Le Meurice
« Alléno, le parisien (Paris 1er) »
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On le prenait pour un Lozérien tranquille venu chercher la gloire à Paris. Ce banlieusard, de parents provinciaux, devenu chef d’élite au Meurice, grand manitou conseilleur à Courchevel (le Cheval Blanc) et à Marrakech (le Royal Mansour), était un Gavroche dans l’âme. Dans le plus munificent des palaces, à la salle à manger façon Versailles, revue par Starck à l’aune contemporaine, il donne libre cours à son imagination, quoiqu’à partir du bitume parigot et des environs d’Ile-de-France.
Sous sa patte grande bourgeoise, l’asperge d’Argenteuil, le cresson de Méréville, le chou de Pontoise, le pissenlit de Montmagny, le safran du Gâtinais, la poule d’Houdan, la menthe de Milly trouvent de neufs usages gourmands. Respectueux de la tradition, Alleno revoit les recettes à sa manière franche, sapide, séveuse. Même si ses versions du maquereau au vin blanc, de l’œuf mayo, de la gratinée à l’oignon ou du poulet père Lathuille s’éloignent franchement de l’optique bistrot.
Pour chaque déjeuner, il compose un menu dit « du terroir parisien » qui offre le fin du fin du produit ménager revu à l’aune de la sophistication grand genre, mais sans chichi d’aucune sorte. Ses clins d’oeil aux zinc, aux casse dalles des parigots tête de veau sont malicieux comme tout. Ce midi, le « meilleur des asperges d’Argenteuil » (sorties d’une boîte à sardines!) en délicate gelée, avec sa cuisson liée comme une sauce anglaise aux herbes, la fine tarte parisienne aux champignons, fromage et très fin jambon de Paris (un clin d’oeil renforcé aux sandwiches de nos comptoirs parigots, ajouté au « jambon et beurre » en carrés, servis avec le pain!) ou encore le suprême de poularde du Gâtinais en coûte de pain avec sa fondante carotte aux appétits, son petit jus léger à la moutarde de Meaux étaient ni plus ni moins que des petits chefs d’oeuvre popus et revus, ciselés à la perfection.
On peut y ajouter les fromages « provinciaux », mais pas tant que ça (Gris de Lille, camembert, brie, saint nectaire, chèvre de Loire, livarot) signés Marie Quatrehomme, et, bien sûr, l’admirable et « traditionnel soufflé au Grand Marnier », revu en finesse par Camille Lesecq avec ses écorces d’oranges et ses jolis quartiers de fruits frais, placés au fond du soufflé, qui apportaient leur note douce, acide, juteuse, verveuse, digeste, bref superbe à ce repas déjà si pointu et malicieux, agile et donc futé de bout en bout.
On ajoute les propositions de vins insolites (riesling grand cru Brand 2005 de Josmeyer, côtes de Provence blanc cuvée Clarendon du domaine Gavoty, gevrey chambertin domaine de la Vougeraie 2007, muscat d’Asti 2010 de chez Torelli), conseillée avec précision, ferveur et passion par l’active sommelière Estelle Touzet, qu’on vit à Londres chez Tom Aikens et au voisin Crillon, devenue la star(lette) de son registre à Paris (et laurée comme telle, donc « sommelière de l’année », au Pudlo 2011).
Bref, voilà une maison au mieux de son style, à redécouvrir le midi pour ce menu fortiche qui exalte les saveurs du terroir parisien avec une confondante habileté. S’il ne les avait déjà, on dirait, pour le roi Alléno, qu’il y a du 3 étoiles dans l’air…
Bilitis dit :
Cela fait rêver et c’est merveilleux de pouvoir être dans ce monde, mais malheureusement il faut avoir les moyens.
Pour certains on ne peut que regarder, mais cela doit être super de pouvoir manger dans cet endroit.
pour moi je ne pourrai jamais y aller, dommage !
pour essayer il suffit de balancer un petit billet de combien cher gilles 300 à500 euros quoi une péccadille!
J’ai travaillé qques années au Meurice et laissez moi vous dire
que la tete d’Alleno ne passe plus les portes… Il en peut plus le mec.
Un grand classique qui remet la tradition au goût du jour avec une classe folle!
C’est le « Chef » tel que je le conçois, plein d’originalité et de savoir-faire !
Tous ses plats sont « époustoufflants », rien que de lire tous les articles qui lui sont consacrés vous « mettent l’eau à la bouche » et vous donnent envie de partager un moment de bonheur grâce à lui ! Un moment d’exception que j’aimerais bien essayer …