Les chuchotis du lundi : y aura-t-il un 3 étoiles à Paris? L’année Nasti? la promotion 2020 des GTDM, Franck Potier-Sodaro reprend Sormani, adieu à Sébastien Demorand, Fanny Rey bouscule Courchevel, La Traye booste Méribel, Michel de Matteis à Lausanne, Bruno Doucet côté Faubourg St Honoré

Article du 27 janvier 2020

Y aura-t-il un 3 étoiles à Paris?

Jean-François Piège © DR

Depuis Alain Ducasse au Plaza-Athénée et Christian Le Squer au George V, en 2016, il n’y a pas eu de nouveau 3 étoiles à Paris. Cette fois-ci pourrait-être la bonne. Sont en lice Jean-François Piège, dont on parle évidemment chaque année pour le Grand Restaurant et qui paraît au sommet de son art, rue d’Aguesseau, tout en développant son groupe  (après la Poule au Pot, le Clover Grill, le Clover Green et le Clover Gordes, l’Epi d’Or vient d’ouvrir cette semaine… à deux pas de la Bourse de Commerce). Au chapitre des outsiders de haut vol, Jérôme Banctel de la Réserve et Christophe Pelé du Clarence, qui sont entrés tous deux au Michelin toujours en 2016, avec directement deux étoiles, feraient également des promus de talent et de caractère. On parle également de David Toutain, qui a les épaules solides et se montre sans nul doute le chef parisien le plus créatif du moment. Mais sa promotion à deux étoiles, longtemps attendue, ne date que de l’an passé. On n’oublie pas le Meurice version Alain Ducasse, qui obtint d’emblée trois étoiles et est passé à deux quand AD a gagné les trois macarons pour sa nouvelle formule « naturaliste » au Plaza Athénée, pourrait légitimement les retrouver avec Jocelyn Herland aux fourneaux. Ni Thierry Marx qui fait toujours bonne mesure au … Sur Mesure du Mandarin-Oriental. Enfin, au registre des brillants challengers qui pourraient constituer une divine surprise créative,  se trouve  Kei Kobayashi, qui a ouvert table à son nom en 2010 et obtenu la seconde étoile en 2017… Il fut le cuisinier de l’année au Pudlo 2012, n’a jamais masqué son ambition d’arriver au sommet du guide rouge et pourrait bien être le premier chef japonais à accéder à l’olympe suprême en France. Réponse ce soir…

Kei Kobayashi © GP

L’année Nasti ?

Olivier Nasti © GP

L’an passé, l’Alsace avait été cruellement touchée par la perte de la 3e étoile de l’Auberge de l’Ill, et, par la même, l’absence de tout trois étoiles pour un région qui en posséda jadis trois (le Buerehiesel d’Antoine Westermann, le Crocodile d’Emile Jung, l’Auberge de l’Ill des Haeberlin), voire quatre (si l’on annexe l’Arnsbourg des Klein dans les lisières bitchoises de Baerenthal). Le lauréat idéal, cette année – on l’a déjà fait remarquer ici-même – serait évidemment Olivier Nasti, fringant MOF 2007, ancien de chez Schillinger, Roellinger et Haeberlin, en pleine maîtrise de son art au Chambard de Kaysersberg, et deux étoiles depuis 2014, chez qui Gwendal Poullennec a organisé une réunion de chefs autour du Michelin l’été dernier. Olivier Nasti, qui a entièrement revu son décor sur le mode montagnard il y a deux ans, joue aussi bien d’un registre régional (escargots de la Weiss, foie gras râpé en neige, cuisses de grenouilles mariées au turbot, chevreuil d’été et käseknepfle) que sophistiqué (ses incroyables petits pois au caviar), Attendons tout à l’heure pour en savoir plus…

La promotion 2020 des GTDM

Cyril Molard , Ma langue sourit, Luxembourg © Maurice Rougemont

Les Grandes Tables du Monde, qui font désormais coïncider la sortie de leur guide avec celle du Michelin, se réunissent ce lundi 27 janvier à 12h30 chez Ledoyen à Paris. Au programme de leur édition 2020, douze promus: de Chine, côté Hong Kong, avec Lung King Heen, de Corse à Porto-Vecchio, avec Casa del Mar, avec Fabio Bragagnolo, de Californie, avec le Manresa de David Kinch, mais aussi d’Autriche (Silvio Nickol au Palais Coburg à Vienne), d’Italie (Il Pagliaccio d’Anthony Genovese à Rome), du Luxembourg (« Ma Langue Sourit » à Moutfort de Cyril Molard), d’Allemagne (Douce Steiner à Sulzburg au Hirschen), de Belgique (Sergio Herman et Nick Brill chez Jane à Anvers), de Suisse (Andreas Caminada à Fürstenau au Schloss Schauenstein) et des USA côté NY (avec l’alsacien Gabriel Kreuther) viennent les autres promotions. Un palmarès éclectique pour une association gastro-oecuménique qui célèbre tous les styles de cuisine.

Franck Potier chez Sormani

Franck Potier-Sodaro © GP

On vous l’annonçait il y a plus de trois ans déjà. Mais le bonhomme avait du mal à décrocher. Voilà donc Pascal Fayet prenant sa retraite, après trente ans de bons et loyaux services rue du Général de Lanrezac, à deux pas de l’Etoile. Ce natif d’Annemasse, qui a dédié sa belle maison italienne à une grand-mère toscane, vendu son Sormani à son jeune et fidèle chef de rang, Franck Potier, 35 ans, mais déjà dix huit ici même, qui veille sur la salle et la cave si riche en « supertoscans » (Sassicaia, Ornellaia, Tignanello, Guado al Tasso) et en jolis flacons du Piémont (Barolo Sperss), dont la mère est d’origine calabraise. Franck, qui a mis sur sa veste – et repris pour l’occasion – le nom de jeune fille de cette dernière, Sodaro, continue sur la même vague. Il a gardé la même équipe de cuisine et de salle, fidèle au style maison, italien et généreux. Prisé du CAC 40, Bernard Arnault et François Pinault en tête, Sormani bénéficie toujours d’une des plus belles clientèles de Paris.

Adieu à Sébastien Demorand

Sébastien Demorand avec JF Piège © DR

Il était le plus drôle d’entre tous, le plus facétieux, jamais l’abri d’une blague et d’un bon mot. « La bistronomie« ? Il l’avait inventée au détour d’un brainstorming d’une réunion Fooding.  Il aimait les néologismes, se moquait du  rigorisme extrême, comme du qu’en dira-t-on. Se montrait le plus rock’n’roill des critiques gastronomiques, le plus finaud, le plus audacieux, le plus crédible. On l’avait connu à Zurban, à Gault-Millau, à Masterchef, s’imposait par sa drôlerie, son sens du bon mot. Etait ce garnement toujours ému, toujours étonné. Raffolait des bistrots, adorait le Paul Bert de son pote Bertrand Auboyneau. Avait eu l’idée, en réunissant des fonds, à l’aide d’un groupe d’amis, de créer le Bel Ordinaire, rue de Paradis, dans le 10e, jouant l’aubergiste de hasard dans une épicerie/restau façon « cave à manger », où il y recevait tout un chacun comme les « grands »  de la cuisine – ainsi Jean-François Piège sur notre photo. Tous s’étonnaient, à bon droit, de sa facilité à passer de l’autre côté du miroir. Ce mardi 21 janvier, Sébastien Demorand, qui venait d’avoir 50 balais tout ronds, nous a fait une bien mauvaise blague, en nous quittant, après une douloureuse maladie. Mais, rassure-toi, on ne t’oubliera pas l’ami!

Fanny Rey bouscule Courchevel

Florence Carcassonne avec Jonathan Wahid et Fanny Rey © GP

Fanny Rey et son pâtissier de mari Jonathan Wahid, on les connaît à Saint-Rémy-de-Provence, à la Reine Jeanne. Tandis que leur maison se rénove et se bouleverse, les voilà en montagne, à Courchevel, reine des stations gourmandes, dans le bel hôtel  de la Sivolière administré avec charme par Florence Carcassonne. Chaque soir, avec deux menus de sept et dix séquences, Fanny et Jonathan signent une cuisine de haute volée qui se positionne au sommet de ce qui se livre dans la station, expliquée avec soin par un personnel aux aguets. La betterave dans tous ses états, les moules au caviar, la langoustine crue « entre les algues », les « racines carrées » de légumes d’hiver au foin des prés, les crozets aux truffes blanches, la déjà fameuse saint-jacques « pince à linge » et le pigeon aux épines de pin, avant le craquant caramel aux pommes de douze heures constituent des pièces d’orfèvrerie gourmande. On en reparle, évidemment.

La Traye booste Méribel

En terrasse © GP

C’est l’une des plus extraordinaires réalisations des Alpes à la porte de Méribel et du vieux village des Allues : : un refuge millésimé 1982, entièrement reconstruit, avec sa chapelle, deux mazots, ses quelques chambres modernes, son coin cheminée, sa terrasse, son spa  où l’on se fait dorloter au foin… bref, un lieu hors norme et hors piste qui se gagne à pied, à ski, en moto des neiges. Un peu plus d’une heure, si l’on choisit la voie pédestre, dix minutes dans le grand silence blanc de la forêt. On est accueilli là comme chez des amis (aisés), par un personnel aux aguets, venu d’ailleurs.Un maître d’hôtel-sommelier, natif d’Ariège, issu de la Marine Nationale, un directeur, géant vosgien, ancien champion sportif, reconverti en aubergiste bonhomme, plus quelques jeunes gens motivés qui vous apportent les plats du moment.  Le chef est italien, officie à Monaco, au Maya Bay, qui appartient, comme la demeure au promoteur n°1 de la principauté, Jean-Victor Pastor. Mais ni bling-bling, ni esbroufe azuréen, dans ce qui est proposé. Comme la planche de charcuterie savoyarde, l’oeuf mollet aux truffes et fregula sarda aux lardons ou la tartiflette. Bref, un lieu qui semble se réveiller d’un long sommeil, tout neuf, dédié à la beauté de la montagne éternelle.

Michel de Matteis à Lausanne

Michel de Matteis en cuisine au Royal Palm © GP

Il était le « Bocuse de l’île Maurice », le maestro du Royal Palm, qu’il a quitté début janvier après qinze ans de bons et loyaux services. Michel de Matteis, natif de Lyon, passé au Royal Monceau, au Taillevent, à la Tour d’Argent, au château de Divonne et au Mirabeau à Monaco, était le chef de référence de son île d’adoption, jouant la cuisine de palace version relax, racontant les retours de pêche, les viandes de haute volée, les poissons de l’Océan Indien, volontiers mêlés aux condiments épicés. Voilà ce MOF 1991, devenu enseignant à l’école hôtelière de Lausanne, la plus réputée du genre, qui possède, depuis l’an passé, une table étoilée, sous l’égide de son compère Philippe Gobet, MOF lui du millésime 1993.

 Bruno Doucet côté Faubourg Saint Honoré

Bruno Doucet © DR

Il a vendu la Régalade historique de l’avenue Jean Moulin, mais en en conservant l’enseigne (le lieu va devenir au printemps les Petits Parisiens, sous la houlette d’Arnaud Duhem). Bruno Doucet est présent au 106 rue Saint-Honoré, dans le 1er arrondissement, comme dans le 9e, à l’enseigne de la Régalade-Conservatoire, et désormais rue d’Aguesseau, juste à côté du « Grand Restaurant » de Jean-François Piège, dans un hôtel de charme fort discret nommé les Jardins du Faubourg, avec « la Régalade du Faubourg »… Ce Tourangeau discret, formé chez Barrier à Tours, passé à Paris chez Prunier, Gagnaire, Vigato, qui fut un temps le conseiller culoainire au Benkiraï de Saint-Tropez, sait faire joli, rustique et simple, mais aussi frais et généreux, à la fois. A deux pas du Faubourg Saint-Honoré, son menu-carte à 45 € fait l’effet d’une divine surprise, d’autant qu’il comprend, en prime, la divine terrine de campagne placée en amuse-gueule. Risotto crémeux à l’encre de seiche et gambas, poitrine de cochon caramélisée et bouleversant riz au lait, ses mets fétiches sont au rendez-vous. Le chef à  demeure est une « vieille » connaissance, puisqu’il s’agit de Xavier Boireau qu’on  vit il n’y a guère dans le groupe Ducasse aux Lyonnais et chez Rech.

Xavier Boireau © GP

 

 

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