2

Les chuchotis du lundi: Naoëlle D’Hainaut à la Samaritaine, Taillevent et l’après-Bizet, la résurrection du Boeuf sur le Toit, Charlotte Bringant féminise les Lyonnais, le triomphe de Caminada, les 10 ans du Percolateur, adieu à Daniel Benharros, Lepage au Chai Monnet, Denon au Jeu de Paume, Lagraula à Mirasol, Schmitt à Terre Blanche

Article du 2 mars 2020

Naoëlle D’Hainaut à la Samaritaine

Naoëlle Dhainaut au temps de Top Chef © M6

Gagnante de Top Chef 2013, passée neuf ans durant chez Eric Frechon au Bristol, étoilée désormais à son compte avec son sommelier de mari, en banlieue à Pontoise (l’Or Q’idée), tout près de sa cité natale de Saint-Ouen l’Aumone, Naoëlle d’Hainaut est une star télévisuelle jusqu’ici fort discrète dans la sphère parisienne. Voilà qu’elle se prépare à ouvrir, à partir du mois du mai, une table au rez de chaussée de la nouvelle Samaritaine rénovée, qui se nommera « Ernest » en hommage au fondateur du grand magasin. Elle a finalement été choisie  par le duo de partenaires Olivier Maurey et Eric Kayser. On sait, en tout cas, que l’offre de la future Samaritaine sera multiple et diversifiée, façon « food court« , outre la table menée par Arnaud Donckèle à l’intérieur de l’hôtel le Cheval Blanc, avec les desserts de Maxime Frédéric, avec notamment une brasserie au dernier étage, sur le thème de la broche et du barbecue, conçue au dernier étage par Mauro Colagreco, sous la houlette de GL Events. L’ouverture du lieu, envisagé d’abord, mi-avril, devrait se faire un mois plus tard.

Taillevent et l’après-Bizet

David Bizet chez Taillevent © GP

David Bizet est encore présent chez Taillevent jusqu’au 6 mai… Les candidatures affluent sur le bureau des frères Gardinier, propriétaires de la grande maison de la rue Lamennais, comme des Crayères à Reims et des 110 de Taillevent. Il est certain qu’ils auraient préféré ne pas avoir à envisager le recrutement d’un nouveau chef juste après l’obtention d’une 2e étoile, qui était le juste retour de celle envolée l’an passé, après le départ d’Alain Solivérès. La bonne nouvelle, c’est que parmi les postulants, qui se bousculent au portillon pour reprendre le poste de l’ex-chef de l’Orangerie au Four Seasons George V en partance pour le Peninsula, tous sont de qualité et d’origine fort diverse, aussi bien parisienne et provinciale qu’étrangère. On n’en sait guère plus.

La résurrection du Boeuf sur le Toit

B. Patou avec J-P Belmondo, J. Dujardin, Pierre Richard et A. Duléry © BP

Signée Benjamin Patou du Moma Group (la Gare, Manko, le Victoria, Noto, Lapérouse, la Fontaine Gaillon), la rénovation du Boeuf sur le Toit, rendu à sa vocation initiale de brasserie doublée d’un cabaret, fait l’effet d’une résurrection. Dans les années 1920, Diaghilev, l’homme des ballets russes de Paris demandait à Cocteau : « Jean, étonne moi« . Un siècle plus tard, c’est le gars Benjamin qui étonne ses amis en draînant le tout Paris. Associé à Patrick Bruel, qui fournit là son huile d’olive, accueillait à l’ouverture Jean-Paul Belmondo, Jean Dujardin, Pierre Richard, Antoine Duléry. Le premier soir officiel, jeudi dernier, il y recevait Christophe Lambert, Laurent Boyer, Benjamin Castaldi et Jean-François Piège, entre autres. Et tous s’y régalaient d’une cuisine de brasserie chic, signée Jean-Pierre Vigato, où les oeufs mimosa, le tartare avec ses pommes pailles, le cabillaud aux cannelloni farcis de ratatouille et le Paris-Brest faisaient l’effet de divine surprise. Le tout-Paris est à nouveau chez lui rue du Colisée…

Charlotte Bringant féminise les Lyonnais

Charlotte Bringant © GP

Elle a 24 ans, a travaillé chez Allard avec Fanny Herpin, puis Pauline Berghonnier, après avoir oeuvré chez Laurent, aux côtés d’Alain Pégouret. Native des Yvelines, n’ayant guère quitté Paris, elle déborde pourtant de savoir-faire et de bonne volonté et s’est coulé avec aise dans le moule forgé pour elle par Alain Ducasse aux Lyonnais, maison fondée en 1890, qui a conservé ses stucs, ses moulures, ses céramiques, son comptoir à l’ancienne et son aura. Elle remplace ici Yann Manstantuono en partance pour le Sud, et mitonne les classiques maison (quenelle Nantua, sabodet au vin rouge, foie de veau persillé, cervelles des canuts et clapotons), dans la tradition des mères rhône-alpines avec dextérité. Bref, elle « féminise » les Lyonnais et les desserts (oeufs en neige aux pralines, marjolaine selon Fernand Point) semblent ne s’en porter que mieux. A noter sur vos tablettes!

Le triomphe d’Andreas Caminada

Andreas Caminada en cuisine © DR

Il est le moins connu des grands chefs helvètes, oeuvrant dans son très discret et très élitiste Schloss Schauenstein de Fürstenau dans les Grisons, près de Coire, où il gère non seulement une table trois étoiles de 24 couverts avec ses plats artistes, beaux comme des tableaux contemporains, une taverne régionale (Casa Caminada), qui avec ses dix chambres, double les 9 du château. Avec son physique de sportif, son allure glamour de rock star, sa barbe bien lissée, toujours vêtu de noir, Andreas Caminada, 42 ans, natif de Sagogn, sillonne le monde de la cuisine, qui souvent l’ignore,  avec une rare élégance. L’autre lundi, à Lugano à la cérémonie des étoiles Michelin Suisse 2020, il a été le chef le plus fêté de son pays. Il conserve, bien sûr, ses trois étoiles de Fürstenau, mais les renforce avec ses neuves annexes de St Moritz (au Badrutt Palace) et Bad Ragaz (Grand Resort), tous deux crédités de deux étoiles, sous son label de IGNIV by Andreas Caminada. Mieux encore, ce maitre d’école vient de recevoir le « Michelin Mentor Award » sponsorisé par Sprüngli, couronnant ainsi son influence dans toute la Suisse.

Les 10 ans du Percolateur

David et Philippe Madamour © DR

Ils ont voyagé dans le monde entier, USA, Brésil, Equateur, Italie ou Suisse, ont créé à Paris, le 7/15 avenue Lowendal, dans le 7e, puis le Bistrot d’En Face, avant d’imaginer il y a pile dix ans leur bistrot de coeur dans le quartier Saint-Lazare immortalisé par Caillebote, pile derrière la gare Saint-Lazare. Cela s’appelle le Percolateur et ce lieu, qui de l’extérieur, ressemble à un café comme un autre, vaut le détour pour sa magnifique collection de percolateurs rassemblée par les deux frères gourmets et aubergistes, Philippe et David Madamour, qui inspirent aussi la cuisine buissonnière de leur chef, le fidèle Arnaud Trognon, qui mitonne le fameux saumon WHI.ER. SO.SE (whisky, érable, soja, sésame), longuement mariné, qui, avec le poulet cajun et ses frites maison, composent le duo vedette de la maison.

Adieu à Daniel Benharros

Joël Robuchon et Daniel Benharros © Stéphane de Bourgies

Il était l’homme des « spécial vin » du Figaro, dont il avait créé le genre. Fondateur d’Edi-Guides, promoteur de la revue du Champagne, passionné de vins et de gourmandises, homme de confiance de Bernard Magrez mais aussi de Joël Robuchon (il est demeuré ami avec les deux, après leur brouille fameuse à Bordeaux), Daniel Benharros nous a quitté fort discrètement l’autre dimanche. Depuis dix ans, il vivait sa vie comme « un miracle permanent« , disait-il, poursuivi par une « sale maladie« , qui l’a finalement emporté. ll avait gardé sa joie de vivre, portait la bonne parole au long des dîners en ville chez Taillevent ou au Stresa, qui faisaient partie de ses tables de prédilection. Natif de Rabat, né dans une famille de bijoutiers, alors au service de la famille royale du Maroc, il était un bosseur infatigable, ne ménageait pas son temps, voyageait sans cesse d’un vignoble l’autre. Avait contribué à changer l’image du vin dans la grande presse. Il avait ses chouchous, adorait Rolly-Gassmann en Alsace, m’avait fait connaître Jean Durup à Chablis, François Mora et tant d’autres en Champagne, connaissait le Bordelais comme sa poche, tutoyait tout le monde, nous appelait « mon frère » et « mon copain« . Sa chaleur méridionale, son amitié  combattante, sa force de persuasion nous manqueront. J’ajouterai pour la note personnelle qu’il fut le premier régisseur de pub de mon guide en 1989 et qu’à ce titre le Pudlo lui doit beaucoup et même plus. Cher Daniel, n’oublie pas d’embrasser Joël quand tu le verras. Et ce sera sans doute très vite…

Marc-Antoine Lepage au Chai Monnet

Marc-Antoine Lepage au Chais Monnet © GP

Le Chai Monnet? L’hôtel de luxe de Cognac situé dans d’anciens chais modernisés. Le lieu, lancé l’an passé, avait bénéficié de l’expertise gourmande de Sébastien Broda, qui eut une étoile au Park 47 du Grand Hôtel de Cannes Mais ce dernier est parti il y a quelques mois pour rejoindre Arnaud Poëtte et la neuve équipe d’Eric Frechon à l’Eden Roc. L’hôtel a donc recruté, pour sa table gourmande, les Foudres,  Marc-Antoine Lepage.  Ce Breton voyageur, formé auprès du double étoilé Philippe Vételé chez Anne de Bretagne au port de la Gravette à La Plaine-sur-Mer, passé dans de belles tables renommées comme le Grande Cascade à Paris, la Bastide St Antoine de Jacques Chibois à Grasse, le Mirazur de Mauro Colagreco à Menton, le Chabichou de Michel Rochedy, le Kilimandjaro et le K2  à Courchevel, officiait récemment au Cheval Blanc à Saint Barth. Prenant les commandes du restaurant Les Foudres à Cognac, il va revisiter les richesses gourmandes des Charentes : cagouille, truite ou grillon mariné au cognac. Avec un objectif évident ici: décrocher très vite l’étoile.

Anthony Denon au Jeu de Paume

Anthony Denon © DR

Il était l’un des chefs tournants du groupe Ducasse – on l’a notamment vu au Meurice et chez Rech, après le Louis XV et le Plaza-Athénée. Passé un temps chez Christophe Saintagne chez Papillon, il remplace Julien Lucas à l’Auberge du Jeu de Paume de Chantilly. Cette belle hôtellerie de l’Oise, membre des Relais & Châteaux,  imaginée par l’Aga Khan, contigüe du royal château de Chantilly, géré par ce dernier, a eu dû mal jusqu’ici à garder ses chefs. On y a connu Arnaud Faye, qui y obtint deux étoiles, puis Clément Leroy, ex de Guy Savoy, et conserva à la maison une étoile, avant de partir pour Londres reprendre les fourneaux de The Square à Mayfair, récemment fermé. Anthony Denon, 31 ans, a la carrure pour gérer aussi bien la table gastronomique (la Table du Connétable), que la brasserie (le Jardin d’Hiver).

Philippe Lagraula à la Villa Mirasol

Philippe Lagraula © DR

La Villa Mirasol? Une demeure de grand charme des bords de l’Adour qui constitue la perle hôtelière et gourmande de Mont-de-Marsan au coeur des Landes, sous la gouverne d’un duo d’esthètes, Patrice Arnegau et Etienne Clauzel, qui en font une des perles hôtelières de la chaîne des Collectionneurs. L’arrivée de Philippe Lagraula, qui fut étoilé à Dax, sous l’enseigne de « Une cuisine en ville », puis déteint à Bordeaux une table sous le même label, mais aussi le Miraflores, tous deux couronnés du « Bib gourmand », devrait les faire monter en gamme. Ancien de chez Bras à Laguiole, Troisgros à Roanne et Le Bec à Lyon, Philippe Lagraula fait ainsi son retour au pays landais dont il est originaire.

Christophe Schmitt à Terre Blanche

Christophe Schmitt © DR

Il fut le chef étoilé de Diane au Fouquet’s, le lauréat du prix Taittinger. Le strasbourgeois voyageur, Christophe Schmitt, qui a dirigé  quatre ans durant les cuisines de l’Almandin à l’hôtel de l’ile de la Lagune à Saint-Cyprien dans le Roussillon et y a obtenu une étoile, arrive au domaine de Terre Blanche Hôtel Spa et Golf à Tourrettes dans le Var. Sous-Chef exécutif de Philippe Jourdin, il va pouvoir y exprimer son talent, en mitonnant une cuisine méditerranéenne de haute volée. Côté sucré, Gaétan Fiard, chef pâtissier résidant depuis mars 2019, voit son équipe renforcée avec la venue de Jérémie Gressier comme Sous-Chef pâtissier, en direct du Pavillon Ledoyen à Paris. Objectif ici: retrouver la 2e étoile envolée il y a cinq ans.

Les chuchotis du lundi: Naoëlle D’Hainaut à la Samaritaine, Taillevent et l’après-Bizet, la résurrection du Boeuf sur le Toit, Charlotte Bringant féminise les Lyonnais, le triomphe de Caminada, les 10 ans du Percolateur, adieu à Daniel Benharros, Lepage au Chai Monnet, Denon au Jeu de Paume, Lagraula à Mirasol, Schmitt à Terre Blanche” : 2 avis

  • impeccable pour qui veut suivre l’actualité de notre métier

  • toujours bien écrit ! Bonne journée

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !