Sa.Qua.Na
« Bourdas à Honfleur: un OVNI en pays normand »
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Travail en cuisine © Maurice Rougemont
Il est le plus zen des cuisiniers normands. Une sorte d’Ovni, avec son crâne rond et lisse comme une bouille de billard, son accent chantant made in Rodez, son décor zen en gris et bois. Bourdas Alexandre, qui fut chef au château de Sully à Bayeux, a travaillé chez Bras, Marcon, Guérard, avant d’ouvrir pour le premier une table au Japon. Il est revenu s’installer dans le pays de ses amours, en compagnie de la belle Delphine native du Calvados.
Delphine et Alexandre Bourdas © Maurice Rougemont
Ce technicien sage, qui fuit le superflu et l’emphase comme la peste, a baptisé son lieu paisible Sa.Qua.Na., autrement dit saveur, qualité, nature, trois mots qui le définissent. Sans omettre que « Sakana » en japonais signifie poisson. Adepte de la légèreté, amoureux de la pêche, Alexandre réalise des mets riches, séveux, d’exception qui combine des éléments distincts, créant, ainsi assemblés, une musique neuve, travaillant au gré de deux menus uniques, exprimant la symphonie – ou la sonate – du moment.
Les Bourdas chez eux © Maurice Rougemont
La queue de lotte pochée au citron vert, avec livèche et coriandre, dans un bouillon clair à la coco et l’huile de combawa, le lieu juste cuit avec son beurre rance, son jambon cru, son chou pak choï, ses poireaux, ses graines de passion, comme son rouget étuvé au ragoût de cocos, brocolis et céleri, avec poutargue et coques, jouent sur la fraîcheur, la légèreté, le naturel.
Terrine de volaille, purée de pommes de terre, fine lamelle de pain grillé, gribiche aux truffes © Maurice Rougemont
Le « congee » (soupe vietnamienne au riz) avec tourteau et gras de bœuf grillé, plus feuilles aromatiques et chair de langoustines, est d’une digestibilité sans faille. On a le temps, ainsi, de reprendre des forces pour le « direct », une superbe terrine de volaille, accordée à une purée de pommes de terre, une fine lamelle de pain grillé et une gribiche aux truffes : divin ! Sans omettre de se délecter d’une poitrine de pigeonneau rôtie à la crème de lait au café, des champignons crus, de jeunes navets, le tout citronné.
Le lieu juste cuit au beurre rance jambon cuit, chou pak choï © Maurice Rougemont
On passe sur les fromages de Normandie (livarot au lait cru) et d’Auvergne (roquefort, laguiole), affinés par le jeune François Olivier à Rouen. Mais non sur les desserts de classe que sont la cigarette dite « russe » avec ananas mariné à la réglisse, mousse de beurre de cacao et caramel ou feuille de nougatine cacao avec chocolat blanc et truffe Melanosporum à la crème de châtaignes grillées.
Poitrine de pigeonneau rôti à la crème de lait au café © Maurice Rougemont
Bourdas, qui affirme sa foi en une cuisine « de sens, des sens, d’essences », louvoyant avec parfums, textures, couleurs, comme « déclencheurs de mémoire », se montre ici en digne fils spirituel de Michel Bras. Au pays d’Alphonse Allais et d’Eric Satie, ce créateur passionné hors de toute école est à applaudir sans œillères.
En salle © Maurice Rougemont
En salle © Maurice Rougemont
Le pain maison © Maurice Rougemont
L'équipe de cuisine © Maurice Rougemont
Alexandre au travail © Maurice Rougemont
Le poisson rouge © Maurice Rougemont
Tout à fait d’accord avec Jean-Pierre à propos du SA QUA NA : il est prudent de réserver pour avoir la chance de déguster cette cuisine magnifique.
Petite remarque : je trouve étonnant que ce restaurant soit 2 * Michelin, 3 toques GaultMillau et ignoré du Bottin Gourmand. La nouvelle équipe du BG flotterait-elle ?
Chapeau bas Gilles pour cet article sur le Sa Qua Na dont la visite, au vue des différentes propositions que vous citez, doit être bien antérieure à la mienne (Il aurait été dommage de le garder par-devers vous plus longtemps).
Je partage naturellement ce panégyrique (et Pascal Barbot aussi, très certainement) mais par contre je ne « passerais » pas sur les fromages. Ils sont certes en nombre restreint mais leur plateau rend hommage à l’ingéniosité d’Alexandre Bourdas grâce à ces 2 petites tiges métalliques rétractables contenues dans la table qui permettent de le poser à proximité des hôtes (ingéniosité également pour les plateaux empilables et ajustables qui facilitent bien le travail des serveurs). En plus, les fromages sont bien choisis, affinés à point et originaux, comme ce Cacouyard au lait cru et arômes de noix de la fromagerie « Les Philippe », un fromage qui raconte une histoire, celle des « cacouyards » qui cacouyaient, c’est à dire qui remuaient, mélangeaient et brassaient le fromage. Et puis, quand pour le Roquefort on vous présente du Carles et non du Baragnaudes …. comment passer cette composante sous silence.
Enfin, il ne faut pas oublier le service très professionnel, disponible et à l’écoute, assuré par le maître d’hôtel Frédéric Morin et le sommelier Ronan Datin (passé par la Ferme Saint-Séméon), en phase totale avec la très charmante Delphine Bourdas.
Pascal Barbot, à la table voisine, cherchait le qualificatif qui identifie le goût de viande. S’il vient sur ce blog, il saura que c’est l’Umami (旨味).
PS : Avec seulement 26 couverts, il est prudent de réserver.
Le site « www.alexandre-bourdas.com » reflète bien l’esprit du Sa Qua Na et ce sens du partage d’AB qui se manifeste dès la mise en bouche avec sa Pascade aveyronnaise et ensuite aux mignardises, avec sa Cigarette « dite russe », grué et cacao, mousse au beurre de cacao et toffee.