Les chuchotis du lundi : on n’est pas sorti de l’auberge, les 50best renoncent à 2020, la grande détresse des critiques gastronomiques, Amandine Chaignot et le marché des producteurs, les Nivernaises s’y mettent, Christian Constant et son cassoulet géant, le Palais de Biarritz change de chef, Roederer à Val d’Isère, quand l’ex-Beauvilliers devient l’Arcane

Article du 13 avril 2020

On n’est pas sorti de l’auberge

Jean-André Charial © Maurice Rougemont

« On n’est pas sorti de l’auberge », « c’est pas demain la veille », »on n’en pas fini avant un bon moment ». Les restaurateurs, chefs/patrons, aubergistes, de tous les styles, gérant des affaires de toute taille, s’interrogent et l’optimisme n’est guère dans l’air. « Les annulations d’avril et de mai, on n’a eu que ça. Les réservations de juin, elles, n’arrivent guère« , lâche Jean-André Charial, qui gère à la fois le domaine de Baumanière, avec l’Oustau et la Cabro d’Or, auréolé, le premier de 3 étoiles, plus le Prieuré de Villeneuve-les-Avignon, avec 180 employés en tout, mis au chômage technique depuis mi-mars. La perspective d’un retour, suite à un déconfinement programmé pour le 11 mai, serait en tout cas effectif en juin. Mais comment l’envisager? « Avec des tables plus espacées, des masques?« , se demande encore Jean-André, qui comme beaucoup de ses collègues s’interrogent sur un avenir incertain. Pour se prémunir des faillites qui guettent, Stéphane Jégo, de l’Ami Jean, rue Malar dans le 7e parisien, a été l’un des premiers à sonner le tocsin auprès des assureurs, demandant au gouvernement de décréter l’état de catastrophe naturelle et aux assureurs de prendre en charge leur manque à gagner. Se tournant vers son propre assureur, Axa, pour savoir à quel niveau la perte d’exploitation qu’il allait subir allait être compensée, il n’a reçu qu’une réponse négative indiquant « que la perte de chiffre d’affaires n’était pas prise en compte dans (ses) contrats et que le risque pandémique n’était pas couvert». Sa pétition, lancée le 17 mars dernier sur change.org,  « Sauvons nos restaurants et nos producteurs », qui avait recueilli plus de 20000 signataires la première semaine, dépasse aujourd’hui les 130000. Mais cela suffira-t-il pour limiter la casse?  « Si les assureurs ne nous aident pas, note encore l’ami Jego à notre confrère le Figaro, les PME comme la mienne ne se relèveront pas. La crise que l’on vit aujourd’hui va laisser sur le carreau des tas de petits entrepreneurs qui vont manquer quand la reprise sera là et qui vont faire grossir les rangs des chômeurs avec les emplois qu’ils vont détruire».

Stéphane Jego © Maurice Rougemont

Les 50best renoncent à 2020

Les 50best en 2019 © DR

Le coronavirus aura eu un effet bien concret sur le monde de la cuisine : mettre en veilleuse les tonitruants 50best qui ont annoncé le report de leur manifestation prévue à Anvers de juin 2020 à l’an prochain, soit juin 2021. Cette annonce a été accompagnée d’un silence absolu et la très active directrice des 50best Hélène Pietrini, si prodigue en belles recettes de toutes sortes dans les grandes tables du monde et en amusants selfies avec les chefs célèbres sur Instagram, a interrompu toute parution sur son compte à la date du 11 mars, soit deux jours avant l’annonce officielle du confinement par Edouard Philippe en France. C’est, en tout cas, une bonne nouvelle pour les chefs français, qui conservent la tête du classement une année de plus, avec Mauro Colagreco, du Mirazur à Menton, consacré l’an passé.

La grande détresse des critiques gastronomiques

« Wozu Dichter in dürftiger Zeit ? » « A quoi bon des poètes en temps de manque« , se demandait jadis Friedrich Hölderlin dans sa tour romantique de Tübingen. C’était il y a deux siècles. Aujourd’hui, en temps de confinement, ce sont plutôt les critiques gastronomiques qui dépriment. Ainsi, notre collègue et ami Emmanuel Rubin, du Figaroscope, qui poste, chaque jour, sur son compte instagram la photo d’un établissement fermé avec ce « hastag » récurrent : #vivementlesrestos. Les autres se sont pas davantage à la fête et se sont ralliés pour la plupart à la formule des recettes en tout genre, dont l’inénarrable François Simon qui, lui, propose ses recettes personnelles un brin suicidaires assorties de ce « hashtag » significatif: #chroniqueetrecettedelennui. Vivement le déconfinement!

Quand les Nivernaises s’y mettent

La famille Bissonnet © Grégoire Kalt

Ils s’y mettent! Bouchers d’élite de Paris, présents à Rungis, comme à Parly 2 et dans leur fief de la rue du Faubourg Saint-Honoré, les Bissonnet, qui avaient conservé l’activité de leur atelier de découpe et leurs services d’accueil à la vente dans leurs diverses maisons (les Boucheries Nivernaises, rue du Faubourg Saint-Honoré, comme le Coq Saint-Honoré rue Gomboust) méditaient leur lancement sur le marché de la livraison de luxe. Les voilà, à partir de cette semaine, proposant à la commande, sur leur nouveau site, de coffrets dit « des Nivernaises », « de la semaine« , contenant, par exemple, oeufs de plein air d’Ile de France, saucisse sèche d’Auvergne, jambon blanc de qualité, pavés de coeur de rumsteak, filet mignon de porc de 600g, bavettes d’aloyau, poulet fermier de Normandie. Et, bien sûr, leur fameuse côte de boeuf Simmental, comme les côtes, filet et épaule d’agneau des Pyrénées, bref, le « top » de la viande de luxe proposée désormais pour tous…

Les coffrets des Nivernaises © DR

Christian Constant et son cassoulet géant

Christian Constant sur France 2 © GP

25 kilos de haricots de maïs, 200 confits de canard et 25 kilos de saucisses : c’est le chiffre gourmand de la semaine. Et les ingrédients du cassoulet géant réalisé par Christian Constant, sur les fourneaux, rallumés pour l’occasion, de son Café Constant. Les destinataires? Le personnel soignant de l’hôpital Necker. “Pour moi, note l’ex patron du Violon d’Ingres, ce sont des héros. Ils sauvent des vies, ils sont vraiment à la hauteur du combat. Ils sont là tous les jours, ils ne rechignent pas, donc la moindre des choses, je trouve, c’est de les aider ». Une partie de son personnel de salle et de cuisine, actuellement au chômage technique depuis le 13 mars dernier, est venue l’aider pour l’occasion

Amandine Chaignot et le marché des producteurs

Amandine Chaignot © GP

La belle « pouliche » de la rue d’Enghien ronge son frein. En attendant sa réouverture de la rue d’Enghien, à Paris 10e, Amandine Chaignot a transformé son restaurant en marché des producteurs. Au nouveau « marché de Pouliche », tous les jours, de 10h à 18h, les meilleurs produits artisanaux et de qualité sont mis en valeur. Poireaux, pommes de terre, radis, asperges et jolis fruits voisinent avec salades bio, huile d’olive signée Kalios, épices Nomie ou encore saucisse sèche de Pierre Milhau avenue du Montalet à Lacaune dans le Tarn.  Et, pendant ce temps, Amandine propose ses recettes du moment à faire chez soi sur youtube, comme le fenouil rôti aux poires et magret fumé de son amie Delphine… Que du bonheur offert à tous!

Le Palais de Biarritz change de chef

Aurélien Largeau © DR

Nouvelle donne pour le Palais à Biarritz. Jean-Marie Gauthier, MOF 2001, tire sa révérence après 29 ans de bons et loyaux services. Ce berrichon de Valençay, rallié au pays basque en 1991, après avoir été le chef adjoint de Christian Willer à la Palme d’Or du Martinez à Cannes, aura marqué le palace basque de son empreinte. Son remplaçant n’est pas un inconnu, puisqu’il s’agit d’Aurélien Largeau, 27 ans, qui fut l’un de ses commis au dit Palais, après avoir obtenu son diplôme au lycée hôtelier de la Rochelle, en 2009, et avoir débuté au Grand Hôtel Loreamar de St Jean de Luz. Aurélien, qui a travaillé également chez Christopher Coutanceau à la Rochelle, puis, quatre ans durant, au Richelieu de l’Ile de Ré, était devenu l’excellente doublure de Christophe Hay dans sa seconde maison étoilée la Table d’A Côté à Ardon près d’Orléans. L’objectif à Biarritz? Bien sûr, écrire une nouvelle page gourmande pour ce lieu historique en devenir, qui fut le palais de l’impératrice Eugénie. Et y retrouver l’étoile envolée il y a trois ans. Mais la maison, encore en travaux, ne devrait pas rouvrir avant septembre.

Roederer à Val d’Isère

Au Christiana © GP

En reprenant le Christiana des Bertoli, le groupe Roederer s’est offert discrètement un hôtel cinq étoiles à Val d’Isère. La maison, qui joue le rôle d’institution classique de la station n’a guère bougé de ses bonnes bases, tandis qu’autour d’elle, la concurrence proliférait (les Barmes de l’Ours, Mademoiselle, Avenue Lodge, l’Aigle des Neiges, le Blizzard, le Tsanteleina, le Yule). Et côté table, on fait toujours ici dans le bon classique sans éclat, entre salade César, sole meunière ou grillades. C’est donc de ce côté là que la marque Roederer pourrait se mettre en avant. Rappelons que la famille Rouzaud possède non seulement le champagne qui porte son nom, dont le fameux Cristal et le Brut Premier, mais aussi Roederer Estate en Californie (depuis 1980), Ramos Pinto au Portugal (depuis 1990), Deutz en Champagne et Delas dans la Vallée du Rhône (depuis 1993), le Château de Pez à Saint-Estèphe (depuis 1994), mais aussi le domaines Ott en Provence (racheté en 2004), ainsi que prestigieux Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, deuxième grand cru classé en 1855, à Pauillac (acquis en 2007). Le Christiana, toujours géré par Philippe Bertoli, un des piliers hôteliers de la station, est donc sa première propriété hôtelière. Une acquisition qui pourrait en appeler d’autres.

Quand l’ex-Beauvilliers devient l’Arcane

Laurent Magnin © GP

L’Arcane ? La table de Laurent Magnin. Ce jeune prodige suisse, natif de Lausanne, formé à Crissier aux côtés de Philippe Rochat puis passé aux Crayères à Reims, fut la révélation de l’année au Pudlo 2017. Il a traversé la rue, racheté l’ex- Chamarré d’Antoine Herrah, qui y tenta un essai de cuisine fusion franco-indienne sur le mode mauricien. Le lieu abrita le Beauvilliers, célèbre au temps d’Edouard Carlier, qui accueillit les fêtes gourmandes des années 1980, avec ses clos en terrasse ombragée dédiés à Paul Bocuse, Gérard Vié et aux frères Haeberlin. La maison a changé de style, jouant la sobriété, les sièges design, la cuisine vitrée et apparente, mixant les menus surprise au fil des jours. On en reparle vite… D’autant qu’avec ses tables bien espacées et sa terrasse au grand air de Montmartre, Laurent Magnin attend de pied ferme le déconfinement.

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