Pour saluer William Cliff
William Cliff ? C’était dans une autre vie. En 1976, dans une anthologie dite du « Lyrisme Ordinaire » (Poésie 1), on saluait l’auteur de « Ecrasez-le » et de « Marcher au Charbon » qui avait le don de narrer en quatrains, déca ou octo-syllabes, en dizains, bref, en vers assonancés, rythmés, toujours rimés, sa vie d’errance hors les itinéraires préfabriqués. Un demi-siècle après, la magie Cliff est intacte. Ce Verlaine des bords de Meuse, ce Rimbaud d’Outre-Quiévrain, ce Villon belge et un brin punk raconte sa vie de bourlingueur, de professeur au rabais, de pédagogue à la petite semaine, pratiquant l’autodérision avec bio, jouant le clochard céleste non sans panache. On l’imagine, au fil des lignes, dans sa mansarde bruxelloise sous les toits. Il fait trop chaud, il rêve d’Outre-Atlantique, ou d’une existence plus sereine, plus aisée. Pourtant, on le sent à l’aise, pour ne pas dire heureux, dans ce laisser-aller dérisoire. Des étincelles fugaces brillent sur cette prose vibrante, zonarde, scintillante. Le temps, du titre, c’est celui d’avant. L’élégie à Notre-Dame, qui lui fait suite, date de 1996. Rien à voire avec l’actualité. Pourtant, on se dit que tout cela est simplement, juste de ton, sensible, fuyant, bref, éternel.
« Quand je suis seul devant ta grande alcôve/impassible lancée vers le ciel noir,/je me souviens que mon esprit très pauvre/est incapable de rien concevoir/qui saute au-delà de ton ostensoir/dressé avec sa flèche en bord de Seine,/alors mon âme devient plus sereine/et s’en remet aux ondes délicieuses/que je sens sortir de ta pierre hautaine/versée vers le tréfonds des nébuleuses »
Le Temps suivi de notre Notre-Dame de William Cliff (la Table Ronde, 124 pages, 15 €).
Excellent descriptif de Cliff et de sa poésie brute et directe. dans afféterie, comme un coup de poing en plein cœur. Il faut le lire, il se serre tant au plus intime de lui-même qu’il atteint l’universel et nous touche tous.