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Les chuchotis du lundi : Yannick Franques à la Tour d’Argent, Hélène Clément à la conquête des GTDM, Alliance explose, Contraste débute, Veyrat accuse, Julien Bontus prend son envol aux Andéols, Thibaut Peyroche d’Arnaud à Toiras

Article du 30 septembre 2019

Yannick Franques à la Tour d’Argent

Yannick Franques © AA

Du neuf à la Tour d’Argent! André Terrail, qui poursuit le rajeunissement de sa mythique demeure face aux quais de Seine et à Notre-Dame, avait nommé un nouveau sommelier Julien Touitou, en remplacement de David Rigway, sommelier historique de la demeure, admis à faire valoir ses droits à la retraite après quatre décennies de présence. Le voilà qui s’apprête à accueillir un nouveau un chef en la personne de Yannick Franques. Ce MOF 2004, qui fit florès sur la Côte d’Azur, obtint deux étoiles en deux ans au château Saint-Martin à Vence, exerça ses talents au Mirabeau de Monaco et à Terre Blanche dans le Var puis à  la Réserve à Beaulieu, où il vient d’être remplacé par un autre MOF Julien Roucheteau. Formé jadis au Crillon avec Christian Constant, chez Alain Ducasse au Louis XV et au Relais du Parc, avec Jean-Louis Nomicos à la Grande Cascade, puis Eric Frechon au Bristol, ce grand classique sera à son aise pour reprendre la suite de Philippe Labbé, avec un objectif évident : redorer le blason de la Tour en retrouvant la 2e étoile qui lui échappe encore.

Hélène Clément à la conquête des GTDM

Helene Clement © Anthony Devaux

Elle bout d’impatience, se bat comme une lionne pour que la maison familiale (le Lion d’Or à Romorantin), la reine des tables à gibiers en France, récupère l’étoile incompréhensiblement perdue l’an passé. Communicante d’élite (avec son agence « Palais Royal », community manager pour quelques grands chefs (Guy Martin au Grand Véfour, Pierre Gagnaire), auteur de podcasts en cuisine sur la transmission (une cuiller en argent), elle ne ménage pas sa peine pour mener le bon combat pour défendre les belles maisons familiales menacées de disparition et l’artisanat à la française battu en brèche par les grands groupes étrangers. Son nouveau combat: partir à l’assaut des Grandes Tables du Monde. Sans disputer son leader au président de l’association, elle pose sa candidature au bureau de cette association dont sa maison fait partie et pour laquelle elle travailla avec son Mr Communication, Nicolas Chatenier. Candidate au nouveau bureau, qui sera élu lors du prochain congrès des GTDM qui aura lieu les 13 et 14 octobre prochain au Grand Hôtel de Saint-Jean-Cap-Ferrat, elle ne sera pas seule dans la course. D’autres jeunes gens se mettent ainsi en avant, comme Caroline Rostang,  le récent 3 étoiles et N°1 des 50Best Mauro Colagreco, André Terrail de la Tour d’Argent et Sang Hoon Degeimbre, le deux étoiles d’Eghezée en Wallonie.

Alliance explose

Shawn Joyeux et Toshitaka Omiya © GP

Cette maison singulière et discrète, qu’on a évoqué tôt, à son ouverture il y a quatre ans, a ouvert une récente annexe sur le boulevard Saint-Germain Affinité, en lieu et place de Verres de Contact, et a singulièrement progressé. Shawn Joyeux qu’on connut à l’Agapé, et Toshitaka Omiya, formé à l’Arpège, au Cinq et avec David Toutain, ont raffiné une partition subtile qui vole ces temps-ci au niveau des deux étoiles. Au programme du moment? De  fraîches ravioles de tourteau aux radis, pomme verte et curry, un cinglant homard au lait d’amande, de splendides gnocchi au caviar maturé, un remarquable foie gras chaud au gingembre et ciboulette, plus ce morceau de bravoure que constitue le poulet noir et bio de Vendée cuit au corail de homard, mais aussi de jolis desserts à la rhubarbe, à la prune ou à la noisette. On peut miser sans mal sur le bel avenir d’Alliance.

Contraste débute

Le joyeux trio de Contraste © GP

Et un de plus pour Stéphane Manigold. Ce businessman entrepreneur, gourmet et oenophile, qui avait lancé Substance avec succès, récidive en reprenant le Bien Aimé à Paris, rue d’Anjou, mixant moulures Louis XV, banquettes hig tech, cuisine ouverte, clins contemporains. Stéphane qui a le chic pour trouver des chefs jeunes et dans le vent a déniché un joyeux duo qui a fait de grandes maisons, Kevin de Porre et Erwan Ledru, deux copains d’enfance, passés le premier chez Kei, au Plaza-Athénée et au Shangri-La, le second au Meurice, chez Lasserre et chez Rech. On y ajoute une 3e luronne, la pâtissière Tess Evans-Mialet, qui a notamment travaillé aux côtés de Cédric Grolet, dévoile de bien jolies idées sucrées mais légères. Bref, une équipe bien partie pour gagner une étoile et qui oeuvre à travers des menus malicieux. Les vins ont, bien sûr, du tonus et du caractère et les mets malicieux méritent le détour et l’étape. Tartare de veau, oeuf, betterave et anguille fumée, cabillaud et risotto d’orge perlé ou encore citron jaune, à l’oseille sauvage et concombre donnent le ton d’un lieu à suivre.

Veyrat accuse

Marc Veyrat © DR

Il l’avait promis, il l’a fait. Après les diatribes, le procès. Marc Veyrat, par la voix de son avocat Emmanuel Ravanas, porte plainte dans « l’affaire » qui l’oppose au guide Michelin et son actuel directeur Gwendal Poullennec. Il demande que le guide rouge le retire de ses pages, ce à quoi la nouvelle direction se refuse. On sait qu’avec la nouvelle direction, la règle tacite, qui voulait que les maisons qui voulaient « rendre leurs étoiles » ou cesser de paraître dans le guide, a pris fin. Selon ce qu’on pourrait nommer la « jurisprudence  Poullennec« , la maison Bras à Laguiole a été remise dans le guide avec une étoile de moins, un an après avoir demandé de ne plus y figurer. D’autre part, le maestro de Manigod s’interroge toujours non seulement sur la compétence des inspecteurs qui auraient confondu le reblochon et le beaufort avec le cheddar, mais aussi sur la présence réelle des dits inspecteurs l’an passé chez lui. On rappelle que la 3e étoile lui avait été donnée en 2018 par Michaël Ellis et retirée l’année suivante par son successeur. Comme si la nouvelle direction marquait ainsi sa volonté de se distinguer de l’ancienne par un flambant coup de buzz. «Nous comprenons la déception de monsieur Veyrat dont nul ne conteste le talent même si nous regrettons sa persévérance déraisonnable à accuser et à communiquer bruyamment. Nous voulons rappeler que notre premier devoir consiste à informer les consommateurs ce qui nous a amené à revoir notre recommandation. Nous allons étudier ses demandes avec attention et y répondre sereinement», a communiqué officiellement la direction du Michelin. L’audience en référé (procédure d’urgence) devant le TGI de Nanterre est prévue le 27 novembre. Comme le commentait avec humour Augustin Trapenard, le chroniqueur culturel de Boomerang, relatant l’affaire sur France-Inter : « Qui vivra Veyrat... »

Julien Bontus prend son envol aux Andéols

Julien Bontus © GP

Il est barbu comme Jésus, droit comme un I, mince comme un fil, inconnu au bataillon des grands chefs de Provence, nous fait penser à Jérôme Roy, qui eut vite son étoile après que nous le découvrîmes au Couvent des Minimes à Mane. On souhaite le même destin à Julien Bontus, qui gère depuis peu le 7e élément, la table gourmande et gastronomique, promouvant une cuisine légère et de santé, « nutri-préventive » pour un public vite convaincu, dans le cadre artistique du domaine des Andéols, à Saint-Saturnin-lès-Apt, avec sa cuisine ouverte et sa grande fresque signée Jean-Charles de Castelbajac. Le soir seulement, cet ancien second de Marc de Passorio, à l’Esprit de la Violette d’Aix-en-Provence, fait des merveilles, vives, fraiches, légères, en version locavore, avec des choses exquises qui viennent des proches environs. Des exemples? La soupe au pistou avec ses haricots blancs, ses légumes des jardins voisins, le gyoza non pas de viande, mais de butternut et épeautre d’ici, le tassergale, un rare poisson méditerranéen, choisi pour lui par son poissonnier vauclusien, à bonne source, issu de la pêche durable, avec tomate, mozarella avec laquelle sont confectionnés d’exquis spaghetti froids, plus le formidable filet de pintade juste cuit sur peau craquante, ferme et moelleux à la fois: voilà, qui séduit sans manière, ni chic d’aucune sorte. On vous en reparle vite!

Thibaut Peyroche d’Arnaud à Toiras

Thibaut Peyroche d’Arnaud © GP

On l’a connu en chef étoilé, modeste, convaincu et convainquant, dans une ancienne école transformée en table de bonne compagnie à Saint-Quentin-la-Poterie près d’Uzès. C’était il y a seize ans… Depuis, Thibaut Peyroche d’Arnaud a voyagé, au service des frères Pourcel, en Afrique du Nord, en Polynésie et aux Seychelles, avant de revenir en France et reprendre brièvement les fourneaux de l’Imaginaire à Terrasson-la-Villedieu en Périgord. Le voilà en chef assagi et aguerri, jouant la cuisine des Charentes, de la mer, de la terre et du marché, au service de Didier et Olivia Le Calvez à l’hôtel de Toiras à l’île de Ré. Epices lointaines, légumes oubliés, poissons tous frais issus de la pêche de ligne composent désormais la cuisine au jour le jour de la Table d’Olivia à Saint-Martin-de-Ré, dont Thibaut Peyroche d’Arnaud constitue le troisième chef en titre depuis l’ouverture. Etoile en vue…

Les chuchotis du lundi : Yannick Franques à la Tour d’Argent, Hélène Clément à la conquête des GTDM, Alliance explose, Contraste débute, Veyrat accuse, Julien Bontus prend son envol aux Andéols, Thibaut Peyroche d’Arnaud à Toiras” : 3 avis

  • Jean Marc

    Bonjour M. Pudlowski,

    Il est dommage pour Philippe Labbe que ce faire virer de la Tour d’Argent dans de tel circonstance…

  • Gilles, vous auriez pu parler de la réouverture effective (inauguration le 18 septembre et premier service pour le déjeuner du 20 septembre 2019) du Petit Vatel à Alençon, le nouveau fief culinaire de Barbara & Julien Perrodin, le couple du BarJu de Tours. Au programme des festivités, 3 menus (24, 33 et 54 €) ainsi qu’une courte carte de 5 propositions. Lisette de Bretagne marinées aux agrumes, jus corsé aux crevettes (moins niaque d’au BarJu), grandiose Carpaccio de homard bleu, vinaigrette de betterave, œufs de brochet fumés Pétrossian et savoureuse Pomme de ris de veau français laquée, pamplemousse confit et haricots verts, sont quelques uns des exemples d’une affiche gourmande des plus intéressante. On oublie pas bien sûr la finale sucrée et son affriolante Roulante (de chez Servizial) des desserts concoctés par le pâtissier de la maison, Loïc Boulard, un authentique boulanger/pâtissier de boutique qui travaille l’essentiel, le goût ! La carte des vins, pilotée par Barbara Perrodin (pour l’instant) est solide et suffisante pour conclure de beaux accords avec la cuisine de Julien Perrodin et son équipe.

  • Therie

    Toujours très très bonne analyse des chefs mais quand pourrons nous avoir des chefs vrais sans passer par des Ducasse et autres

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