Le Louis XV - Alain Ducasse à l'Hôtel de Paris
« Ducasse à Monaco: l’homme de la Riviera »
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Il est l’homme aux trente et quelques maisons, aux dix-neuf étoiles, aux tables sur tous les continents. Un Spoon à Maurice, un Beige à Tokyo, un Mix à Las Vegas, Adour à New York, le Dorchester à Londres, sans omettre ses demeures françaises (Abbaye de la Celle, Bastide de Moustiers), plus l’Andana en Toscane et une toute neuve école de cuisine au Brésil, ne font pas oublier qu’Alain Ducasse, natif d’Orthez, élevé dans une ferme landaise, à Castelsarrazin, demeure, d’abord et avant tout, un amoureux de la Méditerranée et que son domaine premier se trouve à Monaco, le bastion d’où est partie sa gloire.
Monégasque, il l’est d’ailleurs devenu pleinement, endossant la nationalité de la Principauté, ce qui couronnait vingt ans d’action au service des Grimaldi et de leur Société des Bains de Mer. Le Bar et Bœuf, le Grill de l’Hôtel de Paris, mais surtout le Louis XV, où il faut venir le découvrir, dans un cadre très Pompadour grand siècle, content sa manière avec acuité. « Riviera » est le titre d’un de ses livres. C’est sous ce label que travaillent ses deux maîtres d’œuvre, Franck Cerutti et Pascal Bardet. L’un, natif de Nice, a longuement travaillé chez Pinchiorri à Florence, pratiquant la grande cuisine transalpine avec élégance. L’autre, originaire de Figeac dans le Lot, a su se couler, au fil des expériences (notamment au 59 Poincaré), dans le moule forgé par le maître.
Tout ce qu’ils proposent, dicté par l’esprit Ducasse, est d’une virtuosité totale et d’une technicité sans faille. Primeurs crus servis avec une fabuleuse tapenade mouillée d’anchois et des barbagiuans, ces raviolis craquants typiquement monégasques, soupe passée de petits pois avec gnocchi de ricotta à l’œuf de caille ou risotto aux asperges vertes font très « paysans en botte de cuir », avec sincérité, franchise, sans jamais trahir leur accent de vérité. D’ailleurs le registre apparemment simple des pâtes, des pains, des risotti est tout simplement chez lui exceptionnel.
« Mieux vaut le turbot sans génie, que le génie sans turbot », a coutume de dire Alain Ducasse, manière d’insister sur le fait que la grande cuisine est d’abord le traitement « souverainement simple » de merveilleux produits. Hier soir, c’était comme un récital. Rôdé, peaufiné, réglé comme du papier à musique sous la houlette du duo Cerruti/Bardet. Les tripettes de stockfish, les gnocchi de ricotta aux écrevisses pattes rouges ou les pâtes imprimées à l’épeautre aux grenouilles et mousserons qui révèlent une cuisine rustique au sommet.
Et puis? Le loup piqué d’olives ou la canette de Bresse au citron de Menton et poivre noir avec leurs navets fondants, leurs mini betteraves rouges jouaient du même registre. Les desserts (cerises poêlées au kirsch et allumette à la vanille, glace au lait entier et fleur de sel avec croquant caramel au caillé de brebis, tarte choco/framboise, avec son sorbet au chocolat fort et son jus de fruits rouges, baba au rhum JM) étaient, sont, seront à se pourlécher.
Tous ces mets, servis dans une salle chantournée et charmeuse, avec ses ors, ses stucs, son buste de la belle marquise chère à Louis le Bien Aimé, constituent des moments de grâce. Il y a encore les vongole, gamberoni, pistes, poulpe de roches et haricots cocos en salade ou l’agneau frotté de piment d’Espelette: mets de raison et de caractère. Plus les grands vins d’une cave à l’unisson, avec la Provence en majesté, mais aussi le meilleur de la Bourgogne et les grands crus bordelais en ligne de mire.
On n’oublie pas, non plus, un service au mieux de son sujet, qui sait sourire, conseiller, raconter, se faisant complice sans être familier. Bref, un résumé de l’esprit ducassien dans ses détails les plus infimes et les plus sereins. Dites, la vérité des choses, selon Saint Ducasse, globe trotter et « gobe monde », serait-elle à Monaco ?
