Un cafard au 10 Downing Street

Article du 29 mai 2020

Une fable, une satire, un pamphlet, un brûlot : l’auteur de « Sur la plage de Chesil » et de « L’enfant volé » (prix Fémina étranger 1993) joue la métamorphose de Kafka à l’envers (le Gregor Samsa de Kafka est devenu ici Jim Sams) dans l’Angeterre d’aujourd’hui. Ce n’est pas un homme qui se réveille en cafard, mais un cafard qui se réveille dans un grand corps humain. Mieux : il se transforme par magie en premier ministre anglais, devant faire face au Brexit, au 10 Downing Street. Ce faisant, Ian McEwan fustige la société britannique repliée sur ses peurs et un gouvernement qui peine à prendre les bonnes décisions, affrontant un possible conflit  avec la France, à partir d’une embrouille mortelle avec ses pêcheurs au large des côtes bretonnes, près de Roscoff et loin des falaises de Douvres, ou encore par le biais d’une brique lancée, à Londres, sur les fenêtres de l’ambassade française… tout en tentant de nouvelles relations avec une Allemagne douce et pacifiée…

Le cafard reprend-il sa vraie nature et un autre ministre l’accompagnera-t-il vers son destin ? Ce plaidoyer anti-Brexit, burlesque, loufoque, sans oeillères, aux airs de conte moral, joue des peurs politiques et sociétales avec une drôlerie non feinte, sans jamais omettre le souci du réalisme. Le dernier discours du premier ministre Jim Sams évoque ainsi les accents d’un Benjamin Disraeli à la chambre des Communes deux siècles auparavant. Et c’est le morceau de bravoure de ce petit livre fort irrévérencieux au brio cinglant. God save England!

Le Cafard de Ian McEwan, traduit de l’anglais par France Camus-Pichon, (Gallimard, 153 pages, 16 €).

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Publié le 29 mai 2020 par

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