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Les chuchotis du lundi : la fin d’une époque, tous unis pour sauver la restauration, la prudence de Gilles Goujon, Ohayon roi des solutions, la révolution de Marc Veyrat, la parenthèse positive de Yoann Conte, la furia d’Akrame, le bel appétit d’Eric Frechon

Article du 18 mai 2020

La fin d’une époque

Le déconfinement est toujours à l’ordre du jour, même s’il n’est pas entré dans les faits pour la restauration française. La date de réouverture des cafés et restaurants sera fixée par le gouvernement dans la semaine du 25 mai. « Une réouverture le 2 juin pourra être envisagée dans les départements verts« , a annoncé Edouard Philippe. Mais dans quelles conditions? Nul ne le sait encore. Et pour les zones rouges, dont Paris, le Nord et le Grand Est, rien n’est encore acté même si on évoque le 12 juin pour Paris et septembre pour l’Alsace. Certes, un plan de relance gouvernemental pour le tourisme a été annoncé pour un montant extensible de 18 milliards d’euros. Malgré tous ces efforts, la profession s’inquiète et pour une fois sur la même ligne (voir ci-dessous). Beaucoup de chefs-patrons, souvent endettés jusqu’au cou, certains fort célèbres (cf le témoignage dans Paris-Match de Jean-François Piège et Hélène Darroze), scrutent l’avenir l’angoisse au coeur. D’autres mettent carrément leurs étoiles entre parenthèses (lire ci-après l’exemple de Yoann Conte). Pour, Michel Chabran, étoilé à Pont de l’Isère dans la Drôme, qui a pris une décision parallèle, « on ne peut pas servir en salle avec une camisole de force et un masque« . Et d’ajouter : « dans un grand restaurant on doit dialoguer avec le client pour être au plus près de ses attentes. Avec les règles qui seront imposées par l’Etat, ça deviendra impossible. » Beaucoup, comme nous le signalons ici depuis quelques semaines, ont mis en place seul ou en liaison avec de grosses sociétés de livraison, des formules de service à domicile, de vente à emporter en « click & collect » ou en « click & drive ». Mais ce sont là des solutions de secours. Un pays sans restaurants petits et grands, sans cafés, sans brasseries, sans bistrots, sans auberges, est un pays sans convivialité. Autant dire sans avenir.

Tous unis pour sauver la restauration

Une brasserie dans le noir, illustrant la pétition © DR

C’est la pétition qui rassemble tout le monde de la restauration, grands et petits, d’Olivier Bertrand (qui gère, avec son groupe éponyme, 1000 restaurants et 33000 collaborateurs) aux trois étoiles comme Christophe Bacquié, Arnaud Donckèle, Eric Frechon ou Gilles Goujon, des patrons de brasseries célèbres, comme Thierry Bourdoncle (Sénéquier, Durand-Dupont, le Hibou), les Costes, Gilbert, Thierry, Jean-Louis, les Bras du Dôme, les Taffanel de la Rotonde, sans oublier les fournisseurs n°1 de Rungis, les Gillardeau, les Charraire, sans oublier Christian Etchebest ou Yves Camdeborde. Ils sont près de 15000 déjà à réclamer auprès du président de la République et du gouvernement des « mesures d’urgence temporaires« , la baisse de la TVA à 5,5 %, un moratoire sur les loyers, comme leur annulation et celle des charges durant la période de fermeture, enfin un soutien face aux assureurs, afin de permettre « une indemnisation décente« . Il aura fallu une crise sanitaire sans précédent entraînant le chômage partiel d’un million de personnes pour unir une profession jusque là très morcelée, voire divisée.

La prudence de Gilles Goujon

Gilles Goujon © DR

Rémi Ohayon, roi des solutions

Rémi Ohayon et ses amis MOF © GP

Il était déjà à l’origine de la console Shop & Go, outil innovant de click & collect, adoptée notamment par Olivier Nasti à Kaysersberg, qui fait bouger la profession au meilleur niveau en permettant aux chefs, grands et petits, de travailler en mode confiné, et d’offrir de vrais repas gastronomiques à réserver et à emporter aisément chez soi. Rémi Ohayon, MOF 2011 en communication digitale et président-fondateur d’Api & You, multiplie les solutions pour faire sortir l’hôtellerie et la restauration de l’ornière économique en temps de pandémie. Sa dernière belle idée, en liaison avec trois autres MOF, maître d’hôtel, gouvernante, expert en sécurité : organiser un colloque sur le web, autrement dit un « webinaire », ce mardi 19 mai de 14h à 15h, qui doit permettre aux professionnels du tourisme et de la restauration de redémarrer dans les conditions les plus sûres et les plus performantes. Au programme, quatre questions à résoudre ensemble, avec Kevin Champbenoit, Stéphanie Chevalier-Lopez et Marie-Fleur Reynaud-Laude. Comment renouer avec les ventes au plus vite et par quelles solutions réactives? Quel management mettre en place pour les équipes au contact de la clientèle à l’heure de la réouverture ? Quels protocoles envisager en cuisine pour organiser le travail et rassurer les équipes ? Comment analyser les premiers retours d’expérience en hôtellerie et en tirer des leçons efficaces. Un rendez-vous interactif où chacun pourra poser ses questions en direct. Pour s’inscrire, cliquez là.

Marc Veyrat © MV

Il vient de fêter ses 70 ans gaiement et en profite pour tout chambouler chez lui en famille, avec ses quatre enfants qui reviennent à la maison et s’apprêtent à donner une couleur plus diversifiée à sa Maison des Bois. Carine, qui fut sa pâtissière trois étoiles, travailla jadis chez Raymond Blanc au Manoir des Quat’Saisons, et gère son ancienne auberge de l’Eridan devenue « la reine des près« , reverra la partie desserts. Sandrine, l’ainée,  devrait, elle, s’occuper du digital. Pierre-Emmanuel, son fils, qui vend ses trois agences immobilières à Paris, revient s’occuper de la partie « business ». Enfin, Elise, la cadette, qui a fait ses classes l’école hôtelière Vatel, se prépare à l’accompagner aux fourneaux. Tout cela se situe, bien sûr, dans la parenthèse du post-confinement. Mais notre Marc Veyrat national, qui vient de se confier longuement au Paris-Match Suisse, s’apprête à changer de formule, voire de style de cuisine, en disant adieu au moléculaire, en remettant à l’honneur la cuisine au feu de bois et le mijotage. En attendant que la réouverture s’affiche…

Yoann Conte © GP

Il a annoncé au Michelin qu’il mettait, au moins durant les deux mois d’été, ses deux étoiles entre parenthèses. Repreneur – depuis dix ans déjà, anniversaire qu’il devrait fêter au mois de juin – de l’ex-maison bleue de Marc Veyrat à Veyrier du Lac, Yoann Conte va profiter de la crise sanitaire pour développer sa partie brasserie et bistrot, servant sur la vaste terrasse ou dans la grande salle dévolue aux plats créatifs de haute volée une cuisine simple, avec des produits de belle tenue, mais aussi des brunchs, des petits déjeuners gourmands, des casse-croûte savoyards, des plats simples mais bons, une volaille rôtie, un poisson du lac, omble, truite ou féra, au beurre meunière à toute heure. Bref, dit-il, « la cuisine que tout le monde a envie de manger au grand air sans avoir besoin de traîner dans une atmosphère confinée et enfermée« . A suivre de près!

Akrame à la livraison © GP

Il est partout. Et même chez vous. L’homme de Vivanda, de Shirvan Café Métisse et, bien sûr, de la belle et grande table baptisée à son prénom, paye de sa personne. Akrame Benallal prépare des mets de haute tenue avec son équipe et livre dès qu’il peut. On commande la veille et les mets, tous fins, vifs, délicieux, métissés, arrivent en petites barquettes à réchauffer au four. Le chou fleur brûlé avec sa tehina (crème de sésame), parfumé au caviar d’Iran, le mille-feuille de betteraves à la sauge, le céviche de la pêche du jour aux grenades, les magnifiques asperges avec leur mousseline pistache et safran, le poisson légèrement cuit en papillote au zaatar et légumes croquants, comme le magret de canard à l’orange à la fleur d’hibiscus avec sa fine purée de pommes à l’huile d’olive et aux noisettes valent le voyage… On y ajoute une palette de desserts exceptionnels, comme cette crème régressive crème caramel au beurre salé, cette mousse au chocolat qu’on peut réchauffer soufflée ou non, le fraisier dit « moderne », façon biscuit roulé, à l’estragon, plus ces glaces à se rouler par terre : vanille fumée et noix de pécan, chocolat noir et caramel, plus un sorbet grenade, menthe, gingembre. On ne vous dit que ça. On vous laisse la surprise. Le service livraison sur Paris et la petite couronne est gratuit à partir de 45 €. Cela démarre, mais c’est déjà un succès. On comprend pourquoi… Pour commander : akramehome.com

Erice Frechon et l’équipe de Fontenille © DR

Il est devenu, sans crier gare, le trois étoiles le plus prolifique de Paris et d’ailleurs. Il règne sur les cuisines de l’Epicure et du 114 Faubourg au Bristol, signe la carte du Drugstore et du Mini-Palais, joue le bistrotier de talent au Lazare et dans sa sandwicherie-annexe Ratatouille, a pris en main les cuisines de l’Eden Roc au Cap d’Antibes, comme de Céleste au Lanesborough à Londres, qui sont, avec le Bristol, les perles du groupe Oetker. On y ajoute les brasseries chics du groupe Brémond-Famose entre Saint-Tropez (l’Italien, la Petite Plage) et Megève (le Saint-Amour). Dernière en date de ses collaborations: les Domaines de Fontenille, propriétés de Frédéric Biousse et Guillaume Foucher, rejoints par Laurent Branover, qui ont imaginé une nouvelle conception de l’hôtellerie de luxe, revue en « hôtellerie d’auteur »  et qui compte déjà cinq adresses situées dans des lieux remarquables : le domaine de Fontenille, avec sa table étoilée le Champ des Lunes et son bistro chic la Cuisine d’Amélie, à Lauris en Luberon, les Bords de Mer à Marseille, Santa Ponsa et Torre Vella à Minorque, enfin les Hortensias du Lac, dans les Landes à Hossegor. Eric Frechon se joint à eux, à la fois comme associé au capital et comme mentor de la restauration pour les différentes maisons, aux côtés des chefs déjà en place et ce, en parallèle de ses fonctions au Bristol. Un sacré challenge et un bel appétit gourmand.

 

Les chuchotis du lundi : la fin d’une époque, tous unis pour sauver la restauration, la prudence de Gilles Goujon, Ohayon roi des solutions, la révolution de Marc Veyrat, la parenthèse positive de Yoann Conte, la furia d’Akrame, le bel appétit d’Eric Frechon” : 4 avis

  • Mundo67

    @THERIE. Mes plus belles découvertes gastronomiques ont été auprès de chefs étoilés ou qui sont dans le Michelin en France et à l’étranger. Cela reste – quoi que vous en pensez – une valeur sure.Qu’est ce qui vous fait dire « qu’il ne savent plus ce qu’est la liberté de cuisiner ? ». La haute gastronomie c’est de la haute couture : souhaitez vous qu’il n’y ait que du prêt à porter ? Qu’il n’y ait plus d’art culinaire ? Moi je prétends qu’il y a de la place pour tout le monde, le poulet basquaise et la grande cuisine élaborée, hyper originale. Arrêtez de les opposer ! cela ne fera de bien à personne. Et puis cela fait démago mais c’est vrai que c’est dans l’air du temps : Le peuple contre « l’élite »….

  • Vous avez raison, on va dire: « Présent au Vieux Puits à Fontjoncouse, dans les Corbières, depuis 28 ans, MOF 1996 et seul trois étoiles d’Occitanie »…
    Merci de nous lire si attentivement.

  • « 3 étoiles au Vieux Puits à Fontjoncouse depuis 28 ans » … alors qu’elles sont tombées en 2010 !
    Gilles, vous avez subit un déconfinement plus long que tout le monde qui vous a transporté en 2038 !

  • Therie

    Il y a plein de solutions travail énorme de reconstruction il faut absolument oublier la restauration Michelin ce qui va être difficile à appliquer les chefs étant au garde à vous depuis trop longtemps ils ne savent plus ce qu est la liberté de cuisiner pour les clients et aujourd’hui les clients corona

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