Les chuchotis du lundi : l’art de la grande débrouille, les chefs en péril, le combat pour les soignants, le grand rush des recettes, Hiérax et la mer, Tillinac et la terre, Mbenda le retour, adieu à Didier Pierrart, Less saves the planet
L’art de la grande débrouille
Eviter les queues dans les grandes surfaces, oublier les commerces fermés, se faire servir chez soi des produits bio, hauts de gamme, de qualité? C’est bien sûr possible un peu partout, en prêt à manger (style Deliveroo), en produits bruts, livrés dans des conditions sanitaires et d’hygiène maximum. On vous a parlé la semaine dernière de DélicieuxSecret de Fadi Prestige, qui sert aussi bien les grands chefs et les palaces (avec le second label) que les particuliers en gambas bio, palourdes de Chausey, agneau d’Irlande, boeuf Black Angus, poularde noire bio de Vendée, saumon d’Ecosse. D’autres maisons s’y frottent et se développent. Ainsi, parmi les startups qui montent, celle d’Epicery avec un « y », fondée par Edouard Morhange, propose les courses en ligne en liaison avec les commerçants artisans de toute la France dont, à Paris, quelques stars des métiers de bouche, comme la fromagère vedette Marie-Anne Cantin, pour sa formidable crème crue, son saint-nectaire fermier, ses chèvres en folie (dont une étoile du Rove à se pâmer) ou encore le poissonnier MOF Arnaud Vanhamme, les belles viandes de la Boucherie Moderne, boulevard Voltaire, les morceaux de boeuf d’exception de chez Cuts avenue Paul Doumer ou encore la boulangerie Poilâne rue du Cherche-Midi. Mais d’autres plateformes vous permettent de faire vos courses en ligne, d’être livré à domicile, tel Frichti, HelloFresh, Biovor ou Pourdebon. Autant d’enseignes nouvelles et de qualité qui permettent de diversifier l’art de la grande débrouille.
Les chefs en péril
» Assurez !!! Ou on va tous y rester #Chefsenperil « . Le mouvement, né le 24 mars dernier et lancé par Laurent Trochain, chef étoilé du restaurant N°3 dans les Yvelines, a été suivi avec force, se développant comme une traînée de poudre. Ils sont de plus en plus nombreux, 3500 dans un premier temps, près de 6000 ce week-end, à avoir rallié, sous le label de « restoensemble », la bannière des chefs en lutte pour leur survie. Leur exigence? Que le gouvernement français déclare l’état de catastrophe naturelle sanitaire et oblige les assurances à prendre en compte leur perte d’exploitation due à la fermeture obligatoire depuis le 15 mars, et que le dispositif d’activité partielle, mis en place la semaine passée, indemnise à 100 % tous les salariés de toutes entreprises alimentaires, quoi qu’il en coûte. La lettre adressée jeudi dernier au ministre de l’économie et des finances, Bruno Lemaire, attend sa réponse.
Le combat pour les soignants
Les héros de l’ombre, en blouse blanche, qui se mobilisent chaque jour pour aider les malades au risque d’y laisser leurs vies, ce sont eux : personnel soignant, infirmiers, médecins, urgentistes, tous ligués dans un combat quotidien qui ne comptent ni les heures, ni les facultés de chacun, une lutte obstinée, incertaine, avec, au bout l’épuisement. Très vite, avec le soutien de Rungis, Metro France, Transgourmet, l’association Tiptoque, le parrainage de Guillaume Gomez, le chef MOF de l’Elysée, toujours très combatif, et notre confrère Stéphane Méjanès en relais médiatique, s’est mis en place, dès le 23 mars, sous le label #leschefsaveclessoignants, une association destinée à offrir nourritures et repas soignés à tous ceux qui oeuvrent à secourir les malades jusqu’à la fin de l’épidémie. Leur credo : #occupezvousdenousonsoccupedevous. D’autres initiatives sont nées sur le même thème et le même principe : aider les soignants à se nourrir à toute heure. Ainsi, la jeune Farah Haourir, 26 ans, cheffe de projet digital, a créé la plateforme ravitaillement, avec l’aide de restaurateurs désireux de porter bénévolement des repas au personnel des hôpitaux et fait appel à toutes les bonnes volontés « pour offrir de l’énergie et de l’amour le temps d’un repas« .
Le grand rush des recettes
Le combat des chefs au quotidien : offrir des recettes, simples ou savantes, riches et pratiques, saisonnières et fraîches, douées d’idées légères, colorées à ceux qui restent chez eux. Sur leur compte instagram (comme Jean-François Piège, Nicolas Sale, Eric Frechon, Christophe Bacquié, Anne-Sophie Pic, Julien Sebbag, Taku Sekine et tant d’autres), tweeter ou facebook, via leurs attachés de presse (comme Glen Viel, Alexandre Mazzia ou Quentin Durant du Château de Fonscolombe), sur les ondes (comme Grégory Cohen, chaque jour, à « Grand Bien vous fasse » sur France Inter), les soupes, salades, pâtes en folie, riz composés, poissons pas toujours nobles et viandes variées, plus bien sûr, douceurs exquises, avec les pâtissiers les plus médiatisés (Cédric Grolet, Pierre Hermé, Christophe Michalak, François Perret et tant d’autres). Leur but à tous? Donner un peu de soleil, de goût, de couleurs aux gourmets confinés dans leur cuisine, en les incitant à cuisiner autrement.
Hiérax et la mer
Fournisseur personnel des grands chefs étoilés comme Christian Le Squer, Alain Ducasse et Pascal Barbot, Christophe Hierax, qui fut notre poissonnier de l’année au Pudlo 2017, présent rue de l’Annonciation, au Marché Couvert de Passy, mais aussi rue de la Pompe, livre à toute la France confinée à travers sa structure Fish&Shop. Ce « comptoir de la mer à portée de clic » propose une offre reposant sur le procédé de l’emballage sous vide optimisé pour une durée de conservation allongée à onze jours contre trois pour le sous-vide traditionnel. Des poissons prestigieux aux boxes apéros en passant par les recettes et DIY, Fish & Shop livre à domicile la pêche du jour. Turbot, sole, saint-pierre, cabillaud, rouget, mais aussi crustacés et coquillages sont livrés en quelques heures frais comme l’onde…
Tillinac et la terre
Quand la France des villes se désertifie pour cause de confinement, Denis Tillinac veille en solitaire dans son village d’Auriac, tout au bout de la Corrèze, côté Xaintrie. A l’occasion de la sortie de son « Dictionnaire Amoureux du Général« , qui vient de paraître chez Plon, l’auteur de « L’âme française » a fait l’objet d’un grand portrait dans le Figaro. L’occasion pour ce grognard perpétuel de faire l’éloge de la province et de la campagne « où le silence grésille« . « Au printemps, note-t-il », on a les fruits du verger et les légumes du potager. A l’automne, chez nous, c’est la saison des cèpes, des mûres, des châtaignes, des noix… » Et d’avouer: « mon plat préféré: une omelette aux cèpes, assortie d’un verre de givry. Ici, on fait soi même son foie gras, on tue son cochon avec ses voisins, on a toujours assez d’espace pour élever des poules et bêcher son potager. Produits bio garantis ». Pas de plus bel éloge de la terre gourmande!
Mbenda le retour
Hugues Mbenda? On l’a connu en chef intrépide à l’hôtel Westminster à Paris, qui a depuis changé d’orientation gourmande. Ce trentenaire natif du Congo, élevé en France, qui a œuvré dans de bien belles maisons – Chiberta, Taillevent, Apicius, le Burgundy, les Sources de Caudalie, le Violon d’Ingres, avant de rajeunir un bref temps le Céladon, a rejoint Marseille et son frère Eric avec lequel il a ouvert une table de qualité, avec son ambiance alerte et ses prix doux. Les assiettes séduisent sans mal au fil de menus alertes. On en reparle vite.
Adieu à Didier Pierrart
Il s’appelait Didier Pierrart, même si tout le monde l’appelait Frédéric. Et il est décédé mardi dernier d’une longue maladie contre laquelle il se battait avec discrétion. Il était le dernier grand chef de la Thiérache, cette Normandie du Nord qui produit, au coeur de l’Aisne, cidre, lapins, maroilles, et avait fait, depuis près de quarante ans, avec son épouse Martine, de l’hôtel de la Paix la belle table gourmande du Nouvion. Depuis quelque trente ans, ce fils de boucher-charcutier devenu cuisinier autodidacte avec talent pratiquait aussi bien un registre classique de qualité, puisant dans la tradition régionale (la ficelle picarde, le filet de boeuf aux maroilles, le lapin au cidre) que des mets au goût du jour, au gré de menus à prix sages, comme un très remarquable sandre aux herbes. Hommage aux Pierrart!
Less saves the planet
« Less saves the planet« , autrement dit « moins sauve la planète« : c’est le leitmotiv, depuis trois ans du duo Fadi Abou, l’un restaurateur (Al Ajami) et fournisseur de produits aux palaces et grands chefs (Fadi Prestige), et Flavio Bucciarelli, manager et vice-président de grands groupes hôteliers, qui ont publié un livre portant ce titre et organisent des repas sur ce thème, en Suisse (Genève, Gstaad, Vevey) et à Monaco. Leur objectif : développer une démarche écoresponsable et faire inscrire leur logo sur les cartes des meilleurs restaurants à titre d’exemple, promouvant le bio, prônant la lutte contre l’élevage intensif, incitant, dans le cadre du développement durable les gourmets à manger bio, en passant à 130 gr par repas au maximum en protéines animales. Un combat qui prend tout son sens dans le contexte de crise sanitaire qui ébranle le monde aujourd’hui.