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Les chuchotis du lundi : le déconfinement c’est aujourd’hui, Genève sinistrée, Saint-Tropez se réveille, l’Auberge de l’Ill se réinvente, Rego et Casarrubias unissent Brésil et Mexique, Fanny Herpin au Camondo, Bizet démarre, Roucheteau prend son envol, Dani Garcia à NewYork, Duboué ferme la Dalle

Article du 15 juin 2020

Le déconfinement c’est aujourd’hui

Le nouvel Allard © DR

Ils se préparaient à rouvrir le 22. Ils sont dès aujourd’hui, 15 juin, sur le pied de guerre. Suivant les instructions données hier soir par le président Macron, qui a pris tout le monde de court, les restaurants parisiens pourront enfin accueillir  les clients à l’intérieur, comme ceux de province, à condition, bien sûr, de respecter les nouvelles normes sanitaires, comprenant séparation de tables, distance d’1 mètre obligatoire, service masqué, gel à l’entrée. Champion du monde de l’organisation, Alain Ducasse rouvre Allard à 80% de sa capacité, prenant l’avis de médecins de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et ayant travaillé sur la qualité de l’air dans la salle avec une installation de l’architecte-ingénieur Arnaud Delloye. Une installation à 45 000 euros qui permet » que tout se passe comme si chaque table était placée sous une cloche virtuelle dynamique« , assure Delloye dans Les Échos. Fin prêt également à rouvrir, Christophe Joulie, ouvre huit de ses brasseries sur 14 d’entre elles, ce lundi avec le Congrès Auteuil, le Congrès Maillot, chez André, l’Européen, le Bistrot de la Gare, le Boeuf Couronné, le Wepler. Mardi, ce sera au tour de Batifol, Chartier Montparnasse, Sébillon. Chartier Grands Boulevards, la plus populaire de ses adresses, ne sera pas ouvert avant le 22. Du côté des palaces, dont la plupart sont fermés, on s’interroge encore. On attend la date de réouverture de la Cour Jardin au Plaza Athénée. Alors qu’au Four Seasons, si riche en belles tables de toutes sortes, on n’annonce que celle de l’Italien George où officie Simone Zanoni. Le motif: elle seule possède une ouverture directe sur l’avenue George V.

Genève sinistrée

Julien Schilacci et Alessandro Cannata au Métropole © GP

Julien Schillaci remercié après quinze ans de bons et loyaux services au Parc des Eaux Vives et, en parallèle, trois ans à l’hôtel Métropole, Benjamin Breton, chef nouvellement étoilé du Fiskebar au Ritz-Carlton Hôtel de la Paix, de l’autre côté du lac, également remercié, le Richemond, l’un des palaces historiques de la ville de Calvin, pourtant appartenant au même milliardaire malais que le Four Seasons des Bergues, carrément fermé avec un chef de grand talent Philippe Bourrel, ancien du Taillevent et du Plaza Athénée, mis à pied avec toute sa brigade, son voisin immédiat le Beau Rivage fermé et le restaurant étoilé le Chat Botté en stand-by, devant rouvrir avec une nouvelle formule non gastronomique, « by Dominique Gauthier », sur la terrasse, le 17 juin, si le temps le permet, sans omettre le Bayview, table étoilée de l’hôtel du Président Wilson, signée Michel Roth, toujours fermée, jusqu’à quand? Que se passe-t-il donc à Genève, cité gourmande des affaires, porte de la Suisse vers la France, sans touristes, donc sans avenir précis et immédiat? A la Réserve de Michel Reybier, au hameau de Bellevue, la valse des chefs continue : le chef exécutif Emmanuel Horclois, qui devait redonner son lustre au Loti, après le départ de Virginie Basselot, n’aura pas fait long feu comme chef exécutif d’une demeure qui abrite le chinois étoilé Tsé Fung. Le Loti, lui, n’ouvrira pas cet été…

Saint-Tropez se réveille

Alessandro Caria © GP

La perle touristique du Var, qui annonce quelques nouveautés se réveille lentement après un long confinement. Les restaurants de plage ont été plus rapides à rouvrir que les hôtels. Celle du Byblos où officie Rocco Seminara, boulevard Patch, a accueilli ses clients une semaine avant le mythique hôtel, qui ouvrira lui le 17 juin. La Réserve, havre de paix sur son cap à Ramatuelle, a réouvert, très tôt, mais avec une restauration plus simple, sans les agiletés deux étoiles d’Eric Canino. En revanche, sa table de bord de mer, sur la plage de Pampelonne, continue de séduire, dans un cadre de cabanon chic et boisé signé Philippe Starck, avec des choses fines, tendances, élaborées par Nicolas Cantrel, ligérien passé dans le groupe Ducasse. Parmi les nouveautés, Alessandro Caria, milanais passé en maison privée, signe la cuisine désormais italienne de l’Isoletta à la Bastide de Saint-Tropez. Dont l’ancien chef, Philippe Colinet, officie désormais au Sezz qui, lui, ouvre ses portes le 26 juin en fêtant ses dix ans. Nouveauté encore, la Messardière, rachetée par Stéphane Courbit, propriétaire du groupe les Airelles, annonce sa réouverture pour le 25 juin, après rénovation, avec une nouvelle équipe, un directeur qu’on connut à Courchevel et Four Seasons George V à Paris (François Arrighi) et un nouveau chef, le napolitain Giovanni Amato, passé chez Robuchon Monaco et au Monte Carlo Beach avec Paolo Sari. On attend encore l’historique Café, place Lices, sous la houlette du groupe Brémond/Famose qui gère déjà le Girelier, la Petite Plage et l’Italien sur le port. Au Pan Dei Palais, qui rouvre le 25 juin, redécoré par Christophe Tollemer, la restauration sera italienne, dans un design épuré et sous l’enseigne de Dolceva. Quant à l’ex trattoria chic Dolceva de rue des Feniers, elle devient le Zetta sans vraiment changer de genre.

L’Auberge de l’Ill se réinvente

Marc Haeberlin © GP

« On avait un restaurant avant le confinement, on en a trois désormais« , dit en riant Marc Haeberlin. Le grand chef alsacien, touché de près par le covid 19, quoiqu’en version légère, se réinvente avec envie dans une région largement touchée par la pandémie et où le désir de revenir « à la normale » est très fort, mais doit s’adapter avec prudence. Il y a donc trois auberges de l’Ill dans un seul domaine : « les bords de l’Ill », pour quinze couverts, en terrasse à fleur d’eau, en profitant de l’espace du contigu Hôtel des Berges; la « table sur mesure Haeberlin », avec la privatisation de la salle boisée dite le pigeonnier et un menu en sur-mesure; enfin l’auberge de l’Ill proprement dite avec toutes les grandes spécialités qui ont fait la renommée de la maison (foie gras en brioche, truffe sous la cendre, mousseline de grenouilles, saumon soufflé), mais aussi des mets de saison, notamment des chasses vosgiennes, et, puis, c’est nouveau, une offre végétalienne développée avec l’aide du maraîcher local,  Philippe Uhl. Et voilà comment une grande maison du temps présent se réinvente…

Raphael Rego et Kike Casarrubias unissent Brésil et Mexique

Kike Casarrubias, Monserrat Estrada et Raphaël Rego © GP

Ils incarnent tous trois les valeurs et les saveurs de leur pays, à Paris: l’étoilé franco-brésilien, chantre des produits d’Amazonie, et Enrique dit « Kike » Casarrubias, le mexicain magnifique, ancien second d’Akrame Benallal, qui oeuvre avec passion et sa compagne Monserrat Estrada, dans sa mince demeure de la rue Troyon. Après avoir aidé les soignants de Paris, au moment où la pandémie se développe de façon inquiétante dans toute l’Amérique Latine, ils ont uni leurs forces et proposent un repas à 6 mains, conçu ensemble, livré à domicile. Au menu : ceviche de dorade et jalapeno, lieu jaune mariné en marmelade de caju, pigeon au molé, guacamole en dessert et sphère de maracuja. Des plats qu’ils exécuteront les uns et  l’autre, chez eux, pour un public fervent, après le confinement.

Fanny Herpin au Camondo

Fanny Herpin © DR

A force de changer de maison, d’adresse et de style, elle va finir par nous donner le tournis. Mais comme on l’aime, on la suit. Ex-chef – classique – de Allard rue de l’Eperon, passée à l’Epicure au Bristol sous l’aile d’Eric Frechon, puis, plus récemment, aux canailles Pères Siffleurs dans le 15e, Fanny Herpin, bordelaise devenue parisienne et grandie dans le groupe Ducasse, passée par le Meurice, le Taillevent et Benoît, vient de repasser discrètement de rive gauche à rive droite. La voià, rue Monceau, non loin du parc du même nom, dans le 17e, au Camondo, dans l’enceinte du bel hôtel particulier qui abrite le Musée Nissim de Camondo. Elle y a les coudées franches pour élaborer une cuisine comme elle l’aime, à la fois gourmande et précise, jouant le bistrot chic et les mets classiques aussi bien que ceux dans l’air du temps.

David Bizet démarre

David Bizet au Peninsula © GP

Le voilà désormais aux commandes d’un palace parisien. David Bizet, qui est demeuré longtemps dans l’ombre des autres (Philippe Legendre puis Christian Le Squer)  au Four Seasons George V, avant de passer un bref temps au Taillevent, où il a tout de même retrouvé rapidement les deux étoiles, joue, au Peninsula, sa carte propre, avec trois de ses adjoints, placés ici et là, qui vont l’aider en mettre en place une gastronomie de haut niveau, aussi bien au panoramique -et étoilé désormais – Oiseau Blanc, qu’au Lili, le chinois gastronomique du lieu, la brasserie chic dit le Lobby, le beau bar dédié aux apéros chics et au snacking, le « room service » et aussi la terrasse sur l’avenue Kléber qui est la seule partie ouverte en ce moment du beau-palace hong-kongais, dirigé par Mauro Governato, un ex-tiens, tiens – du Four Seasons. Pour tout savoir, cliquez .

Julien Roucheteau prend son envol

Julien Roucheteau © GP

On le connaît de longue main, on le suit depuis le Lancaster à Paris, où, placé par Michel Troisgros, chef conseiller, il en devint chef à part entière, y gagnant les deux étoiles. On l’a vu brièvement à la Scène Thélème, rue Troyon, dans ce qui fut la table de Guy Savoy, revue en restaurant-spectacle. Julien Roucheteau, récent MOF de la promotion 2018, est devenu le maestro le plus en vue de la côte, à la Table des Rois, de la Réserve de Beaulieu à Beaulieu-sur-Mer, avec un objectif clair et précis, assigné ici par l’aubergiste exemplaire Jean-Claude Delion : redonner à la cuisine maison, son lustre, son brillant, son aura, et, bien sûr, les deux étoiles. La salle rajeunie, face à la mer, avec son neuf plafond à la feuille d’or, remplaçant l’ancien peint au pochoir avec ses frises rétro, ancre la maison, dans le contemporain, l’époque, avec sobriété. Le service de salle a été rajeuni. Les tables sont fort bien mises et les menus sont tarifés avec sagesse pour tant de qualités, car on sait que la cuisine ici conjugue raffinement et esprit de la Méditerranée avec un infini sérieux. Ainsi, cette sériole grillée, demeurée moelleuse, bleue et juteuse, flanquée de « chouviolis » (des raviolis au chou) farcis de fenouil rôti, flambé au pastis blanc. Voilà « le » plat du moment à goûter impérativement lors d’un passage en Riviera française en 2020! On en reparle vite …

Dani Garcia à NewYork

Dani Garcia © DG

Il est le provocateur en chef de la cuisine andalouse, mais un provocateur bonhomme, convivial et de charme. Dani Garcia avait étonné le monde entier de la cuisine en annonçant qu’il transformait son tout neuf 3 étoiles de l’hôtel Puente Romano à Marbella, trois semaines seulement après avoir obtenu la récompense suprême au Michelin. Le voilà annonçant son retour à New-York, côté Park Slope à Brooklyn. Ce sera la « Casa Dani » qui proposera, en fin d’années, des pizzas, des burgers et plus, à consommer sur place ou à emporter. Pour la petite histoire, Dani Garcia, né à Marbella en 1975, avait tenté l’expérience new-yorkaise (après avoir obtenu une étoile à Tragabuche aux côtés de Martin Berasategui). Mais celle-ci s’était soldée par un échec. C’est un donc un retour en douceur.

Julien Duboué ferme la Dalle

Julien Duboué © JD

Il nous avait bluffé jadis chez « Afaria » dans le 15e, avait déménagé une première fois dans le 5e (« Comme dans les Landes mais à Paris »), avant de s’installer dans le 2e (« A Noste », rue du 4 septembre, revendu depuis à Guy Martin), puis de créer une boulangerie-buffet pleine d’énergie dans le 18e (« Boulom »). Julien Duboué s’était également installé à la Défense, à l’enseigne de « la Dalle », dédiée à la street-food et aux tapas. Mais l’affaire n’aura pas fait long feu. Après neuf mois d’exploitation chaotique, Julien jette l’éponge et l’explique lui-même sur son compte instagram: « Bon, bien voilà !!!! C’est décidé !! l’un de mes restaurants « La dalle » va fermer ! 9 mois d’exploitation dont 2 mois de grèves et 3 mois de covid ! Nous avons beau adorer notre métier et travailler comme des forcenés, nous ne sommes pas des magiciens ! Au plaisir de vous croiser dans les autres restaurants ». Triste…

Les chuchotis du lundi : le déconfinement c’est aujourd’hui, Genève sinistrée, Saint-Tropez se réveille, l’Auberge de l’Ill se réinvente, Rego et Casarrubias unissent Brésil et Mexique, Fanny Herpin au Camondo, Bizet démarre, Roucheteau prend son envol, Dani Garcia à NewYork, Duboué ferme la Dalle” : 2 avis

  • Merci de nous lire si bien!

  • clement jean pierre

    toujours pertinent , documenté, argumenté, sans langue de bois

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