours avec mes partenaires et investisseurs les plus fidèles, dont l’essence sera plus proche de ce que je suis devenu aujourd’hui. Parfois, les crises que nous traversons tous nous permettent de belles opportunités. Je vous retrouve très vite pour vous emporter avec moi dans mon univers culinaire. Merci à tous mes collaborateurs et mes fournisseurs. En attendant mes bistrots sont toujours à fond ! » On rappelle que Thibaut Sombardier, étoilé chez Antoine (où il valait assurément un 2e macaron), est chez lui dans le 19e chez Mensae, dans le 13e chez Sellae, et, en partenariat, chez Jacopo dans le 8e.

Sylvestre Wahid arrête chez les Costes

Sylvestre Wahid © GP

Une autre victime de la crise économique liée à la pandémie : Sylvestre Wahid, deux étoiles, au premier étage de l’hôtel Thoumieux. La maison ne rouvrira pas ses portes. La brasserie, elle, devrait elle réenvisagée dans l’objectif plus tendance des Costes, Thierry et Gilbert, propriétaires du lieu. Sur son compte instagram, Sylvestre Wahid fait ainsi ses adieux provisoires :  » Bonjour à tous! … Le restaurant gastronomique Sylvestre de l’hôtel Thoumieux ne réouvrira pas ses portes. L’établissement fait partie de tous ceux qui ont souffert de la crise économique découlant du covid. Les cinq années passées dans ce cadre d’exception , entouré d’une équipe motivée et jeune, resteront un merveilleux souvenir! Merci à tous ceux qui ont contribué à la préservation d’une table de qualité en maintenant les 2 étoiles au guide Michelin, merci à India Mahdavi pour avoir su créer le monde végétal que je souhaitai pour ce lieu, merci à Isabelle Poupinel pour sa fabuleuse création de vaisselle , légère, raffinée, sculpturale..de vraies œuvres d’art! Merci à tous mes fournisseurs, vous qui souffrez aussi de cette pandémie..Merci à vous, nos clients, qui nous donnez chaque jour l’envie de créer, de goûter, de partager.. Maintenant l’histoire va continuer, ailleurs… autrement … c’est tout un monde gastronomique qu’il faut repenser… le monde nous envoie un signal, il est crucial de l’entendre. Nous payons le prix d’une consommation déraisonnée, sans respect pour le vivant… le challenge sera important mais au combien nécessaire si nous voulons, nous chefs, continuer à faire rêver, à donner du plaisir et perdurer dans le temps! Et pour conclure, Je citerai Churchill : « Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est peut être la fin du commencement ». À très vite et prenez soin de vous!.  » A bientôt donc, pour d’autres aventures.

Shinichi Sato rachète Hiramatsu à Henri Faugeron

Guillaume Guedj et Shinishi Sato © Maurice Rougemont

On l’avait perdu de vue depuis son départ de Passage 53 où il avait conquis les deux étoiles. Il était d’ailleurs le premier chef japonais à avoir réussi cet exploit en 2011.  Il avait ensuite, avec son associé Guillaume Gedj, ouvert un puis deux gyoza bars. Né à Hokkaido en 1977, Shinichi Sato, formé sous les ordres de Makoto Ishii à l’Enoteca Sapporo, gagnant la France en 2000, se frottera à la grande cuisine française auprès de Pascal Barbot pendant deux ans à L’Astrance, puis se perfectionnera en Espagne au Mugaritz près de San Sebastian durant une saison. Le voilà qui revient au faîte de l’actualité en rachetant, avec un partenaire financier japonais, l’ex-restaurant d’Henri Faugeron, qui fut un temps celui d‘Hiramatsu, au 52 rue de Longchamp. La maison devrait rouvrir l’an prochain sous son nom après de grands travaux.

Julien Allano et les vignerons de Grignan

Julien Allano et Cédric Perret © GP

Le nouveau bistrot de Julien Allano, le chef étoilé du Clair de la Plume à Grignan dans la Drôme? « Le Café des Vignerons », créé en partenariat avec l’association des vignerons de l’appellation Grignan-les-Adhémar, dont on sert ici les vins dans les trois couleurs. Dans l’ancien « Grenier à Sel », un restaurant de village à deux pas de la statue de Mme de Sévigné et du château de sa fille Françoise, Allano y propose depuis cette semaine, avec son pâtissier Cédric Perret, des tapas (chauds et froids), mais aussi sucrés de qualité. C’est l’un des bon coûts de l’été 2020 en Provence, entre Valence et Avignon. On en reparle.

La Mère Germaine revit à Châteauneuf-du-Pape

Agathe Richou et Camille Lacome © GP

La Mère Germaine? C’était Germaine Vion, qui fut la mère étoilée de Châteauneuf-du-Pape et y reçut, à partir de 1922, le tout Paris descendant vers le Midi, de Mistinguett à Gabin, de Fernandel à Gaby Morlay. Le lieu, qui a gardé sa façade rétro, a été racheté par Isabelle Strasser, passionnée de gastronomie, qui a confié au facétieux Hippolyte Romain le soin  d’imaginer des fresques colorées. Aux fourneaux, un jeune couple, Camille Lacome et Agathe Richou, pourvu d’un beau parcours, va redonner des lettres de noblesse au lieu. Lui, natif de Bagnères de Bigorre, a oeuvré avec Philippe Labbé à la Tour d’Argent et Christophe Roure au 9ème Art à à Lyon. Elle, native de Niort, pâtissière de talent, a également travaillé à la Tour d’Argent, où ils se sont rencontrés, puis chez Christophe Pelé au Clarence. Le lieu est tout jeune, mais le service déjà rodé, la carte des vins bien fournie et les menus ont du répondant. Etoile en vue…

Le décor et les fresques © GP

Les chuchotis du lundi : Paris qui pleure, Charial qui rit, à Bordeaux Bernard Magrez ferme la Grande Maison, Sombardier dit adieu à Antoine, Wahid arrête chez Costes, Sato rachète Hiramatsu à Faugeron, Allano et les vignerons de Grignan, la Mère Germaine revit à Châteauneuf-du-Pape” : 6 avis

  • Bertrand G

    Quelle morgue de la part du sieur Gueret ! Je lui souhaite un chômage peu luxueux !

  • Didier

    Les commentaires concernant le Fouquet’s et ses manières de considérer son public sont troublants. Il faut que Bruno Guéret nous transmette sa définition d’une « bonne clientèle » afin que chacun sache comment il est susceptible d’être catégorisé lors d’un repas dans cette maison.

  • ÉRIC L

    Encore un coup des gilets jaunes. Comme dit Gabin dans la Traversée de Paris: salauds de pauvres !

  • YAYA

    Cela signifie très probablement qu’il s’agit de pauvres qui n’ont pas l’air assez vieux bourgeois et qui ne dépensent pas assez. Ils osent prendre seulement un verre de vin à 17 euros en terrasse. C’est très probablement gerbant.

  • ÉRIC L

    Le Fouquet’s: « la clientèle du soir n’est pas la bonne ». Il y aurait donc une « mauvaise » clientèle et une « bonne »? J’y vois comme une once de mépris…

  • Bertrand

    Que peut bien signifier « notre clientèle n’est pas là et celle qui vient nous rendre visite le soir n’est pas la bonne »?
    Est-ce du profond mépris pour des clients, où y a-t-il une autre explication?
    Propos incendiaire et irresponsable.

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