Les chuchotis du lundi : le combat des deux Stéphane, l’empire de Guy Martin, l’activisme de Jean Imbert, Cyril Lignac rempile, les chefs chez eux, au royaume de l’incertitude, la méfiance devant les plats tout prêts, adieu à Maurice Coscuella, Hubert se raconte
Le combat des deux Stéphane
L’un se bat, entre courriers, emails et plateaux télés, auprès du président de la république, du ministère de l’économie et des finances, de l’Assemblée Nationales et des compagnies d’assurance pour que ces dernières aident les restaurants à surmonter la crise en prenant en compte de l’état de catastrophe sanitaire, qui bloque, pour un temps indéterminé, tout le secteur de la restauration, de l’hôtellerie. L’autre, qui est présent tous les jours à son bureau de la Semmaris, doit faire face à la défection involontaire du monde de la restauration (30% de l’activité de Rungis), la suppression temporaires des liaisons avec l’Espagne et l’Italie, mais lance, avec la startup Califrais et la région île de France, une neuve plateforme (rungislivrechezvous.fr) permettant aux mandataires des halles de livrer directement aux particuliers. Les deux Stéphane, le premier Manigold, pdg d’Eclore gère 4 établissements (Michel Rostang, le Bistrot d’à Côté Flaubert, Substance et Contraste) mais parle au nom de ses confrères, Le second, Layani, pdg de la Semmaris qui gère le MIN de Rungis, veille sur une structure qui a pour mission de ravitailler toute la France qui mange, en dépit de toutes les difficultés du moment. Comme un ministre de la gourmandise qui veillerait avec force au milieu de la tempête…
L’empire de Guy Martin
Depuis sa thébaïde du Valois, où il est en confinement familial, il envoie tous les jours des recettes à faire chez soi sur son compte Instagram. Son poulet du dimanche aux pommes de terre et au laurier était, hier midi, une leçon de choses. Mais son carrelet pané au beurre meunière, comme sa morue au fenouil et son gâteau de chocolat façon mamie Martin étaient pareillement alléchants. Ce qui n’empêche nullement le chef du Grand Véfour, toujours aux aguets, de développer son empire. Après la fermeture de sa table située au dernier étage de l’INA, il se développe côté bistrots. Il vient ainsi de racheter, fort discrètement, Pasco, boulevard de la Tour-Maubourg, dans le 7e, le Bistrot d’Augustin d’Augustin Grisoni, rue Daguerre dans le 14e, ainsi que A Noste, la table relaxe de Julien Duboué, rue du 4 septembre, près de la Bourse, et non loin du Véfour (dont le compromis seul est encore signé), avec le projet de conserver à chaque fois la même formule et le même personnel. Une manière positive pour Guy Martin de préparer l’après-confinement.
L’activisme de Jean Imbert
Le « bad boy » est un « good boy ». Jean Imbert, le triomphateur de Top Chef, l’ami de Jay Z, de JR, de Madonna (voir photo ci-dessus) ou de Omar Sy, qui court le monde (notamment à Saint-Barth où il gère la table de Cheval Blanc), sans négliger sa table de la rue La Fontaine à Auteuil (Mamie), est désormais un confiné actif et un militant bénévole qui livre au personnel soignant de la Pitié Salpétrière des plats réconfortants, et pas n’importe lesquels. Parmi ses dernières productions : une alléchante salade de quinoa avec sa crème d’asperge blanche, roquette et radis, mais aussi une île flottante bien digne de celle qui est servie chez lui. Chapeau, l’artiste!
Cyril Lignac rempile
Tous les soirs, à 18h45, « le chef préféré des Français » reprend le collier, rempile aux fourneaux, paye de sa personne, proposant aux téléspectateurs de M6 de réapprendre les gestes simples. « La cuisine est un jeu d’enfant« , affirmait jadis Michel Oliver. Sur le même mode, Cyril Lignac, aveyronnais au coeur tendre, réapprend à cuisiner des recettes simples, gourmandes et toujours saines. Wok de légumes, tartines œuf mimosa, penne au pesto et basilic, poisson au four à l’huile d’olive, curry de volaille et lait de coco, moelleux au chocolat ou pain perdu aux framboises donnent envie de se mettre aux fourneaux, sans heurt, ni chichi. Et toutes les recettes se retrouvent en ligne en cliquant là.
Les chefs chez eux
Simplissime, comme dit Jean-François Mallet, styliste, photographe et auteur à succès dont le livre emblématique s’utilise comme un indispensable grimoire, simple et bon, saisonnier et savoureux : le confinement a rendu les chefs à eux-mêmes et ils nous livrent des plats savoureux au fil des jours, dans leur courrier digital ou sur leur compte instagram. Hélène Darroze, qui, en vidant son placard, y retrouve une boîte de confit de canard et nous propose une recette exquise avec ses légumes du moment, Sonia Ezgulian, qui, en songeant à sa mère qui fête son anniversaire, confinée, confectionne, en hommage, une recette de sardines millésimées en boîte, les meilleures, avec des oranges marinées, Nicolas Sale avec un velouté de petits pois, brocolis, asperges et straciatella, plus un filet d’huile d’olive nous émeut version light, ou encore Marc Haeberlin, qui revisite, juste pour lui et son épouse, dans sa maison d’Illhaeusern, la recette emblématique des Troisgros, le fameux saumon à l’oseille, mais avec l’oseille du jardin. Fortiches, les chefs!
Au royaume de l’incertitude
Le déconfinement total? Ce n’est ni pour demain, ni pour après-demain. « Les hommes supportent mieux la souffrance que l’incertitude« , note Jean-Paul Kauffmann, et l’a répété dans une interview au Figaro Magazine, lui qui fut « confiné » douloureusement dans les geôles du Hezbollah au Liban, trois ans durant, et connaît mieux que personne la réclusion et ses conséquences psychologiques. « Laissez nous donc bouffer des chips en pleurant« , a clamé, lui, en riant l’humoriste Tanguy Pastureau sur France-Inter, ajoutant : « combien d’articles ai-je lu sur l’importance de manger équilibré pendant le confinement, 500 ? Plus ? On vit la plus grosse crise sanitaire depuis des lustres et il y a vraiment des gens qui se disent « allez, ce soir, je n’ai pas besoin de réconfort moral, ce JT de 20h m’a bien boosté, je vais me faire des brocolis ? ». Des psychopathes, oui, qu’ils retournent dans un bouquin de Bret Easton Ellis. Bref, cessez de nous faire iech, et laissez-nous bouffer des chips étalés par terre, pas lavés avec les fringues de l’avant-veille. La win, ça suffit. Soyons juste humains, donc imparfaits. »
La méfiance devant les plats tout prêts
On pensait que les sociétés livrant des plats à domicile tireraient leur épingle du jeu durant la période de confinement. C’est tout le contraire. Une plateforme comme Deliveroo, qui livre les plats des restaurants, pour la plupart aujourd’hui fermés, a vu son offre disponible baisser de 50%. Pour Uber Eats ou Just Eats le constat est similaire. Mais si l’offre diminue, les commandes aussi. On se défie de la livraison de plats tout prêts, pour des raisons sanitaires, et tel livreur infecté par le Covid 19 et racontant ses mésaventures sur les réseaux sociaux n’a fait qu’empirer les choses. Même si les sociétés délivrant des plats insistent sur le fait que d’une part le virus ne se transmet pas par la nourriture, de l’autre que les livraisons se font de manière extrêmement sûres, avec livreurs masqués se tenant à distance des consommateurs réceptionnant leurs plats. Las, les produits bruts, livrés par des sociétés spécialisées, que nous évoquions la semaine passée et permettant de se confectionner des repas complets à domicile, ont davantage de succès. Et pour cause : les gourmands ont le temps désormais de s’y consacrer.
Adieu à Maurice Coscuella
Il était l’un des derniers des mousquetaires du Sud Ouest, avec André Daguin d’Auch, Roger Duffour de Luppé-Violles et Lucien Vanel, fameux à Toulouse, venu de Lacapelle-Marival dans le Lot. Il défendait avec verve la tradition bien comprise et notamment la sainte trilogie foie gras/confit/magret. Il était « Coscu » pour les amis, Cosculella de son nom complet, revu en Coscuella pour être mieux compris et retenu. Maurice Coscuella, formé jadis chez Point à Vienne, dans les palaces de la Côte d’Azur, qui fut chef sur le bateau de croisière « la Liberté, ralliant le Havre à New-York, avait fait du Ripa Alta à Plaisance-du-Gers, le village de Pierrette Sarran, la maman de notre Michel de Toulouse, une table de haute tenue, qui avait obtenu une étoile au Michein en 1960, deux en 1970. Né le 20 avril 1929, il aurait eu 91 ans dans trois semaines. On retiendra que ce « marchand de bonheur », comme il aimait se définir, faisait encore les courses sur la place de son village la veille de son décès d’un AVC. Salut, « Coscu« , homme de bon et de bien, dans un monde bouleversé.
Hubert se raconte
Il fut le fromager vedette de la Nouvelle Cuisine, du temps d’Henri Gault et de Christian Millau, l’ami de Michel Guérard et le compagnon de route de la bande à Bocuse. Fit connaître les belles pâtes fermières, jadis, à la Ferme Saint Hubert, eut son étoile au bistrot portant son nom. Hubert Gerandon, qui a pris soin d’oublier son nom au passage, raconte sa vie dans un livre dédié à ses deux filles, où à près de 88 ans, il narre ses années de gloire et de voyage (Deux métiers : deux passions, aux éditions Baudelaire). A Saint-Barth, à New-York, sur le Clemenceau, où il contribua, en aide glorieux, avec Charles Barrier et Raymond Oliver à réaliser un repas homérique, il narre ses aventures comme un roman picaresque. Et on l’écoute, admiratif. Chapeau, maître Hubert !
Super article, juste la maman de Sonia n est pas décédée juste c était son anniversaire mais confinement oblige fêté sans la famille…