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Les chuchotis du lundi : Michelin 2020 : un millésime qui désarçonne, l’Alsace oubliée, David Bizet entre Taillevent et le Peninsula, adieu à Emile Jung, Jean-François Piège redore l’Epi d’Or, Cyril Lignac prépare Ischia, Emmanuel Horclois à la Réserve Genève, Ana Airways et la cuisine japonaise

Article du 3 février 2020

Michelin 2020 : un millésime qui désarçonne

Kei Kobayashi © Maurice Rougemont

Un millésime Michelin d’apparence généreuse, avec ses trois « trois étoiles » nouveaux, ses onze nouveaux « deux étoiles », ses 49 « une étoile », mais qui reflète une absence totale de ligne de conduite, une rigueur en biais, un sens de l’embrouillamini remarquable, un goût de la fête gâchée (dès l’annonce, onze jours auparavant, du retrait de la 3e étoile à Bocuse). La cérémonie des étoiles du 27 janvier au Pavillon Gabriel fut une belle soirée, mais savamment bordélique et même borderline, avec son parterre brouillon de chefs, d’attachés de presse, d’invités des sponsors, placés au milieu de salle ou face à l’estrade, ses journalistes parqués sous la verrière, côté droit, son animatrice aux jambes magnifiques, mais au phrasé imparfait, balbutiant le nom des chefs, plaisantant à qui mieux mieux, mais le plus souvent à côté de la plaque – l’imprévisible Andrey Pulvar -, un big boss du Michelin annonant son discours creux en cherchant ses mots, félicitant la direction du guide pour son « travail difficile »  – l’impétrant Florent Ménégaux. Plus des annonces par villes/mer/montagne/campagne, auxquels on ne comprenait pas grand chose, les deux étoiles mélangées avec les trois… Bref, si le Michelin voulait surprendre, il a pleinement réussi  – mais pas forcément en bien. Et si on a largement applaudi la promotion méritée de la meilleure table marine de France (Christopher Coutanceau à la Rochelle), l’insolite triomphe de Kei Kobayashi à Paris, le premier nippon obtenant les 3 macarons en France, et le retour en grâce, 30 ans après, de l’Oustau de Baumanière de Jean-André Charial et de son fils spirituel Glen Viel aux Baux de Provence, on glissera sur la gifle infligée à Jean-François Piège, toujours non promu, comme à Olivier Nasti de Kaysersberg, visité en juillet par Gwendal Poullenec (mais on a bien compris que le vrai patron du guide rouge est Gilbert Garin le chef des inspecteurs et que le dit Gwendal n’est que son paravent). On ajoute au passage que le Grand Est (voir ci après) et le Nord ont été oubliés au profit de la Côte d’Azur et de la Savoie (deux étoiles pour le restaurant de desserts de cinq tables, le Sarkara à Courchevel, ce qui porte à 6 le nombre d’étoiles du groupe K2, deux étoiles aussi pour la Table de l’Alpaga à Megève en disent long sur les communes préférées des inspecteurs…). Bref, le millésime 2020 dépote, même si l’on est heureux d’y retrouver Stéphanie Le Quellec et d’y voir remise à l’honneur les Clément de Romorantin. Le Michelin 2020? Un millésime destiné à plaire à tout le monde et qui ne séduira, finalement, totalement personne…

 L’Alsace oubliée

Marc Haeberlin et les sommeliers de l’Auberge de l’Ill © GP

La nouvelle direction du Michelin n’aime guère le Grand Est. On le savait depuis l’an passé avec la perte de la 3e étoile très symbolique de l’Auberge de l’Ill à Illhaeusern. Cette année, trois maisons en Lorraine ont perdu leur étoile (la Lorraine à Zoufftgen, la Maison dans le Parc à Nancy, le Strasbourg à Bitche). Tandis qu’en Alsace, le bilan était éclairant : deux pertes d’étoiles à Strasbourg avec le Crocodile, qui a fermé pour travaux avant de réouvrir en janvier et une nouvelle équipe, et à la Carambole, dans le faubourg de Schiltigheim. Au bilan des promotions, alors qu’on attendait Olivier Nasti à Kayserberg, ou encore la Villa Lalique à Wingen-sur-Moder, sans omettre la Fourchette des Ducs à Obernai, c’est un zéro pointé. Le Buerehiesel d’Eric Westermann à Strasbourg reste toujours confiné à une étoile, comme la Maison des Têtes d’Eric Girardin, nouveau Relais & Chateaux à Colmar. Loin est le temps où l’Alsace brillait avec 3 trois étoiles (Emile Jung, Antoine Westermann, Paul et Marc Haeberlin). Mangerait-on moins bien en Alsace en 2020 qu’en 2000 ? C’est ce que semblent croire les nouveaux inspecteurs Michelin…

David Bizet entre Taillevent et le Peninsula

David Bizet © GP

On le citait dans la liste des postulants au remplacement de Christophe Raoux à la tête des cuisines du Péninsula. Il nous affirmait pourtant ne pas vouloir quitter Taillevent, qui vient, sous sa gouverne, avec le renfort, côté salle et cave, du double MOF Antoine Petrus, de retrouver une deuxième étoile. Voilà David Bizet pourtant en partance pour… un palace du 16e de l’avenue Kléber. Rien n’est officiel, même si le chef doublement étoilé,  qui créa l’Orangerie au Cinq, n’assure plus les services du Taillevent le soir. Rue Lamennais, on n’hésite pas à se lamenter sur le fait que tout a changé pour lui, avec lui : nouveau service de table, nouvelle porcelaine, service plus féminin. Tout cela avait plu au Michelin…

Adieu à Emile Jung

Emile Jung © Maurice Rougemont

Il était le professeur de bonnes manières de la cuisine d’Alsace, l’artiste du flan de cresson aux grenouilles et du sandre Père Woellflé, le roi classique de Strasbourg (à l’opposé d’Antoine Westermann, qui était, lui, le moderne et avait le coeur largement tourné vers le Sud), l’empereur du Crocodile, apprécié de ses confrères, comme de ses clients et de ses disciples pour sa gentillesse, sa disponibilité et son sens innné de la pédagogie. Lauréé de trois étoiles sous l’égide de Bernard Nagellen, en 1989, découronné par Derek Brown, de sinistre mémoire (il ne fera pas long feu, guère plus de quatre ans, à la direction du Michelin), en 2002, Emile Jung a disparu ce lundi 27 janvier, ô ironie du sort, le jour de la sortie du Michelin 2020. L’actuel directeur du guide, Gwendal Poullennec, lui a justement rendu hommage, demandant à l’assistance de l’applaudir debout. Et l’influence d’Emile demeure. Pour tout savoir sur son importance, nous renvoyons le lecteur à notre éloge,  paru jadis dans notre livre sur le Crocodile, et qui dit tout de ce natif de Masveaux, formé à Lyon, chez Roucou et Vettard, ayant conquis Strasbourg et le coeur de l’Europe depuis sa grande maison de la rue de l’Outre. Sachez, en tout cas, que ce poète, paysan, créateur et décodeur de modes (« la nouvelle cuisine était, selon lui, une pratique inachevée pour mangeurs achevés« ), savait raconter mieux que personne la cuisine de sa région et celle de son pays, que le menu-dégustation devait se faire, selon lui, en trois ou cinq temps (avec les desserts) faute de jouer des tours à la mémoire et, si la modernité ne lui était pas étrangère (il pratiquait volontiers les desserts à l’azote), la tradition, l’histoire, les mets éternels (pâté en croûte de foie gras à la Jean-Pierre Clause, caille Brillat-Savarin, volaille Gillerlé aux spaetzle) étaient chez lui comme des leçons de choses. Peu de chefs incarnaient, comme Emile, sa région, son pays, son métier, sa passion. Une pensée émue pour Monique qui fut la compagne fidèle de ses jours heureux ou moins glorieux.

Jean-François Piège redore l’Epi d’Or

Jean-François Piège et l’équipe de l’Epi d’Or © GP

C’était un bouchon lyonnais à la parisienne – ou l’inverse – sous l’égide de Pascaline Pelletier. Jean-François Piège et son épouse Elodie, qui possèdent le Clover Grill et la Poule au Pot dans le quartier, celui des halles de Paris, l’ont revu sans en toucher l’écorce, ni l’âme. Tout est comme avant, version neuve et proprette, avec céramiques au sol, splendide comptoir en zinc, belles banquettes brunes, tables en bois, vitres de verre gravées annonçant les toilettes. Mais, grande nouveauté, la cuisine est désormais ouverte. On travaille à faire plaisir au chaland gourmand avec des mets de toujours à peine revisités, tarifés sagement, avec des formules à 26 et 37 €. Pâté en croûte, mousse de foie, salade de pois chiches, croque-madame complètent les plats du semainier. Tout Paris se presse au 25 rue Jean-Jacques-Rousseau pour apprécier cette divine surprise dans l’art de faire simple et bon.

Cyril Lignac prépare Ischia

Cyril Lignac © DR

Il a tourné le dos, avec succès à la restauration étoilée, développe son offre sucrée avec cinq pâtisseries, plus une chocolaterie/salon de dégustation rue de Chanzy, face au Chardenoux et à sa pâtisserie de la rue Paul Bert, poursuit dans le ton d’une gastronomie décomplexée, aussi bien dans le 11e, qu’à Saint-Germain des Près, rue du Dragon. La prochaine étape? Ce sera Ischia, mi-avril, rue Cauchy, aussi bien pizzeria que trattoria, dans son ancienne table gastronomique du 15e (ce fut 15e Cyril Lignac, après 15e Attitude). On n’arrête pas Cyril Lignac

Emmanuel Horclois à la Réserve Genève

Emmanuel Horclois © GP

Il est nouveau chef exécutif de la Réserve de Michel Reybier à Genève-Bellevue, après avoir exercé à l’Hôtel des Bergues, toujours à Genève, au service privé des Rothschild au château de Prégny, et, huit ans durant, au Chalet du Mont d’Arbois à Megève. Lyonnais rallié à la Suisse et à la montagne (on l’a vu l’hiver dernier au Schweizerhof de Zermatt, toujours pour le groupe Reybier Hospitality), formé jadis chez Bocuse et au Crillon (époque Bonin, puis Constant), il a en charge l’ensemble des cuisines de ce bel hôtel de luxe, décoré par Jacques Garcia comme un lodge africain, mais qui doit, prochainement, faire sa mue, et possède l’étoilé Tsé Fung, où exerce le sage Franck Xu. Sa mission? Redonner un lustre gourmand au Loti, où exerça Virginie Basselot, désormais au Négresco niçois), et qui peine à décrocher une étoile.

Ana Airways et la cuisine japonaise

Du 7 au 9 février, trois maîtres de la cuisine japonaise (Takahashi Shingo, Kentaro Nakahara et Tomokazu Maehira) viendront se produire à Paris, pratiquant l’un des sushis d’exception, l’autre des sandwiches au wagyu de haute tenue, le 3e des tempuras de première force. Ils seront associés à leur collègue étoilé d’Alliance, Toshitaka Omyia, dans l’annexe de ce dernier, Affinité, rue de Bièvre, le tout sous l’égide de compagnie nippone ANA (All Nippon Aiways). Rens. en ligne  .

A propos de cet article

Publié le 3 février 2020 par

Les chuchotis du lundi : Michelin 2020 : un millésime qui désarçonne, l’Alsace oubliée, David Bizet entre Taillevent et le Peninsula, adieu à Emile Jung, Jean-François Piège redore l’Epi d’Or, Cyril Lignac prépare Ischia, Emmanuel Horclois à la Réserve Genève, Ana Airways et la cuisine japonaise” : 10 avis

  • Yves Sevenol

    Bizarre toutes ces dernières interventions qui n’ont rien à faire sur ce blog …

  • thomas

    Poulet c’est le gars qui ne va pas au rugby, parce qu’il pense que dans la mêlée les joueurs disent du mal de lui.

  • Mathos

    Thomas, Valery, Yves, même combat, mêmes personnes …

  • thomas

    sombrez, scusi

  • thomas

    M Poulet personne ne doute de votre courage, mais la vous sombrer dans la facilité, la Kommandantur, ben dit donc! par respect pour les torturés vous devriez faire preuve de modestie

  • JORAND Philippe

    BRAVOOOOOOOOOOOOOO !!!!!!!!!!!!!!!!

  • Valery, attention à l’overdose d’intelligence ! Ah, c’est vrai c’est impossible vous en êtes dépourvu !
    Vous auriez dû vivre entre 39 et 45, votre anonymat courageux et dénonciateur vous aurait permis de bénéficier de la protection de la Kommandantur !

  • Carlos

    Je vais 1 fois par mois dans un étoilé (perso et professionnel) et je suis totalement en accords avec le guide.
    Soit le guide cible un public plus jeune (j’ai 40 ans), soit ils sons revenus à plus d’objectivité.
    Alors certes j’ai mes chouchous qui n’obtiennent pas l’étoile supplémentaire que je leur souhaite, mais avec le recule je le comprends et j’en fais pas un scandale.

  • Valery

    …Et surtout où est passé Jean-Pierre Poulet, notre gallinacée critique favori ? Une overdose de graines ?

  • thomas

    Strictement rien: ceux ui ont eu une étoile de plus étaient contents, ceux qui n’en ont pas eu faisaient la tronche, et la question principale qui ne sera pas posée: Pudlo comment fait il pour manger dans 4 restaurants chaque jour, alors que la réponse est: il a un estomac en béton!!

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