Monopole Métropole
« Strasbourg: Monopole-Métropole, hôtel-musée »
Si vous suivez ce blog avec attention depuis près d’un an, vous savez parfaitement ce qui m’émeut, me déploie, me met en transes et en émoi, me transfigure et m’enchante, ou encore, comme dit mon copain Cédric Klapish, ce qui me meut. Une toile de Luc Hueber, un portrait de Lothar Von Seebach, un huile de Jacques Gachot – bref, les peintres d’Alsace d’entre 1900 et 1960, ceux qui fondèrent le groupe de Mai, cette version alsacienne de la Nouvelle Objectivité, cette école régionaliste des pro-Cézanne d’entre Vosges et Rhin, ces réalistes/expressionnistes si fascinants – j’allais oublier mon cher et si rare Martin Hubrecht, comme Lisa Krugell, Simon Lévy et Louis-Philippe Kamm, ou encore Edouard Hirth, Paul Welsh, René Beeh, Charles Shenckbecher et Henri Beecke. Bref, si vous avez lu, savouré, croqué, grignoté, au moins, mon « Dictionnaire Amoureux de l’Alsace », vous allez dire que je radote. Et, bien sûr, vous n’aurez pas tort.
Voilà qu’une fois de plus, j’enfonce le clou et me répète à plaisir. Me voilà donc Strasbourg. Et au sortir de la neuve gare TGV – immense vaisseau de pierre rose en grès, couvert d’une bulle de verre -, j’emprunte toujours le même chemin. Même si je dors ailleurs, je rallie le coeur de la ville par la rue Kuhn et rends visite, c’est le mot, à l’hôtel des Siegel. Je veux dire au Monopole-Métropole, ainsi nommé car il fut issu jadis de la réunion de deux hôtels. Je regarde les salons, je photographie, pour la énième ces tableaux qui me font rêver, et qu’entourent objets d’ici, céramiques, poteries, faïences. Il y a donc les Alsaciens naïfs, surpris, étonnés, figés dans leurs traditions ou dans leur époque, et dans leurs gestes, (nous sommes en 1943 durant ce qui fut non seulement l’occupation, mais bien l’annexion nazie) de Luc Hueber, celui naïf de Jacques Gachot, le copain voisin d’Hueber, dont le trait était sans doute moins fin, mais non moins ferme. Et puis l’Alsacienne, un peu triste, un peu revêche, et forcément plus ancienne de Lothar Von Seebach (décédé, lui, en 1930).
Hôtel-musée, avec ses chambres revues par des artistes contemporains, accueil chaleureux, salle de petits déjeuners rétros, mobilier vieillot ou high tech: il y a tout et son contraire, bref tout ce qu’on aime dans cet hôtel désormais Best Western. Laissez-moi, à l’orée de mon voyage, saluer la mémoire de Léon Siegel, le bien aimé patron qui donna son âme au lieu, et adresser un coup de chapeau à ces artistes, mésestimés en Alsace, qui ne sont plus tout à fait chez eux dans leur couloir, à eux dévolu, au sein du MAMCS.
Luc, Jacques, Lothar, Martin, Louis-Philippe et tous les autres, je vous salue ce soir. Et me récite encore les vers immortels de Germain Muller:
« Monsieur von Seebach, s’il vous plaît, s’il vous plaît
Peignez-nous une fois encore,
Monsieur von Seebach, le bon temps
D’antan
La violette à la Meinau…
L’églantine au petit Rhin…
L’île des pêcheurs dans la rose argentée…
L’orangerie au clair de lune… »