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Hostellerie Jérôme

« Il y a un sorcier à la Turbie »

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Article du 3 juin 2011

Oubliez la Côte d’Azur, ses palaces dorés, ses prix ronflants, ses rosés au prix des grands médocs, ses maîtres d’hôtel empesés, son lustre et ses rotondes. Filez plein cap vers Menton et l’Italie, sur la haute Corniche. Arrêtez-vous à la Turbie, découvrez le « trophée des Alpes », monument romain symbolisant le triomphe d’Auguste sur les tribus ligures et faites halte chez Bruno et Marion Cirino. Il y a de la magie dans l’air, du génie aussi, de la passion, de l’enthousiasme, de la ferveur, comme rarement ailleurs.

Cirino? Vous le connaissez bien sûr, même si vous l’avez un peu oublié. Il est crédité de deux étoiles chez Michelin, pourrait aisément en valoir trois, n’est pas médiatique pour un sou, est capable d’accomplir 150 km aller/retour chaque jour, pour faire son marché en Ligurie. Va choisir ses légumes à San Remo et ses poissons à Imperia. A travaillé jadis avec Jacques Maximin, pour lequel il inventa jadis, c’était au temps du Négresco, la fameuse courgette fleur au beurre de truffe, a été chef saucier à la Bonne Auberge à Antibes, lieutenant de Ducasse au Juana à Juan les Pins, chef, sous sa gouverne, au Grand Hôtel de St Jean de Luz, puis chef tout court au Château Eza d’Eze Village, avant d’oeuvrer à Paris au Vernet et au Royal Monceau.

Ce natif de Campanie, boulimique de travail, est venu, à l’âge d’un an en France, côté Alsace, avec sa famille (nombreuse) en France. Il est élevé à Wisches, dans la vallée de la Bruche, fait ses premières armes, à 14 ans, au Parc de Marc Wucher à Obernai, n’oubliera pas le Grand Est, en devenant second aux Vannes à Liverdun, près de Nancy, crédité alors de deux étoiles. Ce chef hors pair, capable de se lever aux aurores pour s’en aller cueillir des herbes en montagne, dénicher un fruit rare ou une fleur comestible dans un marché provençal, est une sorte de sorcier fou de son métier. Il a trouvé son havre à la Turbie, reprenant la bonne vieille hostellerie Jérôme qui s’était endormie du sommeil du juste. Propose cinq chambres douces, tranquilles, panoramiques, qui font découvrir la mer depuis leurs hauteurs, ne sert que le soir au « gastro », a ouvert avec succès un Café de la Fontaine sur la place du village, où il sert cent couverts (heureux) par jour et qui lui apporte la paix financière.

Le grand Cirino, le vrai Cirino, on le découvre dans ses cuisines, à l’ombre de sa maison plusieurs fois centenaire et couverte de lierre. Marion, son épouse, qui fut harpiste au Royal Monceau, veille sur lui en supportrice géniale et dévouée. Elle a appris l’italien et le russe pour mieux comprendre les désirs de ses clients (argentés), composé, en trois ans, une cave de 15000 bouteilles, où le meilleur de partout, et singulièrement de la Bourgogne dont elle est originaire, se trouve mis en valeur, avec verve, terroirs, millésimes, propriétaires savamment précisés et tout ce qui se propose, en salle, sous les voûtes peintes, ou en terrasse, face au village, est d’une sérénité totale.

Un repas signé Cirino, dans son auberge croquignolette de la Turbie? Une symphonie somptueuse, douce, fraîche, légère, équilibrée. Il y a les asperges violettes dites « il violetto di Albenga », étuvées aux truffes noires et émulsion de comté, les gamberoni rouges grillés avec leur jus Bellini à la menthe, leur pêche blanche, la mirifique, esthétique et savoureuse, composition de calamars grillés, peaux, fleurs et fleurs de courgettes et petites pâtes à l’encre: simplement génial! Les maîtres peuvent ici revenir à l’école, les Ducasse reprendre des cours, les Raimbault réapprendre la finesse et Maximin la modestie. Cirino est un maître, c’est sûr, et avec Jacques Chibois, le Limougeaud artiste de Grasse à la Bastide Saint-Antoine, le chef le plus raffiné de la côte. L’homme aux doigts d’or!

On ajoute la langoustine rôtie sur une croûte d’amandes nouvelles à la verveine, dont aimerait boire le jus vif et frais, la darne de pageot servie dans une soupette de rascasse safranée, qui fait la plus délicate des bouillabaisses du monde, le rouget de roche à l’infusion de fenouil sauvage, puis, pour montrer que cet amoureux de la mer pratique le produit terrien et carnassier avec art, la volaille élevée en complète liberté dans le Lauragais au citron de Menton ou encore le cochonnet bio en deux services avec sa porchetta dite « nature » revue façon presskopf en gelée (un Alsacien même d’adoption ne se refait pas!), sa côte au coulant de haricots calabrais avec la terrine d’ail doux au gros sel.

Les desserts ont toujours été une partie forte du bonhomme, haut comme trois pommes, rond comme un gourmand qui n’ignore pas ses péchés naturels. Ils le demeurent en finesse, légèreté, digestibilité. Ainsi, le soufflé de ricotta au citron et aux cerises aigrelettes, l’angélique de montagne (aux airs de rhubarbe), tiède, confite à la vanille avec glace du même fruit noir, sorbet crémeux, onctueux, épicé au panforte avec pistache, façon nougat léger.

On passe sur les jolis vins, commentés avec verve par Marion (blanc du château de Bellet signé Charnacé, volnay générique de Michel Lafarge, muscat de Lunel, malvoisie de Lipari) en louant ce sorcier fou de cuisine, ce discret capable de disserter de son art à l’infini pour peu qu’on l’y pousse, ce classique né qui réinvente la tradition au gré des trouvailles du marché et de la marée, cet homme de l’Est et du Sud à la fois, qui réconcilie ses racines contrastées avec une science précise, rare, passionnée. Bref, il est temps de rendre justice à Cirino et le placer au sommet des élites de son métier.

Hostellerie Jérôme

20, rue Comte de Cessole
06320 La Turbie
Tél. 04 92 41 51 51
Chambres : 95-150 €
Menus : 70, 130 €
Fermeture hebdo. : Tous les midis. Lundi, mardi
Site: www.hostelleriejerome.com

A propos de cet article

Publié le 3 juin 2011 par

Hostellerie Jérôme” : 2 avis

  • lesage

    j’ai etait son discipliue en patisserie au roya monceau avec equipe christophe ple johanatan wahid cete top un enorme chef respect chef

  • Silli

    Je crois pour avoir eu et supporté !!! Bruno comme chef au Vernet et Royal Monceau a Paris pendant plus d’une decennie qu’il est arrivé a exprimer aujourd’hui tout son talent tout en etant en progression costante et peut encore faire mieux. Un seul petit detail son risotto n’est pas encore au top pourtant c’est facile si on ne francise pas trop la recette Solivares au Taillevent execute son risotto d’epautre comme on le fait chez moi a Venise en le mouillant au vin blanc c’est qui serait faisable pour donner au risotto une french touch c’est d’utiliser du champagne a la place du prosecco ou un mousseux de Bourgogne pour faire plaisir a Marion ……

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Hostellerie Jérôme